Division des tâches ou véritable hiatus ? Alors que son Premier ministre désigne comme adversaire "l'islamisme radical", le discours de Hollande reste trouble. À moins que son jeu ne soit trop clair. Sa communication ne pipe mot, elle cherche même à étouffer toute évocation de la vraie nature de l'ennemi contre qui, cependant, nous constatons que nous sommes en guerre.
Au lendemain des attentats ignobles du 13 novembre une donne nouvelle semble à nouveau se dessiner dans l'opinion française, 300 jours après l'occasion manquée de la manifestation immense du 11 janvier, et de manière plus profonde et plus durable.
C'est un fait que le chef de l'État s'il maîtrise mal le gouvernement qu'il préside, s'il demeure prisonnier d'une alliance électorale de gauche qui l'empêche de sanctionner Mme Taubira, joue assez habilement du contrôle très étroit qu'il exerce sur les moyens de communication de masse.
Or, tout son jeu consiste actuellement, afin de "ne pas stigmatiser", de "ne pas faire d'amalgame", de "ne pas humilier", etc. à parler le moins possible de l'islamisme, tout au plus du "djihadisme", et encore très rarement. Dans le même temps on cible le plus possible la "terrorisme". Pourtant, on ne rappellera jamais assez qu'il n'est qu'un moyen, une arme dans un conflit. On nous dit que nous sommes en guerre. Et cela est vrai. Cela est au moins confirmé par les bombardements aériens, comme par l'engagement de nos faibles forces navales en Méditerranée. Or, on ne fait pas la guerre "à la guerre" elle-même, mais à un adversaire qui utilise cette forme de guerre que nous appelons terrorisme.
Cet adversaire lui-même s'appelle l'islamisme, cette dérivation de l'islam qui prétend faire plier l'humanité à son interprétation littérale du Coran.
La communication officielle veut ignorer ce fait juridico-religieux. Le pouvoir en écarte la perspective sous prétexte de laïcité. On ne veut pas entendre parler des faits religieux, en sous-entendant que seuls compteraient les études de marché, les statistiques économétriques, les approximations sociologiques et les sondages d'opinion.
Il est devenu à la mode de parler d'éléments de langage. L'un des plus couramment entendus consiste à invoquer ce que produiraient "toutes les religions".
C'est une manière de les nier et de les mépriser sous prétexte sans doute de ne pas "stigmatiser" etc. Car aucune religion ne fonctionne comme sa voisine, et chacune est traversée par des divergences internes plus ou moins fortes quant à l'interprétation.
Ainsi la foi mahométane est-elle déchirée, pas seulement entre chiites et sunnites. Les premiers sont eux-mêmes subdivisés entre des légitimités et des sectes diverses, parfois très éloignés des autres musulmans, ainsi les druzes, ainsi les "nosayris" que nous appelons "alaouites", et auxquels se rattache Bachar al-Assad. Les seconds sont le champ de batailles féroces entre écoles juridiques antagonistes. Ces rivalités, remontant à plus de mille ans, n'ont fait que s'amplifier. Elles sont apparues dès l'assassinat du quatrième calife en 661 et la prise de pouvoir des omeyyades au VIIe siècle. Elles se sont développées au gré de la naissance des écoles respectives de Abou Hanifa (699-767) Malik ibn Anas (711-795) al Chafii (767-820) et enfin la dernière en date celle d'ibn Hanbal (780-855). Celle-ci, la plus rigoriste, la plus intransigeante vis-à-vis des chrétiens, a donné naissance au cours du XVIIIe siècle au wahhabisme, aujourd'hui encore doctrine d'État de l'Arabie saoudite. Toutes ces écoles ne se réconcilient que pour persécuter les écoles représentatives du soufisme et du chiisme.
Les confondre systématiquement comme on le fait, ce n'est donc pas seulement faire preuve d'un sectarisme laïciste injuste et méprisant auquel les socialistes semblent ne pas avoir renoncé, c'est ignorer les faits et s'exposer à ne jamais construire la paix future dont on se réclame pour mener la guerre.
