Du point de vue de l'Histoire politique on pourrait dater le désastre, assez exactement. Il correspond au passage de François Billoux au Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme. Dirigeant communiste il occupa ce poste durant la "grande année" 1946 : du 26 janvier au 24 juin puis du 24 juin au 16 décembre 1946, sous les ministères Félix Gouin puis Georges Bidault. (1)⇓
À la même époque furent votées la plupart des grandes lois désastreuses d'étatisation.
Ses propres fonctions le situent cette année-là à l'origine de l'urbanisme concentrationnaire.
Rappelons au besoin que cette année 1946 peut être considérée comme la première des trente "glorieuses" dont on nous rebat les oreilles. Les communistes y occupaient des postes fondamentaux. Et ceci aboutirait à la fondation d'un nouveau régime économique : la Fonction publique était contrôlée par Thorez, la Production industrielle par Marcel Paul, la Sécurité sociale en gestation par Ambroise Croizat, etc. Pour être complet soulignons aussi que, sans appartenir au gouvernement, Waldeck Rochet mettait au point le statut du fermage, Jacques Duclos travaillait à la nationalisation des compagnies d'assurances, que Paul Langevin et son compère Henri Wallon rédigeaient leur fameux "plan" dont nous continuons de payer l'influence, notamment quant à la liquidation de l'apprentissage. (2)⇓
Et donc leur collègue et/ou camarade Billoux jetait les bases d'un mode de construction dirigiste : purement quantitatif, administratif et collectif, il ne correspond ni aux besoins des Français, ni aux réalités de l'économie ; mais il demeure en référence dans tous les schémas. Il a pris une nouvelle vigueur avec la loi Gayssot (3)⇓ aux prétentions contraignantes et même punitives.
Soulignons à cet égard deux choses.
D'abord ce qu'on appelle le "logement social" étatique et attributif a largement été conduit sous l'influence politique du PCF. Il a produit les cités ghettos de nos banlieues, il a nourri et encouragé leur caractère communautaire, il n'en résoudra donc certainement pas les nombreuses nuisances.
D'autre part, on confond trop souvent architecture et urbanisme. (4)⇓ Ce mélange des genres entraîne les plus redoutables effets sur l'urbanisme contemporain.
Ainsi malheureusement vit-on encore aujourd'hui sous l'influence utopiste de Le Corbusier et de ses homologues allemands du Bauhaus.
Dès les années 1920 ces pionniers de l'Architecture dite "moderne", qui créeront le CIAM en 1928 prétendaient repenser la ville. Et on peut observer que les entreprises et les commerces n'intéressent pas ces constructeurs.
Tous se basent sur les idées scientistes telles qu'elles étaient apparues au XIXe siècle, combinées avec des utopies plus anciennes encore, mais en y ajoutant au maximum l'utilisation des procédés techniciens les plus avancés.
En effet à la fin du XVIIIe apparaît une vague de projets de contre sociétés, idéales ou positives, dont le portrait est toujours dessiné par opposition, trait pour trait, à celui de la société réelle, ressentie et dénoncée pour négative.
Les quadrilatères d'Owen ou le phalanstère de Fourier se réfèrent à des micro-unités de 1 500 à 1 600 habitants dispersés dans la campagne. En 1825 New Harmony dans l'Indiana provoquera la ruine d'Owen. Depuis 1832 le mouvement phalanstérien s'installe à Condé-sur-Vesgre où il fixe une douzaine de familles. Le rêve d'Icarie de Cabet envisage une ville d'un million d'habitants. Ses tentatives concrètes, échelonnées sur 40 ans, dans divers points des États-Unis n'en réuniront que quelques centaines. La dernière "Icaria" est dissoute en 1886. En revanche le familistère de Guise ne sera pas un total échec grâce à l'industriel Godin.
Pendant ce temps de 1830 à 1880 la population de Londres passe de 1 à 4 millions d'habitants.
Avec toujours beaucoup de retard sur la réalité, qui va répondre d'elle-même aux nuisances de cet afflux spontané, certains vont donc programmer un nouvel urbanisme au cours du XXe siècle.
La première réalisation concrète de l'école du "Bauhaus", fondé en 1919 à Weimar par Walter Gropius, va se porter en 1925 sur une cité ouvrière, qu'on imaginera par la suite reproduire à l'infini, jusqu'en URSS.
L'influence de Le Corbusier ne se révèle pas moindre.
Car, si les uns voient en lui "le plus grand architecte du XXe siècle", en raison de son utilisation audacieuse des techniques, d'autres déplorent l'influence de son "Esprit Nouveau" sur l'urbanisme.
Dès son "Plan Maison" de 1925 Le Corbusier propose en effet de raser toute la vieille ville à l'exception d'un secteur musée. Sa prétendue "charte d'Athènes" est réécrite en 1943 à partir de notes prises dix ans plus tôt au congrès du CIAM. Il y élabore une doctrine à laquelle on se rattache encore. Elle entend prendre acte de la "révolution machiniste" mais ne se préoccupe guère de l'automobile, etc.
