On ne soulignera jamais assez le rôle négatif des médiats. Ainsi devrait-on, une fois pour toutes orthographier, avec un "t" comme tromperie, ce mot qui désigne les gros moyens de la désinformation. En France aujourd'hui, bastion de la mainmise étatique sur un peuple anémié, matraqué et, finalement plutôt docile, ils "médiatisent" les manipulations élyséennes.
Une preuve nouvelle en a été administrée, dans la nuit du samedi 31 mai au 1er juin, 7e dimanche après Pâques par le "fameux grand quotidien du soir" qui fabrique depuis 1944 la vérité parisienne officieuse.
À quelques heures d'intervalles, le même article y était ainsi intitulé successivement :
- d'abord le samedi à 18 h 57 : "La Grande-Bretagne pourrait sortir de l'UE si Juncker présidait la commission".
À ce stade, l'article dit les choses à peu près clairement. Résumons-les. C'est entre Cameron et Juncker que s'opère le clivage, sans l'interférence du successeur d'Armand Fallières. Les arguments invoqués par le Premier ministre de Sa Gracieuse Majesté à l'encontre de l'homme d'État luxembourgeois, fort des 213 eurodéputés élus le 25 mai, ne doivent pas nous tromper. Certes on ne saurait dire, que candidat à la présidence de la Commission, il porte les rêves de la jeunesse ou les promesses de la grande nouveauté. Sa démarche et sa personnalité rencontrent donc de nombreuses objections, les unes sans doute recevables, les autres moins. Mais déjà en 2009 le tandem Merkel-Sarkozy avait choisi José Manuel Barroso par défaut. On peut redouter qu'un nouveau marchandage de cette nature tire parti des obscurités du traité de Lisbonne. (1)⇓
En fait, cependant, ce qui préoccupe Londres ressemble plus à de la cuisine politicienne anglo-britannique, qu'au désir de sauver l'idée européenne en la rajeunissant. Dans la pratique en effet il s'agit, pour le cabinet de Westminster, de négocier et d'obtenir de nouvelles concessions et exceptions de la part des 27 autres États-Membres. Le parti conservateur désire s'assurer, pour les législatives prévues en 2015, d'un maximum de voix parmi celles qui viennent de se porter sur la liste UKIP de Nigel Farage. Celui-ci a obtenu, en pourcentage, 28 % des voix, plus de 4,3 millions de suffrages. Il s'agit, en proportion, du plus fort score protestataire au sein de l'union européenne. (2)⇓ Derrière une immense quantité de bière, son chef annonçait même, à l'annonce de résultats inespérés pour lui, son désir de voir l'ensemble du continent quitter la communauté, et pas seulement son île, qui ne fait partie, faut-il le rappeler, ni de l'Eurozone ni de l'espace Schengen.
- puis, le dimanche à 2 h 35 du matin, le titre devient : "Europe : Hollande et Cameron s'opposent à Juncker selon la presse allemande".
Comment travestir à ce point le bras de fer entre le gouvernement Cameron et le candidat Juncker. Tout simplement en considération du nouveau paragraphe additif suivant :
"Samedi 31 mai, plusieurs journaux allemands rapportent des critiques allant crescendo. Selon le Bild, le président français François Hollande, aurait lui aussi signifié sa réserve à voir Jean-Claude Juncker accéder au poste de président de la commission. François Hollande aurait ainsi fait savoir cette semaine à la chancelière Angela Merkel qu'il avait besoin d'un « signal » en direction de ses< électeurs, après le succès du Front national au scrutin de dimanche dernier. « Il a fait pression pour un programme d'investissement de grande ampleur et a mis sur la table [le nom] de son ancien ministre des finances Pierre Moscovici », écrit le Bild, sans citer de sources."
Commençons donc par cette facilité d'écriture "la presse allemande". Heureusement pour nos cousins germains, un tel ensemble ne se limite pas au Bild. Comme son nom le suggère, ce gras quotidien, si souvent cité dans l'Hexagone, s'adresse surtout à la partie la plus raz-des-pâquerettes du lectorat, à l'instar des tabloïds anglais. Il ne résume absolument pas l'opinion générale du pays et de son gouvernement. Faire semblant de le croire paraît donc particulièrement inapproprié pour ne pas dire mensonger. (3)⇓
Alors pourquoi à Paris cite-t-on si souvent, presque exclusivement Bild ?
