Commençons par rassurer ceux de nos lecteurs que le choc de simplification pourrait effrayer. Ils peuvent dormir sur leurs deux oreilles. L'annonce présidentielle de 2013 devait se préciser à l'horizon 2016. Son effet semble aujourd'hui remis à 2018, c'est-à-dire en tout état de cause après les élections de 2017.
Certes on verra, et on voit déjà, au fur et à mesure de la mise en place de solutions informatiques la possibilité de faire certaines démarches sur internet. Ce n'est d'ailleurs pas toujours plus simple, pas pour tout le monde en tout cas. On se demande même si la suppression de certaines démarches "physiques" n'intervient pas d'abord pour faciliter la vie des bureaucrates qui n'ont plus à subir les désagréments et les promiscuités du contact avec le public.
Mais qu'on ne s'y trompe pas, non plus, sur le fond des dossiers importants, ceux qui tuent la compétitivité française, rien ne changera, pas plus avec ce gouvernement qu'avec les perspectives annoncées par ses concurrents sortis du même moule.
Ce 27 juillet, en conclusion de la mission qui lui avait été confiée par le gouvernement Jean-Christophe Sciberras, DRH France du groupe Solvay, devait rendre un rapport sur la possibilité de simplifier les bulletins de paye.
S'agit-il donc d'une mission impossible ? Apparemment oui. En effet d'après les informations qui filtrent sur cet événement la généralisation du bulletin simplifié se mettrait en place très lentement. Le rapport lui-même préconise 17 nouvelles mesures pour rendre lisible un document dont il constate aujourd'hui qu'il compte 40 lignes en France contre 15 en Allemagne, ce qui est déjà beaucoup, 14 aux États-Unis, 12 au Japon, 11 en Chine.
La fiche de paie française est donc notoirement l'une des plus complexe d'Europe et on reconnaît officiellement qu'elle reste énigmatique pour la plupart des salariés.
Or déjà, il y a plus de 20 ans en 1993 un rapport de Jacques-André Prévost, "Monsieur Simplification" ancien conseiller du ministère des entreprises proposait diminuer les charges résultant des contraintes publiques et des formalités. À la lecture de ce rapport, on découvrait que les formalités administratives coûtaient, selon son estimation, 250 milliards de francs (40 milliards d'euros) par an aux entreprises françaises et que 30 milliards (5 milliards d'euros) pourraient être économisés dès la première année. Jacques-André Prévost, "Monsieur Simplification" était parvenu à ce que précisément figurent sur les fiches de paie ces lignes que l'on juge incompréhensibles, et qui le sont en effet.
Et en 1999 L'Express pouvait titrer " Une feuille de paie plus simple ? Oubliez" (1)⇓
Aujourd'hui on se propose de regrouper les cotisations et prélèvements par risques (santé, retraite, chômage...).
Mais qu'est-ce que ça changera ? Rien.
La cause de cette "complexité" dommageable, c'est d'abord que la France reste le pays de l'OCDE qui taxe le plus le travail, celui dont le niveau de cotisations sociales est le plus lourd. Comme 52,5 % des ménages français ou résidents ne payent pas l'impôt sur le revenu, les électeurs, la majorité d'entre eux, sont démobilisés par rapport aux prélèvements obligatoires, se félicitant d'être peu imposés, et applaudissant aux lourds prélèvements infligés au méchant capital. (2)⇓
Dans un article publié le 26 juillet sur le site du Figaro, Mme Cécile Crouzel semble déplorer que le faible taux de la TVA.,
Et comme la grande idée des cercles patronaux tend à transférer sur la TVA le poids des charges sociales, elle conclut de cette manière terrifiante : "À l'inverse, l'Hexagone taxe peu la consommation. Les recettes de la TVA y représentent moins de 7 % du PIB, contre 17 % pour les charges sociales. La France est le sixième pays européen à avoir la TVA la plus basse. Certes, les gouvernements Fillon, puis Ayrault ont augmenté cet impôt (création d'un taux intermédiaire à 7 % relevé à 10 %, taux normal passé de 19,6 % à 20 %). Mais d'autres pays sont allés plus loin. Le taux normal de TVA est désormais de 21 % en Espagne, de 22 % en Italie et même de 27 % en Hongrie."
On perçoit aisément les remèdes que cette énumération suggère.
Hélas, cette solution n'en est pas une. Elle ne fait que déplacer le problème : Si la France a la feuille de paye la plus compliquée, c'est aussi parce que les prélèvements y sont les plus lourds, et cela résulte d'une cause que l'on se dispense toujours d'évoquer pour ne pas déplaire : c'est que tout simplement al dépense publique bat tous les records, 56 % de la richesse créée…
On ne saurait donc imaginer s'en sortir sans une diminution du périmètre du collectivisme, des subventions, de la protection sociale, etc.
Ce n'est pas vraiment à l'ordre du jour.
En 2013 Hollande assurait que le choc de simplification serait engagé "dès la fin avril". Il fallait donc sans doute comprendre : avril 2018. C'est-à-dire en tout cas quand il ne sera plus là. Du moins nous l'espérons.
Apostilles
- cf. article de Walter Bouvais, publié le 7 janvier 1999.⇑
- Le taux est le Numéro 3 en Europe en 2012 selon Eurostat ⇑
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Cette histoire de la simplification de la feuille de paye est un véritable scandale. C'est la preuve que le gouvernement se moque ouvertement des Français. Quant aux journalistes qui rapportent ces faits, ils sont d'une servilité à toute épreuve.
