Quand on évoque le modèle social français on ne doit jamais perdre de vue que sa première conséquence peut être observée à Londres. Vivent désormais dans la capitale britannique plus de 300 000 de nos concitoyens. L'orgueilleuse citadelle de l'impérialisme financier est devenue la 6e ville "française", en fonction du nombre de ses habitants venus de notre pays. S'y côtoient toutes les couches sociales, cadres supérieurs, salariés à venus à la recherche d'emplois qu'ils y ont effectivement trouvés, mais aussi, point très importants, créateurs d'entreprises.
Grâce au modèle social français, l'Histoire des îles britanniques a connu le plus grand arrivage en provenance qu'elles avaient connu depuis Guillaume le Conquérant. Même les horreurs de la révolution jacobine n'avaient entraîné le départ que de 140 000 de nos compatriotes. Ne poussons pas la cruauté jusqu'à comparer le chiffre des patriotes qui se rendirent à Londres pour combattre aux côtés du général De Gaulle.
Depuis 20 ans que ce mouvement s'est développé, une seule mesure légale efficace a été prise pour sauvegarder le développement en France de l'initiative privée, et par conséquent du maintien dans notre pays des gens désireux d'entreprendre : on la doit à Hervé Novelli inventeur du régime des auto entrepreneurs. Ce concept fait partie de la loi, beaucoup plus vaste, et pas toujours heureuse, dite LME, de "modernisation de l'économie", promulguée il y a exactement 7 ans, le 4 août 2008. Le nouveau système est entré en vigueur le 1er janvier 2009.
On se tromperait en assimilant l'approbation que mérite le travail de ce ministre, appuyé par le vote des députés en 2008, à une quelconque nostalgie "sarkozyste" : le 13 mars 2015, vendredi 13 noteront les superstitieux, l'ancien président était invité sur France Info. En cette occasion, il a cru bon de parler de la nécessité de revoir le statut d'auto-entrepreneur, : "C'est un caillou dans ma chaussure, a-t-il osé proclamer. (...) On a un problème de concurrence déloyale entre l'auto-entrepreneur qui n'a pas d'obligation et l'artisan."
Pourtant, c’est bien sous sa présidence que ce régime avait vu le jour. En 2009, c'est bien lui, qui s'en été prévalu dans ces termes : "Le succès de l’auto-entrepreneur est en passe de devenir un phénomène de société. Je souhaite que l’on fasse de vos histoires personnelles des exemples dans les écoles, dans les cités, à la télévision." Et d'ajouter, de manière effectivement convaincante, mais apparemment pas sincère : "Que préfère-t-on ? Laisser les travailleurs indépendants qui paient leurs cotisations et leurs impôts face à la concurrence déloyale de ceux qui travaillent sans se déclarer et sans payer aucun impôt ?"
Ces déclarations datent, certes, mais ce qui n'a pas faibli c'est la popularité de ce dispositif. Aujourd'hui encore il représente la moitié des créations d’entreprises, 283 000 sur 551 000 créées en 2014. On comprend mal dans de telles conditions la réticence d'une partie de la droite à le défendre. En 2013, un rapport remis par l’Inspection générale des finances et par l’Inspection des affaires sociales est obligé de conclure que sur les 982 000 auto-entrepreneurs, respectant leurs obligations et, notamment, la qualification pour l’exercice des activités artisanales, leur existence ne constitue aucunement une concurrence déloyale. Représentant environ 12 milliards d'euros de chiffre d'affaires ils acquittent 4 milliards de cotisations sociales
Cela marchait trop bien. Les socialistes donc ont essayé de le détruire.
Mais devant la mobilisation du mouvement des "poussins" ils ont (provisoirement) reculé, se contentant d'alourdir le dispositif en le fusionnant en décembre 2014 dans le régime dit de la micro-entreprise qui maintient, malgré tout, certains principes essentiels du système.
Ce n'est donc qu'un début, il faut continuer ce combat.
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Le régime de l'autoentrepreneur est l'une des choses qui marchent plutôt bien...autrement la France exporte des gens qui veulent travailler et importe des gens qui viennent se faire assister.
Rédigé par : Mariana | mercredi 05 août 2015 à 13:05
4 milliards de cotisations pour 12 milliards de chiffre d'affaires, cela me paraît à première vue énorme.
Bien sûr, il faut se féliciter de l'existence de ce régime, mais de là à dire que les auto-entrepreneurs ont créé autant d'entreprises... Un auto-entrepreneur, c'est avant tout quelqu'un que personne ne veut salarier et que la loi incite à se bricoler un statut misérable d'indépendant. Sans compter le nombre très importants de prétendus auto-entrepreneurs qui ont un chiffre d'affaires ridiculement bas, suffisant peut-être pour payer les cigarettes mais certainement pas pour vivre.
Par ailleurs, le problème de ce genre de mesure est toujours le même : il crée effectivement une distorsion de concurrence avec les gens qui ne bénéficient pas du régime dérogatoire.
De telles mesures ne sont donc cohérentes que si elles servent, une fois leur efficacité démontrée, à généraliser le libéralisme dont elles s'inspirent.
Or, ni les gouvernement successifs ni la plupart des Français n'ont le réflexe élémentaire de se dire : puisque le régime de l'auto-entrepreneur marche si bien, alors ce sont les cotisations sociales et les impôts de toutes les entreprises qu'il faut massivement réduire.
De même, puisque la forte baisse des cotisations sociales sur les bas salaires induit les entreprises à embaucher à bas salaire, alors c'est bien la preuve qu'il faut tailler les cotisations sociales sur l'ensemble des salaires.
Hélas, personne ne fait cette déduction élémentaire ; tout le monde se repose sur ses lauriers en pensant que le boulot a été fait. Du coup, les effets pervers sont inévitables.
