La présidence de la république a cru opportun de commémorer le 70e anniversaire des décrets de 1945 instituant ce que l'on nomme, en France, sécurité sociale.
Mitterrand avait inventé de se rendre chaque année au congrès des mutuelles, sachant le poids "philosophique" de ces organisations ; Chirac l'a imité. Le même Chirac prétendit célébrer aussi, lorsqu'il fut à son tour élu chef de l'État, le 50e anniversaire des textes arbitrairement considérés comme fondateurs de la sécurité sociale.
Il osa les présenter en septembre 1995, comme constitutifs de l'identité française.
Afin de sauver le monopole, il décida de réformer la constitution en février 1996. Les nouvelles dispositions créaient un monstre juridique, qu'on appela d'abord loi d'équilibre, puis loi de financement de la sécurité sociale. Plus lourde que le budget de l'État elle pèse 476 milliards de dépenses prévues pour 2015 contre 373 milliards de dépenses de l'État.
Vingt ans plus tard, Hollande imite lui aussi ses prédécesseurs.
À son tour, le 6 octobre, il a présenté ce dispositif comme "pilier de la république". Il y voit, de toute évidence, une sorte de petit gage moral donné à l'aile gauche de son électorat futur en vue des élections de 2017, s'il parvient à se présenter. L'union de la gauche serait ainsi scellée par la conservation du prétendu "modèle social français".
Tout cela appelle par conséquent quelques remarques de la part de votre chroniqueur.
D'abord la ficelle paraît un peu grosse de fêter ce 70e anniversaire, comme on a fêté celui de la fin de la seconde guerre mondiale.
Les décrets Parodi, contresignés par le général De Gaulle, ne constituent qu'un maillon dans une chaîne, entre les assurances sociales de 1928, la charte du travail de 1941 et la loi communiste de 1946, puis les ordonnances de 1967, et enfin le plan Juppé de 1995.
La première affirmation à corriger est celle selon laquelle il s'agirait d'un "modèle".
Chacun sait que l'embarcation prend l'eau de toutes parts. Chacun pourrait savoir aussi que la législation n'a cessé d'évoluer depuis la loi Ambroise Croizat, ministre PCF. Celle-ci tendait en 1946 à généraliser le système. Mais cette loi ne demeura en vigueur que quelques jours en juillet de la même année, échouant alors du fait de la grève des cadres.
Cette idée de l'invariance d'un prétendu "modèle" n'a guère commencé à se construire que dans les années 1990 et sous l'influence du parti communiste.
C'est à cette époque, avec pour effet de parvenir à une convergence avec les chiraquiens, qu'a été tiré des oubliettes le prétendu "programme du CNR".
Sous cette appellation on s'est employé à confondre le travail du "Comité des experts" créé par Jean Moulin, avec ce qui n'était en réalité qu'un tract de quelques pages, tract intitulé "les Jours heureux", rédigé en 1944 par quatre dirigeants de l'appareil stalinien en France, Duclos, Frachon, Villon et Meunier.
Ce document restait extrêmement évasif, bien évidemment, sur ce qu'il appelait simplement un "plan de sécurité sociale".
On doit aussi se départir, par ailleurs, 70 ans plus tard, de toute fixation sur les chiffres tels qu'ils sont fournis, de façon très grossière, par les administrations (in)compétentes et que l'on voit répercutés par les gros moyens de désinformation. Même lorsqu'ils se proposent de donner une vue réaliste, c'est-à-dire pessimiste sinon alarmiste, de la situation, ces agrégats comptables n'ont guère de signification.
L'important consistera à partir d'un constat : face aux diverses formes d'assurances, vieillesse, maladie, mais aussi accidents du travail, invalidité, maternité, etc., les Français incorporés de force dans des "régimes" c'est-à-dire des "contrats" non négociables, des règlements, unilatéralement imposés et monopolistes, ont cessé de croire à la pérennité du système en général.
Les sondages les plus récents confirment en effet ce qu'on appelle "inquiétude". Ce sentiment est éprouvé par 80 % de nos concitoyens c'est-à-dire exactement le contraire de ce que suggère le mot "assurance".
