Alors que le communisme d'hier se voulait officiellement international, il nous administrait quand même la preuve d'un certain nombre de réalités dérangeantes pour son idéologie. Depuis cette époque, celle la révolution russe de 1917, près d'un siècle s'est écoulé et l'Histoire les a cruellement confirmées.
Le régime totalitaire naissant allait très rapidement conduire au "chauvinisme de grande puissance" qui, pour certains, caractérisa le schisme sino-soviétique. À la vérité l'expression apparaît dès octobre 1922 sous la plume de Lénine lui-même. (1)⇓
Fondateur du système celui-ci peut être crédité d'un certain nombre de crimes, mais pas de celui-là : il dira, au contraire, et jusqu'au bout, de manière provocante, qu'il "crache sur la Russie".
Au lendemain de la révolution bolchevique de 1917, Lénine et ses adeptes entreprirent, par ailleurs, la liquidation de la Deuxième Internationale. Les communistes prétendirent lui substituer une "Troisième Internationale", plus "internationaliste" encore.
L'abrégé russe s'imposera très rapidement sous le nom de "Komintern". (2)⇓
Les socialistes devinrent dès lors les premiers ennemis du communisme, à la fois parce qu'ils acceptent le cadre de la démocratie bourgeoise ‑ à laquelle Lénine oppose la dictature du prolétariat, - et, corollaire, parce que les socialistes ont accepté de se comporter en patriotes dans chacun des pays entraînés dans la première guerre mondiale.
Très rapidement "l'Internationale" se révèle une organisation centralisée. Dirigé depuis Moscou, le Komintern va devenir un instrument du pouvoir soviétique, avant de se révéler une succursale de ses services spéciaux.
Documents à l'appui le colonel Rezanoff donnait de manière prophétique, dans un petit livre intitulé "le Komintern" (3)⇓, l'alerte aux Occidentaux. Il le fait autour de la conférence de Gènes de 1922. Ce fut aussi la première étape de l'application en Europe d'un plan cynique, concrétisé par l'accord de Rappallo. D'inspiration non plus strictement marxiste mais géopolitique, il était conçu dans la nouvelle ligne de la prétendue Internationale, ce que nous devons appeler la "ligne Radek". (4)⇓
Celle-ci apparaîtra, en fait au lendemain de ce que les Polonais appellent le miracle de la Vistule d'août 1920. Jusqu'à cette bataille décisive les bolcheviks imaginent exporter leur révolution en occident, et triompher rapidement. C'était la "ligne Zinoviev". En Hongrie (mars-août 1919) comme en Bavière (avril-mai 1919) la dictature passagère des "conseils" avait laissé de forts mauvais souvenirs. Mais l'heure est encore aux espérances occidentales et particulièrement allemandes. En 1914 Trotsky avait souligné ce point essentiel : les révolutionnaires de Russie se considéraient comme "redevables — et combien ! — à la Social-démocratie allemande. Nous sommes passés par son école et avons tiré enseignement de ses succès et de ses fautes. Pour nous, elle n’était pas un des partis de l’Internationale, mais elle incarnait le 'Parti' tout court." (5)⇓
Ancien procureur de la Russie impériale, Rezanoff démonte déès lors la logique totalitaire implacable dans laquelle se sont engouffrés, dès le départ, Lénine, ses adeptes et ses successeurs. On pouvait donc le savoir dès 1922, ce qui souligne et dénonce l'aveuglement complice de nos dirigeants.
La conclusion de "l'entreprise" léniniste, foi nouvelle totalitaire, ne pouvait conduire qu'à une volonté de conquête de l'empire du monde. Jules Monnerot, fondateur trop méconnu de la pensée sociologique française l'associe à ces traits de "religion séculière" … que le marxisme-léninisme du XXe siècle emprunta à l'islam conquérant des origines.
En dépit de l'affaiblissement considérable de la Russie par rapport à ce qu'avait été l'URSS, l'ombre de cette conception plane encore sur les centres du pouvoir moscovite. Elle est basée sur la quête, impossible en raison des faiblesses économiques de cet immense territoire, d'une égalité avec les États-Unis.
Dans ma jeunesse, dans les années 1950 à 1970, toute personne sensée l'avait sans doute compris. Le mouvement communiste avait cessé depuis longtemps de pratiquer vraiment aussi bien l'idéal "d'amitié entre les peuples", slogan dérisoire pour plaques de rues dans la banlieue rouge, que la référence prolétarienne dont il se revendiquait encore. Ou plus exactement si de tels slogans fonctionnaient, ils ne servaient qu'à sens unique, dans le sens et au seul profit de l'impérialisme soviétique.
On l'a mesuré de manière totalement évidente en Europe à partir de 1956, année où Khrouchtchev écrasa dans le sang les aspirations à l'indépendance du peuple hongrois. André Malraux, ancien adepte du Komintern, auquel on reprochait de s'être éloigné de ses écrits et de ses actions de jeunesse, en particulier des illusions nourries par la guerre d'Espagne, répondit un jour "la Condition humaine s'achève à Budapest".
Pour s'en rendre compte, il suffisait d'ouvrir les yeux.
Malheureusement, en France, pour ne pas voir cette réalité, les paupières des intellectuels demeuraient largement tributaires d'une sorte de conjonctivite appelée "antifascisme".
Invention du VIIe congrès du Komintern en 1935 ce mot d'ordre continue de polluer les logiciels des gens qui, aujourd'hui, n'ont toujours pas compris que sous les apparences de l'islamo-terrorisme ils sont confrontés à l'islamo-bolchevisme.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. sa Lettre à Kamenev du 6 octobre 1922, correspondance reproduite dans "La Pravda" du 21 janvier 1937.⇑
- Dans la préface de sa colossale "Histoire de l'Internationale communiste", publiée chez Fayard en 1997, l'historien trotskiste Pierre Broué propose de "franciser" ce sigle en "Comintern" et de le féminiser, puisqu'il s'agit de "la" (Troisième) internationale communiste avec un C, Komintern sonnant trop germano-russe à son gré. Bien qu'adepte, en général, de la solution "la plus française", je ne le suivrai pas ici.⇑
- réédité aux Éditions du Trident.⇑
- cf. Notre article "Géopolitique de la subversion ou vieille ligne Radek" du 14 avril 2011.⇑
- cf. "La Guerre et la Révolution" texte de 1922 p. 77 de l'édition numérique librement téléchargeable.⇑
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Bonjour. J'ajouterais que le rapport "secret" de Khrouchtchev (Février 1956) ne semble pas une repentance, mais plutôt une "purge" quasi autocritique de l'après-Staline. Cette démarche a conduit à rendre autonome les satellites, Moscou restant le centre du "système".
Rédigé par : minvielle | vendredi 27 fév 2015 à 13:54