Quand des milliers d'experts ont pondu des milliers de rapports pour fustiger la complexité et le nombre de lignes de la feuille de paye française, ce n'est évidemment pas parce que le rêve des salariés français serait de lire leur feuille de paye comme un roman.
C'est une métaphore. C'est une façon de parler. Le nombre de lignes sur la feuille de paye n'est pas un problème en soi, il est préoccupant parce qu'il traduit le poids énorme des prélèvements qui pèsent sur les salaires.
D'après le peu qu'on nous explique dans les médias, il semble bien que la "simplification" consistera uniquement... à regrouper plusieurs prélèvements dans des totaux intermédiaires, et à faire disparaître le niveau de détail actuel.
C'est donc une réforme purement cosmétique : il n'est pas question de baisser les charges sociales d'un centime !
Ce sera même pire que si on n'avait rien fait, car le résultat sera que les Français seront moins bien informés sur les mécanismes divers et variés par lesquels l'Etat leur soutire le fruit de leur travail.
Quant aux entreprises, ce sera très probablement... plus compliqué pour elles, car le résultat final sera plus simple à lire, mais le mode de calcul sera toujours aussi compliqué, et comme il ne sera plus explicite mais caché, les risques d'erreur seront plus grands.
C'est exactement le genre de "simplification" que l'on a faite sur les feuilles d'impôt : les formulaires sont effectivement plus succincts, mais le mode de calcul est toujours aussi horriblement compliqué, du moins pour certains contribuables.
Et là où ces derniers avaient, au moins, le support du formulaire officiel, ils doivent maintenant se débrouiller sans filet, tout ça pour que le gouvernement puisse dire, à la télé, qu'il a "simplifié".
Le pus stupéfiant peut-être étant que des chefs de (grandes) entreprises se prêtent à la mascarade, en faisant l'éloge de cette formidable initiative.
J'entendais l'un d'entre eux, chargé de travailler sur ce "projet", s'esbaudir de ce que les employés verraient enfin marqué en gros, sur leur bulletin de salaire, "santé", "chômage" et "retraite".
Comme ça, disait-il, ces abrutis comprendront enfin (je traduis) tout le mal que l'Etat se donne pour eux, en acceptant de leur soutirer ces sommes considérables : c'est pour leur santé, leur chômage et leur retraite ! Et ça, c'est formidable ! Eh oui ! Avant, les Français étaient des cons, ils pensaient que lorsqu'il y avait marqué "Assedic" ou "CPAM" sur leur feuille de paie, c'était pour payer le caviar du président ! Pas du tout ! C'est pour leur bien !
Le capitalisme de connivence se porte toujours à merveille...
Rédigé par : Robert Marchenoir | mardi 28 juil 2015 à 09:06
Un croquis peut accompagner une analyse : je m'emploierai à présenter ici des bulletins de salaires si le patron de "L'Insolent" y consent.
Cette pseudo simplification est en effet une esbrouffe totale comme il est ici expliqué, et commenté : qu'on nous dise d'ailleurs, quelles mesures de ce gouvernement ne sont pas soit du vol et/ou de l'atteinte aux libertés, soit de l'esbrouffe ?
"Cachez ces détails que je ne veux plus qu'ils (les employés) voient" c'est donc la réponse des socialo à la démarche de lisibilité des charges sociales, salariales ET patronales. Ce fut en effet une novation positive à mon avis, de faire apparaitre les cotisations à la "charge de l'employeur" sur le BDP.
Petite réponse
Très bonne idée.
Rédigé par : Hermès | mardi 28 juil 2015 à 13:52
J'oubliais en effet la mention des charges "patronales", nouveauté relative instaurée il y a un paquet d'années pour tenter de convertir les Français aux préconisations libérales, et qui risque fort de passer à la trappe dans cette "réforme" de "simplification".
Pourquoi embêter les Français avec la mention de charges qu'ils ne payent même pas (en apparence) ? Ce sont des abrutis, ils ne peuvent pas comprendre des choses aussi complexes : mieux vaut les réserver aux spécialistes.
Rédigé par : Robert Marchenoir | mardi 28 juil 2015 à 17:41
Exemple de perversité du système social-que-le-monde-entier-nous-envie : j'expliquerai comment les très bas niveaux des charges sociales (en % du net versé) dites patronales sur les " bas salaires " maintient les employés dans les rémunérations avoisinant le SMIC-que-les-Européens-nous-envient C'est simple : pour maintenir la paix sociale (et aussi éviter l'explosion du travail au noir chez les PME et TPE, les artisans et les commerçants), les charges sociales patronales ont été progressivement abaissées, jusqu'au niveau des charges sociales dites-salariales.
Donc réduites de plus de moité, puisque dans le cas "normal" la part patronale est de l'ordre du triple de la part salariale.
C'est donc économico-logiquement qu'un bon employé restera au SMIC, jusqu'à ce que l'âge aidant il trouve cette situation intolérable : mal lui en prendra car l'employeur devra se séparer de lui pour le remplacer par un autre qui acceptera le poste, rémunéré au SMIC ; au risque de voir exploser le poids des charges patronales.
Chez un artisan, un commerçant, voire une PME, une économie de plus de 500 euros par employé et par mois a en effet un poids non négligeable dans la balance des comptes de fin d'année. Par exemple, 5 employés maintenus dans les "bas salaires" laisseront 30.000 euros de plus dans le compte de résultat. Et 500 employés (caissières dans la grande distribution par exemple) : 3 MILLIONS !
Et ce n'est là qu'un dégât collatéral.
Rédigé par : Hermès | mardi 28 juil 2015 à 18:57