Autre indice de la faillite psychologique et même morale de l'assurance-maladie l'obligation récente faite aux entreprises de contracter au nom de leurs salariés une assurance complémentaire.
Cette réforme patronnée par Marisol Touraine ne sera pas comptabilisée au titre des prélèvements obligatoires : mais cette création d'une nouvelle obligation reviendra au même qu'une augmentation, car elle aggravera encore le coefficient multiplicateur du coût du travail, alors même qu'on prétend, par ailleurs, l'abaisser.
À lire en relation avec cette chronqiue
"La Sécurité sociale et comment s'en sortir" par G Lane à commander aux Éditions du Trident, sur la page catalogue ou par correspondace en adressant un chèque de 29 euros aux Éditions du Trident, 39 rue du Cherche-Midi 75006 Paris.Si vous aimez cet article
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Ces précisions sont tout à fait bienvenues. Sauriez-vous où l'on pourrait prendre connaissance à la fois du travail du "comité des experts" et du tract "Les jours heureux" ?
Rédigé par : Robert Marchenoir | mercredi 07 oct 2015 à 22:50
En attendant le livre que JGM prépare sur les sources du "modèle social français" vous trouverez le texte des "Jours Heureux" à l'adresse https://fr.wikisource.org/wiki/Programme_du_Conseil_national_de_la_Résistance
Aucun de ses rédacteurs n'appartenait au Comité des experts créé par Jean Moulin. Tous appartenaient au PCF. Y compris Villon-Ginsburger représentant du mouvement de résistance créé par les communistes sous le nom de … front national (aucun rapport avec celui de JMLP!).
Rédigé par : Émile Koch | jeudi 08 oct 2015 à 02:04
Merci, c'est effectivement sous cette seule forme que je connaissais le "programme du CNR". On voit là qu'il s'agit d'un détournement, puisque ce "programme", si programme il y a, est avant tout militaire ; les mesures politiques à prendre à la Libération ne viennent qu'en second.
Rédigé par : Robert Marchenoir | jeudi 08 oct 2015 à 04:13
J'ai critiqué la sécu lors d'une réunion professionnelle ne sachant pas que parmi les vieux cons présents certains étaient des CNR ex collabos ça va sans dire. C'était moins une que je me retrouve emplumé et goudronné sinon pire comme Amouroux le raconte. De ce jour, la guerre était déclarée. Teigneux ces vieux cons !
Rédigé par : Homo-Orcus | jeudi 08 oct 2015 à 08:05
Vous avez raison de démasquer l'imposture : il n'y a pas de modèle social français évidemment.
Mais il y a un modèle de société totalitaire. Si nous ne sommes pas sous la Stasi et s'il n'y a pas de Goulag, il y a des hommes dont les entreprises sont liquidées, et leur pensée est baillonnée par les médiats et leurs livres détruits par l'a-justice, leur liberté foulée aux pieds et leur honneur bafoué. Il y en a qui s'en remettent, d'autres non : les taux de suicide sont effrayants : jeunes, agriculteurs, policiers etc. parmi ces malheureux nombre n'auront même été que des moutons.
Nous vivons dans un pays d'interdictions : de conduite, de parole, de travail, de soin non chimique, d'information libre, et même de tabacs et de vins etc. Connaissez vous un pays où il y aurait autant de feux rouges, de stops, de gendarmes couchés, et de radars ?
Et la Vie y est en péril : l'internement psychiatrique d'office existe (!)les bébés à naître sont assassinés par avortements massifs, l'euthanasie passive ou active est une réalité effrayante pour les grands blessés et les vieillards et maintenant elle est judiciarisée (un comble puisque la loi et la justice devraient protéger les faibles). Aussi : 200 viols par jour, 2 000 agressions par jour et 10 000 vols par jour, avec interdiction pénale de se défendre
L'homme s'habitue à tout ou presque mais n'y a t il pas des limites ?
Vous avez dit "modèle social français" ? Au delà d'un système de confiscation du travail et des biens familiaux, n'est il pas un terrible système de destructions de l'Homme, depuis plus de 2 siècles déjà ?
Rédigé par : Dominique | vendredi 09 oct 2015 à 11:49