De semaine en semaine les manifestations se multiplient dans tout l'Hexagone. Elles invoquent des raisons diverses. Mais toutes font face à l'incohérence, à la duplicité et à la lâcheté du gouvernement Hollande-Ayrault.
Pour leur part les amis de la liberté et les partisans de la décrue fiscale se mobiliseront à leur tour le 30 novembre. (1)⇓ On doit s'en réjouir.
On ne doit pas se priver de s'interroger quant au mécontentement, pour ne pas dire à l'agressivité grandissante de l'extrême gauche. Elle se voit en effet dépouillée de son monopole de l'action de masse revendicatrice, protestataire quand elle ne devient pas émeutière.
Les déconvenues et les divisions des forces issues du marxisme les amènent à dénigrer l'apparition de mobilisation concurrente.
Dans une tribune publiée par "L'Huma" le 22 novembre, la camarade Rainero, responsable bretonne du PCF cherche ainsi à démontrer que "les patrons de choc qui crient contre l’impôt n’ont qu’un but : accroître leurs privilèges". (2)⇓
Ne croyons pas ce texte isolé ou marginalisé. Il vient en écho à de nombreux articles de presse et communiqués vengeurs dénigrant la plupart des mobilisations professionnelles de ces dernières semaines. Le sous-titre souligne le peu d'empathie ordinaire aux staliniens envers les prises de positions de ceux qui ne partagent pas la ligne du parti. L'auteur et la rédaction de son journal osent en effet poser la question, en surtitre : "Bonnets rouges : juste combat ou faux-semblant ?" Les critiques les plus vives se portent contre les agriculteurs qui s'étaient rassemblés en le de France le 20 novembre. La gauche prétend les disqualifie en les affublant du cliché de "gros céréaliers". Protestent-ils contre une baisse de revenus qu'ils craignent à hauteur de 30 % ? Fidèle suiveur du p. de la r., le ministre Le Foll n'hésite pas rectifier doctement : chiffre erroné, dit-il, le revenu de votre travail ne baissera que de 25 %. Par conséquent, circulez, il n'y a rien à voir.
D'ailleurs, accusation imparable, lancée le 21 novembre, ces manifestations non homologuées par la CGT sont "siphonnés par l'extrême-droite".(3)⇓
Or en Bretagne ce 23 novembre les deux plus grosses bureaucraties syndicales avaient cru bon de descendre dans la rue. Elles avaient donné rendez-vous à toutes leurs troupes des départements de l'ouest armoricain. Elles appelaient démontrer leur supériorité par rapport aux démonstrations de ces Bonnets Rouges de Quimper considérés comme d'affreux bourgeois, ou pour reprendre l'étiquette plus infamante encore dans la vieille littérature communiste : celle de "petits bourgeois".
Cette tentative commune de la CGT et de la CFDT affectait le mépris pour les vilains concurrents issus des classes moyennes. On allait voir ce qu'on allait voir. À noter cependant que Force ouvrière avait clairement signifié son désaccord avec cette manœuvre d'appareil. Mais l'agence Reuters annonçait encore le jour de la manif : "Les syndicats reprennent la main sur la fronde bretonne". Vous avez bien lu : "les syndicats".
À l'arrivée le quotidien Le Monde constate avec une pointe de tristesse.(4)⇓ Citons ainsi : "1 100 personnes auraient fait le déplacement, selon les renseignements généraux. D'après une responsable du mouvement, les syndicats auraient peiné à mobiliser. Le maire divers gauche de Carhaix, Christian Troadec, présent à Lorient, s'est fait huer par les syndicalistes, qui estiment que l'édile n'avait pas sa place dans leur cortège."
Ah mais dira-t-on le journal de référence s'aligne sur le pouvoir.
Que disent les gens d'extrême gauche ? sur le site de L'Huma le 23 novembre 2013 : "Les manifestations, à l'appel de sept syndicats régionaux, CFDT, CGT, Solidaires, CFTC, Unsa, CFE-CGC et FSU, ont rassemblé à Rennes 2 200 manifestants selon la police, 3 000 selon les organisateurs. À Saint-Brieuc, ils étaient 750 selon la police, 2 000 selon les syndicats. Et à Lorient (Morbihan), 1 100 selon la police et 3 000 selon les organisateurs. Une autre manifestation à Morlaix (Finistère), en milieu d'après-midi, a réuni elle aussi plusieurs centaines de participants." Au total conclut le journal communiste : "Près de 10 000 manifestants [surévaluation de la CGT] ont battu le pavé à Rennes, Lorient, Saint-Brieuc et Morlaix."
Commentaire d'un lecteur à 18 h 30 : "Bref, il faut se rendre à l'évidence, les centrales syndicales n'ont pas mobilisé." (5)⇓
N'enterrons cependant pas trop vite les bureaucraties. Elles continueront encore longtemps de faire leur besogne destructrice, prédatrice et retardatrice. Les directions se réunissent encore ce 25 novembre, sous prétexte de se coordonner "contre le populisme" et de faire défiler leurs permanents et autres intermittents le 26 "pour les retraites".
Elles pourraient s'y employer d'autant plus efficacement si les défenseurs de la libre entreprise et les partisans des nécessaires réformes structurelles ne prennent pas clairement et courageusement position.
JG Malliarakis
Apostilles
- Pour répondre aux théories de la "révolution fiscale" préconisée par Piketty et reprise par Mélenchon – qui mobilise sur ce thème le 1er décembre – j'avais écrit en 2012 mon petit essai sur ce que devra être la "Libération fiscale". Je ne peux pas faire moins que participer à ce rassemblement, actuellement fixé à 15 heures place du Châtelet. À suivre sur Facebook. ⇑
- Sur le site de L'Humanité du 22 novembre ⇑
- cf. "Bretagne: les Bonnets rouges siphonnés par l'extrême-droite" http://www.humanite.fr/social-eco/bretagne-les-bonnets-rouges-siphonnes-par-lextreme-553636 in L'Humanité du 21 novembre 2013 ⇑
- cf. Le Monde du 24 article mis à jour après le constat d'échec le soir du 23 novembre à 21 h 45 ⇑
- cf. article "Pacte d'avenir: les syndicats bretons ont manifesté pour l'emploi". ⇑
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