Les impasses dans lesquelles le régime actuel s'enfonce se confirment. Comme à plaisir. Déjà en 1898 un jeune félibre, réfléchissant sur l'Idée de Décentralisation concluait à son impossibilité dans le cadre idéologique jacobin de la Troisième république. Qu'eût-il pensé de la Cinquième expérience du nom ? N'oublions pas que son fondateur fut mis en minorité en 1969 sur son projet hardi remettant en cause une centralisation multiséculaire.
La lecture du compte rendu des trois séances du 18 et 19 novembre à l'assemblée nationale nous livrer un exemple supplémentaire de cette absurdie. Pas facile cependant d'en résumer en quelques lignes les multiples aspects, plus choquants les uns que les autres.
Car sous le prétexte de montrer aux marchés financiers des apparences de "réformes" le pouvoir impose ainsi une réforme de quelque chose qu'en France, réduites au nombre de 13 comme s'il s'agissait d'un douteux porte-bonheur, on persistera, quelque temps encore, à baptiser "régions".
Notons aujourd'hui que cette appellation administrative est apparue en 1941. Les hommes de pouvoir avaient alors procédé dans un esprit pas tellement différent, quant aux textes, de celui qui continue de prévaloir. À l'époque par exemple la Provence comprenait la Corse et la Champagne avait été agglomérée à la Lorraine, Lyon administrant "Rhône et Loire". Or, à l'époque, on enrobait cela d'un discours "régionaliste".
Suggérons donc à nos technocrates de recourir à un autre substantif, et de parler de "zones". Les numéroter comme certains le font déjà pour les départements introduirait un peu plus de cafouillage. Les 13 "zones" gagneraient dès lors à n'être désignées que par des lettres ou des sigles. Il existe déjà une "Paca", à l'assonance si exquisément républicaine, pour désigner ce qui à la Sainte-Estelle était autrefois fêté, sous le nom, tout de même plus poétique, de Provence. Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Centre Val-de-Loire, cela sonne peut-être encore trop identitaire.
Ceci nous donne une belle leçon quant à la nature de la concertation démocratique à la française. Une démonstration par A plus B en quelque sorte.
A comme Alsace. C'est ce pays qui a reçu le coup le plus injuste et, disons-le, à la fois le plus imbécile et le plus arbitraire.
Dans l'hémicycle, plusieurs députés alsaciens ont brandi une banderole "Ne tuez pas l'Alsace..." Les huissiers de l'État les ont chassés. Remarque d'une observatrice avertie : "pour que des Alsaciens, gens disciplinés, en arrivent là c'est que c'est grave". Ils se sont donc regroupés au dehors devant le Palais-Bourbon, non loin de la statue de Sully, bien en vue des photographes. Parmi eux, le député de Colmar Éric Straumann.
Dans le même temps, Charles Buttner, président du conseil général du Haut-Rhin, s’associait à des opérations symboliques d’habillage de statues, recouvertes d'étoles "rot un wiss", aux couleurs rouges et blanches alsaciennes traditionnelles, éventuellement suspectes sous le régime prussien, carrément subversives sous le régime jacobin.
On doit souligner ici que 96 % des élus alsaciens refusent cette "réforme". Elle insulte de toute évidence à leur identité. Très concrètement elle se propose de vite contrevenir aux diverses libertés et législations particulières maintenues en 1918 et auxquelles les populations restent très attachées, en matière de cultes, d'école, de sécurité sociale, d'apprentissage, de droit des associations, etc. Elle fait bon marché de la démocratie dans une région qui s'était prononcée à 57 % en 2013 pour la fusion des collectivités territoriales, volonté fort claire contrariée seulement par des raisons de procédure. Tout ceci d'ailleurs a été saisi le soir même par Nicolas Sarkozy dans un discours prononcé à Mulhouse où il a promis de "défaire" cette pseudo-réforme, qui ne générera aucune économie. Souhaitons donc que cette promesse soit reprise par toute l'opposition et qu'elle soit tenue lors de la prochaine alternance.
B comme Bretagne. Cette région conserve fort heureusement son nom. Faut-il y voir le fruit des drapeaux brandis beaucoup plus tôt et beaucoup plus massivement lors des mobilisations faites des bonnets rouges contre l'écotaxe ? On est porté à le penser.
Elle continue de protester cependant car la Loire-Atlantique en a été séparée d'abord en 1941, en 1972 ou en 1986, sans que jamais ni les élus ni les citoyens n'aient été consultés. Un de ses députés, élu de Nantes a souligné que "cette séparation a sans doute été le souhait d’une alliance de l’État jacobin, qui voulait casser tout ce qui pouvait ressembler à une région forte, avec les élites locales de Nantes et Rennes."