Plus grave encore : une fois de plus la source de l'information n'est pas indiquée, pas même vaguement. De qui s'agit-il dès lors ? Du successeur de Poutine en poste dans la capitale fédérale, Berlin-est de préférence ? Ou son homologue à Paris ? Cette hypothèse ne peut même pas être écartée d'emblée, car du jeu moscovite, aujourd'hui comme pendant la guerre froide, le principe n'a jamais varié. Il consiste à opposer, à attiser, voire à fabriquer les oppositions des nations européennes entre elles, et à les dissocier du pacte atlantique. Tous les instruments dialectiques peuvent y contribuer.
Plus modestement et simplement on soupçonnera aussi, et surtout, la volonté de préserver le prestige de notre présidence de droit divin. Totalement démonétisé à l'intérieur de l'Hexagone, son statut et sa faiblesse ne peuvent pas échapper à ses interlocuteurs européens. Ils tendent donc désormais à le tenir pour quantité négligeable. Mais bien que dépourvu de dot, image du surendettement auto-satisfait, il prétend jouer les coquettes et mettre en avant son cher ami Moscovici : quand ils ont échoué à Paris, les politiciens français espèrent toujours un lot de consolation à Bruxelles. Et ils s'étonnent que leurs partenaires les prennent de moins en moins au sérieux.
Si "Le Monde" méritait l'ombre de ce statut de référence dont il se crédite lui-même, voilà aussi ce qu'il ferait, désormais, comprendre à ses lecteurs.
JG Malliarakis
Apostilles
- Certes le Conseil doit seulement "tenir compte" du résultat des élections. Or, on a associé le nom des candidats à la présidence aux principales listes proposées au suffrage des citoyens. On leur a affirmé qu'ils choisissaient le président. Et dans la mesure, en effet, où le Parlement peut censurer la Commission (mais à la majorité des députés et les 2/3 des suffrages exprimés, article 234 du traité consolidé), et surtout qu'il en vote, ou rejette les directives, comment imaginer que le Conseil des États puisse lui imposer, de façon durable, un président contraire à sa majorité ? ⇑
- Le vainqueur du scrutin français, avec son score considéré comme historique, n'a recueilli "que" 25% des suffrages exprimés, soit 4,7 millions de bulletins "bleu marine". Rappelons qu'à l'élection présidentielle de 2012 sa candidate avait convaincu au 1er tour plus de 6 millions de votants. Comparaison impossible avec le Royaume Uni. Chose singulière, presque cocasse : le mode de scrutin français, avec son découpage par zones, avait été conçu pour favoriser les gros partis dits de gouvernement. Il s'est retourné contre eux, le parti qu'on prétendait marginaliser obtenant le 1/3 des sièges avec le 1/4 des voix. ⇑
- Rappelons encore une fois que pléthore d'excellents journaux expriment, outre-Rhin, la diversité d'un prisme beaucoup plus riche que le nôtre, tant par la variété des idées qui vont de la droite libérale anti-monnaie unique (l'AfD) à une gauche néo-communiste pure et dure (die Linke). Parmi les quotidiens on trouve, pour la seule droite les 3 principaux titres quotidiens respirables et indépendants, Die Welt, Süd Deutsche Zeitung, FAZ respectivement édités à Berlin, Münich et Francfort. L'hebdomadaire Der Spiegel de Hambourg permet même à ceux qui évoquent ce pays sans en déchiffrer la langue d'accéder à une édition anglaise. Ajoutons qu'écrites en français quelques très bonnes chroniques de journalistes, y compris celle du correspondant du Monde, donnent des éclairages intéressants. ⇑
On parle aussi dans les coursives de l'endive de Savoie, Michel Barnier, dont la permanente est toujours impeccable.
Rédigé par : Catoneo | dimanche 01 juin 2014 à 22:01
Je reçois un flot croissant de déclarations "pro Poutine" de Français par ailleurs d'opinions politiques variées et de bon niveau.
Comment expliquez-vous ça ?
YM
Rédigé par : Montenay | lundi 02 juin 2014 à 04:50
Malheureusement, le choix est limité entre l'europe de l'ex otan,réadapté à sa nouvelle formule non plus anticommuniste mais anti-poutine .... pour des raisons anticommunistes( si vous voyez où je veux venir) et une europe pro-poutine et non communiste ... mais capitaliste autant que l'otan farouchement anticommuniste dans le passé et maintenant farouchement pro-européen et admirateur du miracle économique allemand,devant lequel toute l'europe pro-otan et pro-allemande,d oit se prosterner.... vous voyez c'est extremement simple.
Rédigé par : guillaume pasteldamouh | lundi 02 juin 2014 à 20:29
La Süddeutsche Zeitung n'est pas un journal de droite. C'est un journal de l'intelligentsia libèrale sociale de centre gauche. Un peu comme l'Express des débuts, au temps du jeune JJSS.
