En ce 70e anniversaire de la conférence de Yalta, et à une semaine de distance, la phrase capitularde de Hollande, de la manière où elle fut prononcée par lui, le 5 février : "Sans compromis, un scénario : la guerre" – prend une résonance terrible. Le "soulagement" avoué ce 12 février fait donc frémir. De la sorte, l'Europe institutionnelle actuelle, telle qu'elle a été mal bâtie en trop grande partie par les technocrates parisiens, patauge dans deux dossiers, celui de la dette de l'État grec au comme celui de la guerre entretenue contre l'État ukrainien.
Prenons aussi la mesure du prétendu retour du couple franco-allemand. Depuis la déclaration Schuman de 1950 et le trio formé alors avec Adenauer et De Gasperi, depuis De Gaulle-Adenauer version 1962, depuis Giscard-Schmidt, depuis Mitterrand-Kohl, observons quand même que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts de Kehl.
Nous n'en sommes donc plus là. Et M. Poutine le sait qui avait convoqué les deux partenaires, souhaitant sans doute les dissocier, lors même que l'Union européenne dispose d'un président en la personne de Donald Tusk. Les commentateurs parisiens agréés devraient en comprendre la signification.
Aujourd'hui la frontière de l'Europe ne correspond plus à celle de l'ancienne Allemagne de l'ouest : elle court, en effet, depuis la Finlande et les pays baltes et, précisément, jusqu'à l'Ukraine.
On peut souhaiter, à plus long terme, lui associer l'immense espace russe : il se trouve lui-même menacé par la Chine, et aux premières loges de la pression islamique, dans le Caucase, en Asie centrale etc. Mais la concrétisation de ce vœu supposerait, d'abord, que la Russie elle-même se soit définitivement libérée de ses démons et/ou de ses possédés, dont Dostoïevski prophétisait l'avènement dès 1871.
Opposer cette aspiration lointaine à l'urgence actuelle d'un élargissement et d'un soutien à un peuple frère relève de la perversion utopiste bien connue : une telle démarche refuse et sabote toujours l'amélioration concrète d'aujourd'hui sous prétexte de l'avenir radieux d'après-demain.
Une telle diversion caractérisera constamment l'Utopie. Elle prend à notre époque un tour d'autant plus obscène que précisément, depuis Yalta, l'absence de l'Europe caractérise les grandes décisions. En 1945 on a programmé l'avenir de notre continent, et on a redessiné ses frontières intérieures sans qu'un seul pays concerné participe à la négociation. Ainsi avait procédé la conférence de Londres des six principales puissances de l'époque. Ainsi, dessinait-on, en 1912, les frontières du sud est européen à l'époque des guerres balkaniques, sans que soit consulté un seul des belligérants.
Yalta marqua, d'autre part, le commencement de la fin pour l'Empire britannique. C'est d'ailleurs en cette funeste occasion, par le mémorandum d'Alger Hiss, que fut lancé le processus de décolonisation.
Bientôt certes Churchill prononcera son discours de Zurich du 19 septembre 1946 complétant son discours de Fulton du 5 mars 1946. La logique annoncée alors semble claire : il reviendra à une Europe unifiée de répondre au défi du rideau de fer abattu par les Soviétiques.
Churchill dès 1946 parle de la conférence de l'année précédente dans les termes suivants : "L'accord conclu à Yalta, avec ma participation, a été extrêmement favorable à la Russie soviétique, mais il a été conclu à un moment où personne ne pouvait dire que la guerre contre l'Allemagne ne risquait pas de se prolonger tout au long de l'été et de l'automne de 1945 et où l'on s'attendait à ce que la guerre contre le Japon se poursuive encore pendant 18 mois après la fin de la guerre contre l'Allemagne."
Ses responsabilités personnelles, évidemment, sont ici éludées. D'autre part, le Vieux Lion réaffirme sa préférence pour le Grand Large par rapport au Vieux Continent. On se souviendra au besoin que cet attachement préférentiel remonte à Canning, inspirateur de la doctrine dite de Monroe, en rupture avec la politique de son prédécesseur Castlereagh. Mort en 1822, celui-ci avait inspiré la Quadruple alliance – conclue en novembre 1815 pour compléter la Sainte-Alliance, – ayant été lui-même probablement le dernier homme politique britannique véritablement attaché à l'Europe.
Ceci permet de souligner que ni la présence de Churchill à Yalta, ni l'arrivée de Bevin à Potsdam en août après la défaite des conservateurs aux élections de 1945, ne signifiait une participation européenne.
Une observation de Churchill, datant de 1946, mérite d'être relevée, aujourd'hui encore : "Ce que j'ai pu voir chez nos amis et alliés russes pendant la guerre, m'a convaincu qu'il n'y a rien qu'ils admirent autant que la force et rien qu'ils respectent moins que la faiblesse, surtout la faiblesse militaire."
(à suivre)
JG Malliarakis
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Le scandale n'est 'l'ingérence' russe en Ukraine mais l'indépendance de ce pseudo
Etat né en 1991 à cause de la hâte de Ieltsine de saisir le pouvoir, et cela quitte à rompre l'unité séculaire des peuples russe ukrainien et biélorusses. L'Ukraine a toujours été une province russe, ce n'est pas pour rien que la grande majorité de la population y est de langue russe même dans capitale Kiev. Un ukrainien de langue russe est fondamentalement un russe. Certains intoxiqués par la propagande nationaliste ne s'en rendre plus compte mais cela ne prouve que leur manque d'esprit critique. Karkhov,Donetsk, Dniépopetrovsk, Odessa, Kiev, toutes ces villes sont russes car russophones. Laissons au nationalistes ukrainiens ce qui leur revient de droit : Lvov et sa région et espérons que la plus grande partie de l'Ukraine rejoindra au plus tôt la mère patrie. Une Europe solide ne peut être composée de nations artificielles donc conflictuelles.