C comme Corse. Cette collectivité territoriale restera en l'état. La raison en est, tout simplement, que le pouvoir central a reculé.
Éric Straumann l'a jeté crânement à la figure du ministre : "Avec les Corses, vous n’avez pas osé !" Cet estimable agrégé de l'université a-t-il fait l'apologie de la violence séparatiste ? Non : il a seulement dressé le constat des limites de l'arrogance jacobine. On sait en haut lieu que les Corses, ou du moins une partie d'entre eux, n'accepteraient pas le charcutage de leur "petite" région, ou leur adjonction autoritaire à telle ou telle zone géographique. On ne s'y risque pas. Un point c'est tout. Qui s'y frotte s'y pique.
JG Malliarakis
Je ne sais pas comment s'appellera dorénavant l'Alsace et je ne veux pas le savoir.
Rédigé par : fbastiat | jeudi 20 nov 2014 à 18:53
Permettez-moi d'en rire! les français des petites patries charnelles devront lutter pour leur reconnaissance identitaire autrement qu'avec des banderoles! ce gouvernement légal mais illégitime, n'est que la dictature d'une minorité. Une représentation populaire à la proportionnelle intégrale (barre à 5%) nous éviterait ces aberrations!
Rédigé par : Tonton Cristobal | jeudi 20 nov 2014 à 19:19
Soit on institue la "région administrative numéro 6", et alors on peut mettre les frontières où on veut.
Soit on respecte les frontières historiques correspondant à des identités locales, ce qui donne forcément des régions de taille très différente, comme en Allemagne ou en Suisse.
Cette dernière possède de grands cantons (Valais) et des cantons minuscules (Nidwald). Le Conseil fédéral ne se mêle pas d'en modifier les frontières tous les quatre matins, et la Suisse ne consacre que 35% de son PIB à la dépense publique, contre 57% pour la France.
Mais bon, c'est un pays ultra-libéral, on peut pas comparer.
Rédigé par : Robert Marchenoir | jeudi 20 nov 2014 à 19:55
Il faut quand même être exceptionnellement abruti pour priver de ses frontières historiques une région qui non seulement n'a pas les mêmes lois que la France (et s'en porte d'ailleurs plutôt mieux : voir la Sécurité sociale alsacienne), mais où l'on désigne le reste du pays sous le nom de France de l'intérieur.
On aurait voulu braquer les Alsaciens qu'on n'aurait pas fait autrement. Et pour quel résultat, je vous le demande ?
Rédigé par : Robert Marchenoir | jeudi 20 nov 2014 à 20:01
"Car sous le prétexte de montrer aux marchés financiers des apparences de "réformes" le pouvoir impose ainsi une réforme de quelque chose qu'en France, réduites au nombre de 13 comme s'il s'agissait d'un douteux porte-bonheur, on persistera, quelque temps encore, à baptiser "régions"." J'aimerais en savoir plus sur cet aspect des choses qui pourrait s'avérer intéressant!
Rédigé par : mersenne | vendredi 21 nov 2014 à 04:04
De toutes manières, la moitié des alsaciens veulent être indépendants et l'autre moitié se rattacher à la Suisse.Français... bof!
Rédigé par : jlb | vendredi 21 nov 2014 à 13:52
Merci à L'Insolent d'avoir évoqué la solitude des Alsaciens. Il n'est pas possible de compter sur Sophie Huet du Figaro.
Les élus alsaciens se réveillent un peu tard. En attendant l'alternance, les socialistes vont pouvoir assortir leur forfait de nombreux dégâts aux libertés alsaciennes. Les lois scolaires, sur la formation et l'apprentissage, le statut particulier de la sécurité sociale (héritage du IIe Reich), le Concordat. La déconstruction socialiste est une réalité. Mariage pour personnes du même sexe, déprogrammation militaire, interdiction de la fessée,etc. Merci à ceux qui ont permis l'élection de Nolande.
Quant aux élus alsaciens, ils sont formatés. Issus des nids gaullistes ou centristes,ils ont peur de passer pour de vilains autonomistes. Voyez le logo de la Région Alsace, une étoile bleue.
La jeune génération va peut-être comprendre que les droits que l'on obtient sont ceux que l'on prend.
Quant aux élus alsaciens,à commencer par les socialistes façon Roland Ries, ils risquent de payer leur forfaiture.