D'abord, où faut-il mettre le curseur de la droite? A mon avis tous les grand organes de presse français actuels se situent à la gauche d'une ligne à partir de laquelle on pourrait parler de droite. Le seul qui se rapproche un tout petit peu de la droite, actuellement, serait Valeurs Actuelles. Disons qu'il n'existe plus de presse de droite en France depuis la guerre. Alors en Allemagne, vous imaginez...
Petite réponse
À ce compte la FAZ n'est pas non plus très "à droite". Ma préférence va plutôt en Allemagne à "die Welt", en Angleterre "The Telegraph".
Rédigé par : Zwingli | lundi 02 juin 2014 à 22:39
Pour rebondir sur cette question de l'opinion des journaux, c'est curieux mais il y a toujours une illusion d'optique. Comme la plupart des gens qui font les classements sont des gauchistes soixante-huitards mal repentis, ils voient à droite ce qui ne l'est pas. Ils ont une perspective biaisée.
Permettez moi une anecdote vécue, très révélatrice:
Un exemple très curieux est donné par la revue de presse Eurotopics à laquelle on peut s'abonner sur internet. Je la lis cer elle est bien faite. Elle nous présente des commentaires de toute la presse européenne en assortissant à chaque fois l'organe de presse cité d'un qualificatif. Les journaux que personnellement je qualifierais de libéraux conservateurs bon teint sont étiqueté "archi-conservateurs", les organes patriotes sont taxés d' "ultra-nationalistes", etc. C'est irritant et ridicule. J'ai écrit à Eurotopics pour les rendre attentifs au fait que leur qualificatifs sont en soi une forme de propagande idéologique orientée. J'ai reçu une réponse circonstanciée et polie d'un Herr Professor Doktor très "korrekt" du Centre fédéral pour l'éducation politique (en allemand Bundeszentrale für politische Bildung) c'est à dire l'organisme gouvernemental allemand chargé de veiller à la "korrektheit" idéologique du "Diskurs" médiatique autorisé. Son nom: Sergio Marx. Il s'est fendu de m'écrire en français en plus. Et il m'a justifié le point de vue tendancieux de son organisation.
C'est très curieux. Nous pensons vivre dans le régime de la libre expression des opinions mais il y a une police de la pensée très sophistiquée qui veille. Les méthodes du Dr Goebbels étaient juste plus sommaires que celles du Dr Marx.
Je cite un passage de la prose de Sergio Marx:
"...notre revue de presse est un service de la Bundeszentrale für politische Bildung, un organisme d'Etat qui contribue à l'affermissement de l'esprit démocratique et à la participation citoyenne en Allemagne.
"Dans ce sens, eurotopics présente la pluralité d'opinions existante en Europe et les débats occupant l'opinion publique des différents pays européens. Nous considérons l'échange d'idées et le débat comme une condition sine qua non d'une démocratie robuste. Ainsi, pour notre revue de presse, nous choisissons des articles d'opinion, des éditoriaux de la presse européenne de gauche comme de droite, à condition que ces médias aient un rôle important dans le débat d'idée qui se déroule dans un pays donné. Si nous choisissions à maintes reprises des médias confidentiels, nous risquerions de donner une image biaisée de ces débats ainsi que du paysage médiatique de ce pays."
Donc il s'agit "d'affermir l'esprit démocratique et la participation citoyenne en Allemagne" et pour cela il y a lieu de s'abstenir de présenter des opinions émanant de la véritable presse d'opinion jugée non acceptable et qu'il s'agit de censurer(disons Rivarol en France ou en Allemagne Junge Freiheit) mais en revanche on présente volontiers les textes d'organes marxistes comme L'Humanité ou gauchistes comme Libération. Cherchez l'erreur.
La doxa antifasciste est toute puissante.
Vous voyez bien que nous vivons dans un champ idéologique balisé. Evidemment Die Welt est un journal sérieux. Je ne le lis pas mais maintenant que vous m'en dites tant de bien je vais m'y mettre. J'imagine que c'est en gros l'équivalent du Figaro. Selon mon curseur ce n'est pas un journal de droite.
Pour vos lecteurs que cela amuserait, voici le lien internet indiqué par mon ami Sergio Marx, qui permet de voir comment sont classifiés les divers organes de presse européens:
http://www.eurotopics.net/fr/home/medienindex/
Die Welt y est décrit comme conservateur, comme la FAZ.
Rédigé par : Zwingli | mardi 03 juin 2014 à 13:04