On recevait ce matin des nouvelles, ou plus exactement on découvrait que nous demeurons sans nouvelles de 219 parmi les 276 lycéennes enlevées au Nigeria le 14 avril. En juin les autorités du pays nous ont invités à nous féliciter que 57 étaient parvenues à s'enfuir. Restent donc les autres : plus de 200.
Responsable du rapt, le citoyen Aboubakar Shekau, chef de l'organisation terroriste Boko Haram, se présente comme un musulman fanatique. En août s'est rallié au néo califat. Or, un adepte de cette religion est supposé ne jamais mentir, – sauf, dans certaines circonstances difficiles, aux infidèles. On peut donc prendre ses affirmations au pied de la lettre. Il promettait de vendre ses petites captives comme épouses ou comme esclaves, ce qui semble dans son langage existentiel vouloir dire à peu près la même chose.
Pour dire vrai nous savons, ou nous croyons savoir, depuis la lecture de "Coke en stock", jamais démenti depuis 1957 et pas encore censuré, l'essentiel de l'esclavagisme dans les régions du Sahel, celles où précisément s'affrontent les deux Afriques. (1)⇓
Ah comme il peut paraître commode d'évacuer le débat au nom de la lutte contre l'islamophobie, dont on cherche à faire un délit.
Pour beaucoup d'Occidentaux la question de l'islamisme et la distinction pudique entre celui-ci, ses déviations radicales ou terroristes, le retour sans honte à l'esclavagisme, et ce que nous appelons la religion mahométane, ne sont certes apparues que tardivement.
On peut retenir la date tournant de 2001.
C'est alors que l'engouement pour l'achat d'un exemplaire d'un Coran, lecture vite refermée, se développe chez beaucoup de bien pensants et de faux lettrés. Inutile de dire qu'en quelques années la connaissance du sujet ne s'est pas vraiment approfondie.
Par exemple il a fallu attendre le milieu de la guerre américaine d'Irak pour que nos dirigeants et nos "informateurs" commencent à se préoccuper de la coupure, pourtant plus que millénaire, entre Chiites et Sunnites. Certains aspects de la guerre Irak-Iran qui avait fait, de 1980 à 1988, soit 15 à 20 ans plus tôt, entre 500 000 et 1 200 000, fourchette bien large des estimations les plus courantes, ne s'expliquent que par ce schisme meurtrier remontant aux premiers califes et peut-être même à la vie de Mahomet.
Les travaux de Henry Corbin sont publiés en France à la veille de la révolution islamique en Iran. Le premier Tome de son grand œuvre "en Islam iranien" fut imprimé à Paris en 1978. Cette année-là l'ayatollah Khomeiny tissait sa toile à Neauphle-le-Château, sans que nos décideurs lui fassent ombrage. Observons dès lors le décalage total entre le travail savant d'un grand spécialiste et la prise de décisions des gouvernants.
À l'inverse en effet on peut dire que la recherche sur le sujet n'a jamais été interrompue dans les cercles mieux informés, de toutes tendances, aussi bien chez les catholiques, les chrétiens en général, avec des nuances non négligeables, que chez les rationalistes ou les marxistes, tous éloignés de l'islam pour des raisons très différentes. Il va de soi que l'intérêt des milieux féministes, laïques, policiers, militaires ou judiciaires les recoupe désormais tout en se retranchant trop souvent dans leur spécialité respective. Mais paradoxalement c'est peut-être à partir de leurs approches conflictuelles et concrètes que l'angle d'observation s'élargira.
Dans un cas comme dans l’autre la question préalable, l'accusation inventée d'islamophobie, qu'on n'opposait ni à Voltaire ni à Montesquieu, est devenue objection paralysante de toute réflexion. Au lieu de professer, comme l'Angleterre d'autrefois, qu'on peut tout acheter aux cannibales excepté la viande, on a convaincu les cercles qui se veulent responsables qu'on doit importer à la fois le pétrole et les modes de pensée des émirs de l'orient.
L'ignorance de l'Histoire peut sembler stupéfiante. On pourra s'étonner qu'un spécialiste reconnu comme Olivier Roy puisse déclarer que "l’islam politique consiste à construire cette religion comme une idéologie politique". (2)⇓
Mais justement ! cette "religion" a toujours été construite de la sorte. Le nouveau petit livre de Henri Lammens que nous publions le souligne encore. (3)⇓
On doit donc se prononcer résolument pour une approche libre et, n'en déplaise aux bons esprits, plus ou moins généraliste de l'islam.