Très vite les Marseillais appelleront sa "Cité radieuse" "la Maison du fada". Construit entre 1947 et 1952, cet ensemble collectiviste fut néanmoins reproduit en divers point d'Europe : Nantes-Rezé en 1955, Berlin en 1957, Briey en 1963 et Firminy en 1965. On peut aimer ou détester ces constructions – personne n'est obligé d'y habiter.
Mais à partir de la loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967, l'architecture va devenir "urbanisme" Et l'urbanisme administratif français opère un nouveau tour de vis, plus concrètement étatiste et dirigiste encore. Par le biais des Schémas directeur d'aménagement et d'urbanisme (SDAU), des Plans d'occupation des sols (POS), des zonages, des servitudes non aedificandi, des réserves pour service publics, etc on enserre l'initiative privée de construction dans un carcan dirigiste. Et on continue un demi-siècle plus tard avec les schéma dits de "cohérence territoriale" SCOT, remplaçant les SDAU (en application de la loi du 13 décembre 2000 dite loi SRU)... Et la nouvelle loi Duflot va encore aggraver tout cela...
Mais personne, parmi les politiques, n'ose accuser ni même remettre en cause, de façon explicite, les traces de l'urbanisme stalinien (5)⇓. Il serait temps d'y songer.
JG Malliarakis
Apostilles
- Il disparaît provisoirement avec le ministère socialiste Blum puis définitivement quand le non moins socialiste Paul Ramadier chasse les communistes qui ne reviendront que le 22 juin 1981 avec le second ministère Mauroy. Ce ne fut en effet qu'en 1947, que le président du Conseil "accepta la démission" de Maurice Thorez et des quelques nuisibles du PCF qui partageaient avec lui la table du gouvernement, à la sinistre époque dite du "tripartisme", MRP, socialistes SFIO et communistes.⇑
- en fait ce plan ne fut jamais formellement accepté par la représentation nationale, mais on applique ses idées centrales.⇑
- tiens, encore un ministre communiste, dira-t-on. En vérité cette loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, couramment appelée loi SRU ou loi Gayssot, est signée Jospin, Guigou ... et Gayssot.⇑
- Ceci persiste quand on découvre que l'architecte "vedette" Jean Nouvel est devenu le maître à penser, en son état actuel, du projet du Grand Paris rebaptisé "métropole", sans aucune référence aux fonctions économiques, ni même aux procédures légitimes de la démocratie.⇑
- que les Français n'ont pas copié mais qu'ils ont au contraire largement inspiré.⇑
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En un mot, c'est vraiment mochard. Y ont-ils habité ne serait-ce qu'un jour?
J'ai vu récemment, en couleurs, des "barres" identiques dans la pauvre Varsovie de 1989.
Rédigé par : minvielle | lundi 28 oct 2013 à 19:25
A Strasbourg, dans les années soixante, sous le règne du centriste >Pflimlin, a été édifié le quartier de l'Esplanade sur l'emplacement de l'ancienne citadelle Vauban. La réalisation revient àl'architecte-urbaniste Charles-Gustave Stoskopf. Le style ?Les esprits libres ont vite surnommé "Stalin Allee" l'artère principale dite "avenue Chénéral De Gaulle"...
Le même Pflimlin a fait détruire la Maison Rouge sur la place Kleber, pour réaliser des opérations financières, au prétexte
que la Maison Rouge était d'un style lourd et pompeux". La place Kleber ne s'en est jamais relevée.
Le stylo stalino-laid a séduit l'époque gaullarde. Allez savoir pourquoi ? L'ombre portée de la "puissante" Soviétie persiste d'ailleurs sur les esprits gaulois.
Rédigé par : LOTHAR | mardi 29 oct 2013 à 17:06
C'est le propre du Mal que d'être laid et de faire la guerre à la Beauté. On en revient donc toujours au même débat.
Rédigé par : Dominique | mercredi 30 oct 2013 à 09:14
Les logements et leur environnement, c'est ce que les habitants et les gestionnaires en font, les bâtisseurs n'ont qu'un rôle minime voire inexistant et en faire des bouc-émissaires non seulement ne nous avance en rien mais en plus nous met sur des mauvaises pistes.
Les immeubles à la Courneuve, Hong Kong, Singapour, Manhattan ou Vancouver ont tout du "concentrationnaire" et pourtant, on y vit très bien et les prix au m2 sont astronomiques. A l'inverse, allez à Seine St Denis, Detroit downtown, Chicago, Philadelphie, Johanesbourg, vous trouverez les mêmes immeubles mais dans un état de décomposition avancé. Allez à Newark, Birmingham Alabama, la Nouvelle Orleans, Memphis Tennesee ... dans des quartiers autrefois résidentiels avec de belles résidences proprettes et vous trouverez un délabrement pire qu'après un bombardement.
Les faits sont implacables, c'est le manque de culture, le dysfonctionnement individuel, familial et social couplés à l'assistanat sans condition et l'absence de la propriété privée qui sont les causes de la destruction des quartiers, des banlieues voire des régions entières. L'urbanisme a bon dos.
Rédigé par : miniTAX | lundi 04 nov 2013 à 10:17