Il est, aujourd'hui encore, habituel et toujours de bon ton en France, de reprocher aux Américains d'avoir déstabilisé, en 2003, l'Irak par leur intervention lourdaude et de rappeler constamment les fautes de l'administration Paul Bremmer, "directeur de la reconstruction et de l'assistance humanitaire" jusqu'en juin 2004. On sait, en particulier que les officiers et des cadres et des services spéciaux, limogés à la légère de l'armée irakienne, représentent aujourd'hui la majorité absolue des dirigeants de Daëch. Mais à se concentrer sur ces seuls faits, en eux-mêmes indiscutables, c'est aller un peu vite que de parler de "déstabilisation" s'agissant d'une région qui, depuis la défaite ottomane de 1918 n'a jamais été stable.
Et la mémoire française gagnerait elle-même à s'interroger sur le vrai bilan du mandat que la IIIe république avait reçu de la Société des Nations sur le Liban et sur la Syrie et auquel la France libre renonça en 1943. Veut-on recommencer toujours les mêmes erreurs ? Le Second Empire avait fait de "Partant pour la Syrie" un hymne national. Il n'est arrivé qu'à Sedan.
Il me semble donc d'une nécessité vitale de savoir ce qu'est cet "islamisme", ce nouvel avatar du nationalisme musulman, auquel nous nous trouvons confrontés.
Prochaine conférence de l'Institut d'Histoire sociale
Mercredi 25 novembre de 18h à 20h au café du Pont Neuf 14 quai du Louvre, Paris 1erpar JG Malliarakis autour du livre de "La Faucille et le Croissant"
Congrès de Bakou : Quand le Komintern appelait les musulmans au djihad
http://est-et-ouest.fr/conferences/conf151125.html
À lire en relation avec cette chronique
livres sur l'Islam et l'islamisme à commander aux Éditions du Trident.
Sait-on à quelle école appartenaient les assassins? Etaient-ils motivés par des considérations théologiques? Quel a été le rôle des imams? Ou s'agissait-il pour eux de venger les bombardements en Syrie, ou simplement de tuer des mécréants dans le cadre du jihad? Une connaissance plus fine de l'ennemi serait bien nécessaire.
Rédigé par : Jacques Peter | vendredi 20 nov 2015 à 10:52
La région n'était guère stable avant 1918, plutôt étouffée.
Petite réponse
Descendant d'Européens qui ont pris les armes en 1821 contre l'empire Ottoman, je ne dis pas le contraire. J'observe simplement que nous n'avons jamais appliqué le traité de Sèvres de 1920.
Rédigé par : Gérard Couvert | vendredi 20 nov 2015 à 11:55
A savoir : ces actions dénotent un narcissisme pervers qui tend à imposer un modèle, créer des congénères et pousser la législation afin de "normaliser" les déviances. Ainsi en va t-il d'autres perversions. Le reste est connu des spécialistes. Les autres sont sourds et s'occupent de leur carrière politique.
Rédigé par : minvielle | vendredi 20 nov 2015 à 14:42
"Interprétation littérale du Coran" ? Mais la doctrine de l'islam n'est pas bornée au Coran. Elle est contenue dans le Coran ET dans la Sunna du prophète. C'est ce que disent tous les oulémas, tous les muftis, tous les imams. Lesquels sont tout de même les mieux placés. Certains d'entre eux ne mentionnent que le Coran quand ils s'adressent aux infidèles, à qui on fait lire quelques versets magnifiques, soigneusement sélectionnés, et d'ailleurs souvent abrogés.
Ensuite qu'est-ce que c'est qu'une interprétation non littérale du Coran ? Et dans quel réseau de mosquées cela s'enseigne-t-il ?