Elle doit donc se développer librement c'est-à-dire sans préjugé, et surtout pas sur un terrain affectif qui serait supposé arbitrer entre "philie" et "phobie". C'est la vérité qui nous rendra libre, et c'est la liberté qui nous permettra d'aller à sa recherche.
JG Malliarakis
Apostilles
- L'album "Coke en stock" a été publié par Hergé en 1958. On peut encore se le procurer dans toutes les (bonnes) librairies et tous les supermarchés. Les abonnés du journal Tintin avaient pu le lire en feuilleton pendant toute l'année 1957. ⇑
- cf. Libération 4 octobre 2104.⇑
- Il y a maintenant un quart de siècle je découvrais que tout ce que je croyais savoir, jusque-là, sur l'islam était entaché de conformisme et de lecture du Monde. Je suis aujourd'hui reconnaissant au vieil ami qui me fit connaître alors l'œuvre de Henri Lammens que les Éditions du Trident réimpriment ces jours-ci. ⇑
Maintenant, Lammens a une réputation un peu sulfureuse. Alors demandons à un savant de l'islam de nous dire ce qu'il faut faire si on veut savoir ce que c'est que l'islam. Il répond qu'il faut connaître le Coran et la Sunna.
Bien. Je m'attelle à cette tâche (notez que la quasi-totalité des commentateurs qui pérorent sur l'"islamophobie" se sont contentés, au mieux, de jeter les yeux sur 10 versets sympathiques du Coran, et n'ont aucune idée des hadiths, de la Sira, et encore moins des commentaires divers).
Ça prend un temps considerable. A la fin, j'arrive à une conclusion pas très différente de celle de Lammens.
On peut rationnellement être "islamophobe" puisque, ab initio, l'islam est kouffarophobe, et de la façon la plus radicale, la plus agressive, non pas circonstanciellement, mais doctrinalement. A contrario, je ne vois aucune raison d'être bouddhistophobe, jaïnophobe, baaïophobe, sikhophobe, judéophobe, etc. Les adhérents de ces religions n'ont pas annoncé leur intention de me dominer ou de m'éliminer.
Rédigé par : Curmudgeon | mardi 14 oct 2014 à 12:01
Certains ne se sont pas donnés la peine de l'annoncer.
Rédigé par : Dubitatif | mardi 14 oct 2014 à 23:20
Tout à fait d'accord avec Dubitatif dont j'apprécie beaucoup l'humour.
Merci à lui!
Rédigé par : mersenne | mercredi 15 oct 2014 à 08:26
à Curmudgeon : cessez donc de considérer les arabes comme une race supérieure. Supérieure? oui parce qu'elle serait douée d'une piété bien au-delà de la moyenne. Ah, si tous les chrétiens...quel beau rêve!
Non, la réalité est bien plus prosaïque, comme toute réalité d'ailleurs, les arabes dans leur immense majorité n'ont pas lu le coran et leurs dirigeants sont comme nos gauchistes de 68 qui n'ont pas lu Marx sauf exception et ils ont toujours et encore été présentés comme marxistes. Comédie humaine que tout çà. Riez-en mais n'en pleurez pas. Ce n'est pas sérieux du tout!
Rédigé par : mersenne | mercredi 15 oct 2014 à 13:07
Un livre, une idéologie, un ennemi! Et un permis de tuer. De quoi séduire les plus idiots. Ce trio gagnant a eu tant de thuriféraires de la Grande Kause.
Rédigé par : minvielle | mercredi 15 oct 2014 à 15:59
Je ne comprends pas pourquoi Mersenne dit que je prend les Arabes (? je parlais des savants de l'islam, qui du reste sont loin d'être tous arabes) pour une race supérieure. J'ai juste cherché à m'informer sérieusement sur le Coran et la Sunna. Je n'ignore pas que beaucoup de musulmans ont une connaissance défectueuse de l'islam. Mais ceux qui mènent l'opinion sont souvent, au contraire, des connaisseurs.
Rédigé par : Curmudgeon | jeudi 16 oct 2014 à 09:41
Curmudgeon a raison d'évoquer la réalité de la doxa islamique. L'exégèse interprétative initiée par des esprits savants et éclairés comme Averroès et Avicenne étaient déjà l'objet de vives critiques de la part des intégristes de l'époque. Aucune raison que la tradition évolue avec la modernité, puisque le dogme est réputé intangible et inviolable.
- Elisabeth Schemla. Islam, l'épreuve française. Plon/Tribune Libre.
Petite réponse
Merci de vos petites notices bibliographiques. Merci aussi de vous souvenir que, sur la toile, les majuscules ne doivent être utilisées que pour "crier".
Rédigé par : Coriolan | mardi 20 jan 2015 à 15:57