Lothar
Rédigé par : LOTHAR | vendredi 21 nov 2014 à 18:53
L'Alsace est d'abord une province rhénane et je pense que la génération montante ferait mieux de prendre en compte sérieusement cette réalité porteuse d'avenir.
Pourrir sur pied dans le cadre d'une 5ème ou 6ème République n'est pas exaltant.
Rédigé par : Catoneo | samedi 22 nov 2014 à 00:06
Les lois scolaires, sur la formation et l'apprentissage, le statut particulier de la sécurité sociale (héritage du IIe Reich), le Concordat témoignent bien d'une certaine autonomie. Il y a aussi la Bibliothèque Nationale à Strasbourg, le Gaz et l'Électricité de Strasbourg etc. Il s'agit aussi d'un pays avec une vraie langue, une culture et une poésie.
Rédigé par : Dominique | samedi 29 nov 2014 à 09:55
L’Alsace gros montage historique, çà mériterait d'être dit en allemand!
Je suis ravi de lire tous ces commentaires pro-alsaciens et anti-français ( conséquence logique assumée ) qui me prouve que l'intelligence n'est pas encore morte en France!
Rédigé par : mersenne | mardi 02 déc 2014 à 11:01
Cette région possède un parti autonomiste qui défend ses intérêts avec "Alsace d'abord!" Et dans tous les domaines, pas seulement pour le folklore.
Petite réponse
Je ne sais pas si on peut qualifier "Alsace d'abord!" de parti "autonomiste". Les mots sont souvent des étiquettes que nous collons sur les choses. "Alsace d'abord" semble certes s'être associée, et c'est bien logique, aux manifestations successives anti-fusion de Colmar, Mulhouse et aujourd'hui Strasbourg (13 décembre).
Mais celles-ci comptent bien d'autres participants.
Permettez-moi de citer ici l'article des DNA du 12 : "La demande d’autorisation a été déposée par les Alsaciens réunis, communauté d’internautes très actifs sur les réseaux sociaux. Ils y ont notamment promu une pétition contre la fusion des trois régions de l’Est. Mot d’ordre : « Nous devons être unis afin de préserver notre région, nos racines, notre culture, notre langue, toutes ces spécificités qui font que le peuple alsacien existe, n’en déplaise à Monsieur Valls. »
Contre « la dilution de l’Alsace »
Leur appel est relayé par de nombreux autres groupes comme Elsassland, Alsace debout, les Bonnets rouges alsaciens, etc. Le parti politique Unser Land et la Ligue de défense du droit des Alsaciens germanophones ont fait affiche commune pour l’occasion avec une statue de la Liberté de Bartholdi drapée du Rot un Wiss alsacien (drapeau rouge et blanc).
L’Initiative citoyenne Alsace (ICA 2010), que préside Pierre Klein, et Culture & Bilinguisme, que préside Jean-Marie Woehrling, appellent à manifester « tout en réaffirmant leur indépendance à l’égard de quelque mouvement politique que ce soit ». Heimetsproch un Tràdition, que préside Henri Scherb, appelle aussi à la manifestation « contre la fusion dictatoriale » et pour rappeler que « le Rhin a deux rives, dont nous sommes les ponts naturels »."
Pour ma part, je crois aussi très important que soit réapparu en Alsace le drapeau traditionnel Rouge et Blanc et que le slogan ait été "Elsaß frei".
Rédigé par : Coriolan | samedi 13 déc 2014 à 00:59
Vous êtes toujours très bien informé et vous avez raison de soulever ce distinguo germanophile de nos amis alsaciens, ce tropisme rhénan étant principalement motivé par l'économie des travailleurs frontaliers.
Leur sous-titre proclame un parti régionaliste et européen, membre du Bloc Identitaire et renvoie à son partenaire Pro-Deutschland parmi ses liens.
Le centralisme parisien est combattu, mais l'orientation générale me semble compatible avec une conception Nationaliste, de type ethnique. Le fondateur d'AD fut d'ailleurs Robert SPIELER, dirigeant de la NDP, membre de l'UDN, avec le MNR et le PDF.
Je vous recommande d'ailleurs le blog de Synthèse Nationale, avec un lien vers vous. Vos analyses fouillées et très pertinentes méritant d'être connues, puisque c'est votre famille de pensée naturelle qui partage l'essentiel de votre combat.
Vous remerciant de votre aimable précision, bien cordialement.
Rédigé par : Coriolan | samedi 13 déc 2014 à 20:28