D'excellents auteurs considèrent l'homme comme impropre au travail. Ils en donnent pour preuve qu'une telle activité le fatigue. Que le gouvernement Valls ait donc fait, plus ou moins, machine arrière sur la question de la "pénibilité" n'étonnera que deux catégories de citoyens. Cela surprend d'une part ceux qui, permanents syndicaux ou journalistes, n'exercent plus, depuis longtemps ou depuis toujours, la moindre tâche physiquement astreignante.
Mais on ne doit pas écarter la deuxième catégorie, qui croit encore au souffle d'énergie de la nouvelle combinaison ministérielle. Soulignons en effet que, coiffée par le surmâle catalan, elle n'a, malgré ses grands airs, n'a rien accompli depuis sa nomination le 31 mars. Elle demeure, quoi qu'on en pense essentiellement arrimée au char mou du successeur d'Armand Fallières, glorieux président de la Troisième république et des derniers Mérovingiens, ceux qu'on appelait les rois fainéants.
Si l'on entend en revenir au dossier du travail dit "pénible", on doit se plonger dans l'observation du monde réel, ce qui implique de sortir tant soit peu des romans et sermons de Victor Hugo ou Jean Jaurès.
Le monde réel c'est celui du marché libre, dont la logique économique finit toujours pour s'imposer contre toutes les utopies sociales en chambre.
Dans l'Humanité du 12 octobre 1950, par exemple, on pouvait lire en première page un grand discours de Kim Il-sung, que le journal appelait alors "Kim Ir-sen", président du gouvernement coréen et commandant en chef de l'armée "populaire". Photographié en complet veston il déclarait de façon martiale : "combattez farouchement, malgré toutes les difficultés jusqu'à la victoire finale." En observant aujourd'hui les images de son petit-fils Kim Jong-il héritier du trône nord-coréen et dirigeant inoxydable du parti communiste, on peut se demander quand même quel rapport ces gens-là ont jamais pu entretenir avec le travail "pénible". La réponse se trouve dans les concepts fabriqués par la propagande communiste et ses prolongements littéraires misérabilistes.
Dans les trois colonnes voisines, en effet, sur cette première page, le lecteur de "L'Huma" pouvait lire l'annonce, d'un "important rapport de Benoît Frachon au comité national de la CGT".
Rappelons-le, à ceux qui l'ignoreraient aujourd'hui, que le secrétaire général de la Centrale syndicale siégeait à cette époque de façon clandestine au bureau politique du parti communiste. Que recommandait alors, en cet automne 1950, le syndicaliste et militant stalinien ? Certes dans le corps du texte, en page 4 sur 5 colonnes on retrouve, contre le plan Marshall mots pour mots les même arguments que l'on utilise aujourd'hui contre le projet de traité transatlantique. Mais sa première préoccupation allait à la défense de Henri Martin. Et à l'autre bout de la même première page du même quotidien, on apprenait en effet que "les travailleurs parisiens se rendront nombreux, demain soir à la Mutualité, pour attester leur solidarité avec Henri Martin… Ils exigeront que l'on mette fin sans délai à l'expédition inconstitutionnelle contre le Viêt-Nam." Certains se demanderont d'ailleurs si la grande salle de la Mutualité, qui ne contient de nos jours 2 500 personnes qu'avec difficulté, n'a pas quelque peu rétrécis en 60 ans, à moins que les "travailleurs parisiens", affectés n'en doutons pas à des tâches [très] pénibles, n'aient, dès cette époque répondu qu'à une définition métaphorique : dans le discours marxiste on a toujours appelé classe ouvrière l'ensemble de ceux qui témoignent d'une conscience prolétarienne, même s'ils n'ont jamais pointé à l'usine usine. Dans "Les Temps modernes", Jean-Paul Sartre, qui lui-même n'avait jamais travaillé de ses mains laissait ainsi le glorieux porteur de valise du FLN Francis Jeanson, qui n'a jamais, quant à lui, pensé qu'avec ses pieds théoriser brillamment le sujet..
De ce point de vue donc, le concept de pénibilité, tel qu'on cherche à l'introduire en ce moment dans la nième pseudo-réforme des retraites étatisées, doit être tenue pour une simple variante de la même rhétorique.
Concrètement sur un marché libre et contractuel du travail la rémunération spécifique des tâches les plus difficiles se résout dans le niveau plus élevé des salaires.
