À moins d'un mois du scrutin européen du 25 mai, la France se prépare à l'adoption de son fameux pacte dit de responsabilité. Sans entrer ici dans l'examen des dispositions concrètes proposées par le Premier ministre à l'Assemblée nationale ce 29 avril, on doit souligner que l'ensemble du dispositif vise à un rattrapage de la situation budgétaire d'un pays saigné à blanc par le fiscalisme, et par là même économiquement de plus en plus distancé par ses partenaires européens.
Sans préjuger par conséquent de l'efficacité, dont on doit douter, des mesures gouvernementales, il faut comprendre, c'est-à-dire ou bien refuser, ou bien accepter le principe d'une meilleure cohésion continentale, ceci dans l'intérêt même du peuple français.
Dans quelques jours vont ainsi se dérouler les élections désignant le parlement de l'Union européenne. Pour la 8e fois depuis 1979 elles se déroulent au suffrage universel. Mais pour la première fois depuis la signature du traité de Rome en 1956, cette assemblée aux compétences évolutives va disposer du pouvoir de contrôler l'exécutif au sein des institutions. Elle va se trouver en mesure notamment d'imposer son choix pour le président de la Commission de Bruxelles. Jusqu'ici en effet cette nomination était laissée à la discrétion des chefs de gouvernements des États-Membres composant le Conseil européen.
Cette novation elle-même ne fait pas l'unanimité au sein des forces politiques du continent. Elle les sépare en deux groupes. Les uns y voient le comblement heureux du déficit démocratique évident dont pâtissent depuis un demi-siècle les institutions communautaires jugées technocratiques. Les autres rejettent au contraire, mais avec plus ou moins de véhémence, ce qu'ils dénoncent comme une atteinte à la souveraineté des États, donc des nations, donc des peuples.
Observons à cet égard qu'un étiquetage trop commode des positions respectives, les qualifie de "souverainistes" et de "fédéralistes". Ce recours à des termes mal définis obscurcit un débat qui pourtant pourrait rester clair et pratique. Je me souviens ainsi d'un interlocuteur anglais, se définissant lui-même comme "eurosceptique" et qui ne comprenait pas ce que les Français entendaient par "souverainisme" qui me semble cependant assez proche en fait des positions qu'il exprimait lui-même.
Pour séparer les deux camps on retiendra par exemple que 5 groupes de partis continentaux ont d'ores et déjà désigné leurs candidats pour la présidence de la Commission. En dehors des marxistes qui mettent en avant l'improbable Tsipras, pratiquement le seul Grec à ne parler aucune langue étrangère, les conservateurs du PPE ont désigné Jean-Claude Juncker, les sociaux-démocrates Martin Schulz, les Verts un tandem composé de Franziska Keller et de José Bové, le petit groupe centriste Guy Verhofstadt
Notons que le débat continental prévu le 15 mai entre ces cinq chefs de file risque fort, à l'heure où nous écrivons, de ne même pas être rediffusé par France Télévisions, les médias parisiens semblant surtout concentrés sur les sondages hexagonaux. (1)⇓
Les autres, allant des conservateurs britanniques aux nationalistes de France et de Navarre, ceci incluant les eurosceptiques anglais proprement dits, le parti Ukip, se sont dispensés, mais aussi les partis protestataires tels que Beppe Grillo en Italie, ont refusé ou ne sont pas parvenus à s'entendre pour jouer ce jeu.
Il est évidemment trop tôt pour accorder trop de créance aux sondages effectués dans chaque pays et aux projections d'ensemble qui en résultent. Mais il faut remarquer que le rapport de force prévisionnel semble se situer grossièrement au moment présent sur 751 sièges à pourvoir, 550 élus pour l'ensemble des quatre partis européens, 50 autres sièges allant aux marxistes, front de gauche et communistes avoués, 40 aux conservateurs de type britannique, 36 aux eurosceptiques – les divers groupes protestataires, anti-fédéralistes, souverainistes, etc. se partageant entre 90 et 100 élus, dont environ 20 pour le FN français sur 74 représentants de l'Hexagone.
Les équivalents allemands de nos souverainistes, "Alternativ für Deutschland", crédités de 6 % des voix, écartés du Bundestag en 2013, pourraient entrer au parlement : leur campagne actuelle cherche d'ailleurs à tirer parti des inquiétudes qu'inspire l'absence de rigueur économique de ce côté-ci du Rhin. (2)⇓
De telles fortes poussées de fièvre interpelleraient sans doute la classe politique. Elles attisent les commentaires médiatiques. Mais, plus de 425 sièges semblant promis à l'addition des deux groupes principaux, socialistes et conservateurs, leur majorité ne semble guère promise à un ébranlement. Au contraire, l'évolution de la situation risque fort de sceller leur coalition, comme cela s'observe déjà dans plusieurs pays.
Les partenaires occidentaux de l'Europe se disent désireux de l'inclure dans une vaste zone de libre échange, jugée mutuellement profitable. Ils se montrent actuellement soucieux de l'éventuelle division de leurs interlocuteurs. De l'autre côté, à l'est comme au sud, les puissances archaïques hostiles n'hésitent manifestement plus à encourager ou à subventionner, très classiquement, très "géopolitiquement", les forces centrifuges, en agitant les cauchemars dont se nourrissent les protectionnismes.
Aux citoyens européens, par conséquent, de cesser d'être dupes et de prendre conscience des vrais dangers.
JG Malliarakis
Apostilles
- Une protestation a été publiée par le Huffington Post le 28 avril: "France Télévisions ne doit pas censurer le débat européen"⇑
- Réalisés début avril, les plus récents sondages donnent les résultats suivants: 51 extrême gauche 208 socialistes 41 verts 63 libéraux centre gauche 217 conservateurs PPE 41 conservateurs 36 EFD dont UKIP britannique et 94 souverainistes dont FN français (lui-même crédité de 20 sièges sur 74 attribués à la France). L'assemblée sortante comptait les groupes suivants : 275 Parti Populaire Européen (PPE), 194 Alliance progressiste des socialistes et des démocrates (S&D), 85 Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE), 58 Conservateurs et réformateurs européens (CRE), 56 "Verts/Alliance libre européenne" (Verts/ALE) 35 "Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique" (GUE/NGL), 32 "Europe de la Liberté et de la Démocratie" (ELD), 31 Non-inscrits (NI). ⇑
>→ Retrouver à nouveau l'enregistrement sur Lumière 101
Bonjour,
Tout cela ne définit pas une ligne politique , c'est purement descriptif.
On aimerait savoir à quelles types de conséquences politiques concrètes amènent des positions libérales telles que les vôtres.
Voter pour Lamassoure ou plutôt pour son clone Sarnez ?
Quel choix jubilatoire !
Petite réponse
Cher Monsieur "So What"
M'adressant à des interlocuteurs intelligents, je cherche à donner des éléments de réflexion et/ou des informations. Je n'ai la prétention de donner aucune consigne. Mes amis lecteurs n'en ont pas besoin. Ils se déterminent eux-mêmes.
Mais c'est vrai, la Liberté, la Responsabilité, etc. c'est difficile à comprendre. Ce n'est pas "la ligne du Parti".
"What else" ?
Rédigé par : So-What | mercredi 21 mai 2014 à 12:04