Pareil avec les taxis : on autorise Uber, ça explose, les taxis se plaignent, on en reste là. Evidemment, les taxis ont de bonne raisons de se plaindre.
Concernant les taxis, d'ailleurs, j'aimerais bien que l'on m'explique ce qui est à l'origine de l'existence des VTC. Quelqu'un a-t-il exploité les failles de la législation, ou bien ce qui était interdit auparavant est devenu autorisé ? Aucun média ne s'est cru obligé d'expliquer cela.
Rédigé par : Robert Marchenoir | mercredi 05 août 2015 à 18:36
@Robert : l'invention de ce statut fut une excellente idée : façon pour un ministre libéral de tordre le cou sans le dire aux taux pharaoniques de prélèvements sociaux ! Il fallait bien commencer par un bout ...
(il s'agit de prélèvements confiscatoires, et non de cotisations véritables qui apporteraient des contreparties tangibles)
Qu'une idée sous-jacente fut également de sortir du travail clandestin des ouvriers, employés "au noir" par des donneurs d'ordre patentés, ne fait aucun doute. On permit ainsi également à ces hommes là d'échapper aux risques de la garde à vue, et des accidents du travail ... dissimulés et donc par la suite moins bien soignés.
On évita aussi aux petits patrons du bâtiment qui pouvaient avoir de temps à temps la faiblesse de prendre un "gars au black" pour terminer un chantier, de se retrouver à Fleury-Mérogis. Les gros donneurs d'ordre ne risquant pas cela, par l'interposition de leurs sous-traitants.
Bref une idée très chrétienne qui ne pouvait décidément pas plaire à toute la gauche, qui dès le départ cria contre un système qui "allait rompre l'équilibre de la sécu".
Il y aurait eu une façon d'éviter la ruine future de cette innovation : la placer sous une protection sociale privée (assurance maladie), et non pas sous celle de la Sécu. Celle-ci attendant évidemment l'auto-entrepreneur au coin du bois :-(
Rédigé par : Dominique | vendredi 07 août 2015 à 15:09
"To survive at all, many SMEs substitute full-time employees with “auto-entrepreneurs”, a form of self-employment that allows the employer to avoid at least some of the social charges and pay the worker as if on a specific contract. The tax authorities regard it as a semi-illegal form of “disguised employment”, but reluctantly tolerate the practice in many instances, for fear of the further damage a crackdown would do to an already deeply impaired labour market."
http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/france/11171314/France-is-a-nation-in-decline-and-Britain-could-be-next.html
Petite réponse
L'intégralité de l'article en lien est intéressante. Il s'agissait, en octobre 2014, dans le contexte des élections conservateurs ont gagnées au printemps 2015, de montrer la convergence (funeste) du socialisme français de Hollande et du travaillisme anglais de Millbank. Le statut des auto-entrepreneurs est présenté comme un pis-aller, etc.
Rédigé par : Robert Marchenoir | samedi 08 août 2015 à 20:04
Bonjour.
Pourquoi se réjouir que ce régime médiocre de l’auto-entreprise, fonctionne ? Un régime fiscal de crise, pour limiter le travail dissimulé mais légaliser le travail clandestin ? Comment ne pas se réjouir de payer moins de charge que son voisin, un voisin commerçant ou artisan, travaillant sous un véritable statut d’entrepreneur. Non seulement on se moque de l’entreprise mais on met tout en œuvre pour la détruire.
Malheureusement aucun de nos élus se préoccupe sérieusement du sujet, pourquoi ne pas donner aux entreprises des droits inspirés de l’auto-entreprise et supprimer ce régime fiscal ?
Non, les poussins vont s’allier aux agriculteurs en colère ! Laissons crever les petites entreprises qui créent encore de l’emploi en France, nous ne connaissons pas le chômage dans l’hexagone ! Je vais vous dire ou nous allons, regardez autour de vous, les vides greniers avec tous ces camions & camping car, tous ces vendeurs & loueurs particuliers réguliers sur les sites de ventes en ligne, aussi ces indépendants qui se désinscrivent du RSI. La face cachée celle que les pros entrepreneurs refusent de voir est-elle si belle pour la conserver ? Pensez à vos enfants, ils seront auto-entrepreneurs eux aussi ? Le remède de crise pour toutes les générations qui arriveront sur le marché du travail ? Bravo, vous promettez un bel avenir à vos progénitures ! L avenir ce n’est certainement pas de laisser les créateurs d’entreprises s’enliser dans un système aux revenus déclarés aussi médiocre. Si vous désirez conserver l’auto-entreprise il faudra la revaloriser et ne s’en servir comme un tremplin, une durée de 6 à 12 mois sera le maximum pour ne pas s’enliser dans un système pervers.
Mes propos dégoutent ceux qui sont déjà enlisés, mais ils ne s’adressent qu’aux autres.
Rédigé par : Jolo Denis | mercredi 19 août 2015 à 08:15
Tout ce qui peut casser à la baisse les charges et les taxes est bon à prendre, cela permet par exemple à ceux qui ont été licenciés à cause des charges dites sociales sur leurs salaires, de survivre ; et à ceux qui ne peuvent être embauchés de se faire un auto-CV !
Un avocat me disait un jour : mes clients sont comme des gens qui sont en train de se noyer ... dans la m.
Et mon rôle est de leur mettre la tête hors de tout ça pour leur permettre de respirer même si ça sent très mauvais : seul moyen pour eux de pouvoir s'en sortir, à la fin. Alors j'ai réussi mon boulot.
Oui le ministre qui a eu le courage de créer le statut d'auto-entrepreneur a fait un bon boulot, de Samaritain.
Rédigé par : Hermes | dimanche 23 août 2015 à 09:37