Petite réponse
Merci de votre réaction. Sur le fond de votre "question" je suis plus que d'accord avec ce que vous suggérez. Essayons quand même de préciser brièvement, si je me suis mal exprimé. Il existe au moins 5 familles d'écoles différentes d'interprétation du coran et des hadiths : les 4 écoles dites "sunnites" et "la" famille "chiite". Je vous rappelle qu'ils s'entre-tuent et que cette guerre tue chaque jour plus de gens dans le monde que les monstrueux attentats de Paris du 13 novembre. Ceux que nous appelons aujourd'hui "les islamistes", en gros, dérivent d'une partie seulement de ces écoles : elles sont particulièrement implantées dans les pays que les autorités publiques républicaines en France, et occidentales en général, tiennent pour amis, ou ont trop longtemps cru qu'ils étaient "nos amis et "nos alliés". Certes la lecture de certains versets du Coran, et même celle du Coran, est une méthode très trompeuse d'appréhender l'islam. Ce n'est certainement pas ce que je recommande. Cet article aura une suite… à bientôt.
Accessoirement "la" Sunna du "prophète" est plus qu'un objet de débat entre musulmans. C'est l'enjeu de leurs divisions et c'est l'objet de querelles de témoignages.
Autre enjeu, essentiel pour nous : la solidarité presque instinctive qui les unit, en toutes circonstances, face aux "mécréants". C'est cela qu'il fait mettre à nu et les amener à répudier s'ils veulent rester chez nous. Nos médias portent une terrible part de responsabilité quand ils emploient l'expression de "la communauté musulmane".
Rédigé par : Curmudgeon | samedi 21 nov 2015 à 11:31
Cette "interprétation littérale
du Coran" ou dévoyée ou maximaliste, ou, ou, me fait sourire puisque la Sourate 3, verset 7 affirme que seul Allah est capable d'interpréter le Coran...
Par contre, il manque un petit sondage : de quelles écoles juridiques se réclamaient les animateurs non invités du Bataclan ?
Rédigé par : Dubitatif | samedi 21 nov 2015 à 20:42
Les politiciens depuis des décennies massacrent l'armée la justice et la police.
30.000 fantassins pour nous défendre c'est bien moins que l'armée suisse. Dont 8.000 font un travail de bedeau devant les églises, et de nounou devant les écoles. (A Paris)
30.000 fantassins ne rempliraient que la moitié du stade de France. Et dans quelques semaines nous n'aurons plus de munitions pour les Rafales.
Il faudra des années pour reconstruire les forces régaliennes.
Rédigé par : sparte | lundi 23 nov 2015 à 08:51
Dans la réponse qu'il me fait, M. Malliarakis a raison de mettre en avant la solidarité entre courants de l'islam quand il s'agit des infidèles. La plupart des Pakistanais sont hanafite pour la jurisprudence (fiqh), et matouridites pour la théologie (kalam). Ensuite ils se divisent en déobandis et barelvis (ces derniers soufisés), lesquels se détestent, au point de se tuer. Mais tous, ils se ligueront contre, par exemple, les chrétiens. Même la considérable distinction entre sunnites et chiites s'estompe quand il s'agit de faire front commun contre le "peuple de l'incroyance".
Rédigé par : Curmudgeon | mardi 24 nov 2015 à 08:45
Ces courants condamnent ils "la femme infidèle" ?
Vous connaissez certainement la différence entre les attitudes de Jésus-Christ, puis de Mahomet:
- Notre Seigneur pardonne et dit : vas et ne pêche plus.
- alors que le second dit : reviens dans 2 ans avec ton petit : 2 années après la femme revient avec son enfant (âgé de 2 ans). Mahomet prend l'enfant, et ordonne : enterrez là jusqu'au cou et lapidez la.
N'est ce pas cela l'essentiel ? Le reste n'est il pas de la politique interne à la Oumma ?
Rédigé par : Dominique | mercredi 25 nov 2015 à 12:16