Robert Neboit
Rédigé par : robert neboit | jeudi 12 fév 2015 à 21:25
Qui connait ce Donald Tusk ? Et il n'a pas été élu (par le peuple) et ne commande aucune armée : alors mieux vaut ne pas le sortir.
Rédigé par : sparte | jeudi 12 fév 2015 à 23:15
L’Ukraine russe ?
Depuis quand ? Depuis que Staline l'a voulu !
Vous devriez vous informer avant de commenter, cela vous évitera de faire de tels écrits dignes d'incultes !
L’Ukraine est à l'origine de la Russie, pas le contraire. Ce qui ne plaît pas aux gouvernants russes, c'est qu'avec l’indépendance ukrainienne, ils perdent l’accès à la mer noire et par la même à la méditerranéenne ; ce qu'ils ont essayé de compenser en annexant la péninsule de Crimée.
Les Ukrainiens ont payé très cher dans les années 30 de ne pas accepter la mainmise de la Russie sur eux, entre 5 et 7 millions de personnes sont décédés de faim ! Ce fut un génocide !
Rédigé par : Lesgrandschamps | vendredi 13 fév 2015 à 07:22
"L'Ukraine a toujours été une province russe."
Même si cela a été vrai, et c'est hautement discutable, maintenant, c'est fini.
Et c'est fini à cause de Poutine. Il a fait tout ce qu'il fallait pour que les Ukrainiens choississent définitivement l'Occident.
C'est un "choix de civilisation", comme on dit au Kremlin en sous-entendant que Poutine représente le summum de celle-ci... sauf qu'apparemment, de plus en plus de membres de l'ex-empire soviétique ne sont plus d'accord.
Y compris certains qui sont restés au sein de la Fédération de Russie... Allez donc expliquer aux Tchétchènes qu'ils sont russes !
Envahir l'Ukraine, lui voler une partie de son territoire, enlever et torturer les civils, amputer les prisonniers de guerre, massacrer les gens, et par-dessus le marché insulter les Ukrainiens et mentir à la face du monde en prétendant qu'on y est pour rien, ce n'est pas exactement le meilleur moyen d'entretenir l'amitié entre des peuples frères, et de convaincre les Ukrainiens que leur avenir est à Moscou.
Le grand Samuel Huntington l'avait déjà dit, dans son livre "Le choc des civilisations" : la Russie ne fait pas partie du monde occidental.
La Russie, c'est autre chose. C'est spécial. Elle est un monde à elle toute seule.
A l'époque, ce n'était pas évident. Aujourd'hui, l'histoire lui donne raison.
Rédigé par : Robert Marchenoir | dimanche 15 fév 2015 à 16:13
Cela serait bien de tenter d'adopter, au moins ici, une attitude européenne et occidentale : en un mot chrétienne.
La Russie a pour son malheur été possédée, comme L'Insolent le rappelle; Reconnaissons qu'elle a été libérée du Malin, pour l'essentiel.
Un peuple ne sort pas indemne d'une telle catastrophe : la religion, les moeurs, la société civile, l'économie, les infrastructures, etc. tout fut détruit ; le peuple fut saigné à blanc par les persécutions et la guerre, et l'alcoolisme.
L' Occident n'a fait et ne fait toujours aucun cadeau à la Russie ; certains disent même que le CFR voudrait la détruire et s'accaparer ses richesses. D'autres voient la Chine envahir les immenses territoires de l'est.
Et il faudrait que cette nation n'ait pas peur ?
Rédigé par : Dominique | dimanche 15 fév 2015 à 22:00
Chers contradicteurs, je reste sur mes postions.
La langue ukrainienne est minoritaire en Ukraine et, ne vous y trompez pas, de nombreux ukrainiens sont pro-russes. Je rappelle que Yanoukovich, s'il n'était certes pas un modèle, avait été élu légalement et que les nouvelles élections se sont tenu de façon fort peu démocratique, n'oubliez pas le massacre d'Odessa et les bombardements des civils du Donbass par le nouveau régime.
Est-il normal que dans les zones russophones (qui forment la majorité du pays) on impose l'ukrainien comme langue unique dans l'enseignement et dans l'affichage publique ? (C'est le même processus qu'en Catalgne). Les vrais impérialistes ne sont donc pas les russes mais les nationalistes ukrainiens.
Quant à la Crimée, elle n'a pas été annexée, elle a été réunie à la Russie après un référendum (même les journalistes du Monde et de Libération, hostiles par principe à Poutine, ont reconnu que la majorité de la population approuvait la réunification).
Vous me dites que les tchètchènes ne sont pas russes, et bien là, je suis tout à fait d'accord. Il aurait fallu leur laisser prendre leur indépendance.
Pour ce que est de la Russie, elle est bien évident que, dans sa grand majorité, elle est européenne par sa population. Prenez le métro de Moscou ou de Saint Saint-Pétersbourg, vous vous sentirez bien plus en Europe que dans le métro parisien.
Pour ce qui est de la dramatique famine de 1932-1933 si elle a été terrible en Ukraine il ne faut pas oublier que d'autres régions de l'URSS l'ont également subie, Staline sacrifiant la paysannerie avec la collectivisation forcée pour réaliser ses objectifs d'industrialisation.
Rédigé par : robert neboit | lundi 16 fév 2015 à 00:02