Notre pensée ne doit donc pas aller aux petits bureaucrates du syndicalisme subventionnaire à la française. On citera ici plutôt l'exemple des mineurs de cuivre chiliens. Leur tâche se révèle infiniment plus pénible et dangereuse que celles jamais accomplies par les négociateurs de la conférence sociale française qui se réunira en cette fin de semaine sous la houlette de François Hollande. En contrepartie ils sont les travailleurs les mieux payés de leur pays.
Arrêtons-nous évidemment, de peur d'être accusé de faire l'apologie d'un pays "ultralibéral". Son économie n'a-t-elle pas été redressée par les [affreux] Chicago Boys de 1975 ? Leurs réformes produisent, cependant, depuis bientôt 40 ans leurs effets positifs, au point qu'elles paraissent intangibles, pour l'essentiel, même aux yeux de la présidente actuelle [socialiste] Mme Bachelet.
JG Malliarakis
RemarqueUn de mes lecteurs et amis, sur Face Book, me faisant remarquer que "les mineurs chiliens sont des salariés du gouvernement, les mines lui appartenant." Je répond que certes dès 1966 la Codelco avait été rachetée à 51&bsp;% par le gouvernement (démocrate chrétien) chilien, avant Allende, pour des raisons indépendantes du prétendu "modèle social". Depuis le XIXe siècle, les revenus miniers (royalties ou bénéfices) constituent une ressource essentielle de l'État chilien. Cela ne change rien au fait que les mineurs ne sont pas considérés en fonction d'un "compte pénibilité en vue de la retraite" mais rémunérés par des salaires élevés et justifiés. Ce sont de véritables travailleurs. Ils n'ont pas été fonctionnarisés. Je citais cet exemple en pensant à l'image très forte de leur navette entre Santiago et le désert d'Atacama, qui me venait à l'esprit au fil de la plume. On pourrait en donner de bien meilleurs, ils sont innombrables dans le monde. On voudra bien excuser la superficialité de cet article de humeur. J'ajoute quand même que la très importante "Mine d'Escondida", par exemple, est privée et rapporte beaucoup d'argent à l'État chilien sous forme d'impôts.
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Il n'y a qu'en France que l'on peut proposer de telles inepties!Certes, il y a des travaux plus pénibles que d'autres mais je devine que les personnels d'une entreprise bénéficieraient tous ce genre de mesures, même ceux des bureaux.
Rédigé par : jlb | vendredi 04 juil 2014 à 08:44
Tout ça, c'est la faute à Prométhée! D'où les promesses...
Rédigé par : minvielle | vendredi 04 juil 2014 à 18:34
Les crânes d’œufs essaient encore de frapper !
Les métiers pénibles sont reconnus depuis longtemps et pris en compte, pourquoi vouloir faire plus blanc que blanc ne fait qu'une usine à gaz.
J'ai exercé un métier pénible, pâtissier, et nous avions eu une cinquième semaine de congé – payé – après les fêtes de fin d’années, la retraite plus tôt (à l'époque 60 au lieu de 65ans) une meilleure retraite complémentaire du fait d'un prélèvement plus important, etc. ce qui à été en grand parti nivelé lorsque Mitterrand est arrivé ! Nous ne lui avons pas dit merci, car les avantages n'ont pas évolué du fait que les autres ouvriers en acquerraient.
Pourquoi créé alors que cela est déjà, une amélioration serait amplement suffisante.
Rédigé par : Maurice | samedi 05 juil 2014 à 06:41
La meilleure politique, pour ceux qui exercent des métiers physiquement pénibles, c'est de créer les conditions nécessaires pour une économie suffisamment dynamique, afin que passé un certain âge, les ouvriers concernés puissent être affectés, selon leurs capacités, à des emplois administratifs, de formation ou d'encadrement.
Evidemment, pour cela, il faut baisser la dépense publique pour diminuer impôts et charges, afin de donner de l'air aux entreprises, pour qu'elles puissent créer les emplois correspondants, et ne soient pas tentées de jeter le plus vite possible les vieux travailleurs épuisés par le travail manuel.
Cela aurait aussi l'avantage de conserver l'expérience à l'intérieur de l'entreprise et de la transmettre.
Mais bon, tout ça est un peu difficile à expliquer à des socialistes, qui pensent que le travail c'est le mal et que l'Etat c'est le bien.
Rédigé par : Robert Marchenoir | samedi 12 juil 2014 à 01:18