Mon observation n'est donc nullement liée aux événements du jour. À peine rentré à Paris je prenais en revanche connaissance d'une chronique fort lucide, équilibrée et révélatrice (1)⇓ sur une question qui peut paraître secondaire. Il s'agit de la controverse, qui continue, sur la liberté d'ouvrir les magasins le dimanche. Cette pratique existait déjà depuis longtemps comme c'est actuellement encore le cas en France, dans toutes les zones qualifiées de touristiques, — le reste étant soumis dans l'Hexagone à l'arbitraire administratif.
L'auteur conclut son article par d'intelligentes propositions complémentaires. Elles s'adressent au gouvernement de son pays dont il entend dépasser le vulgaire argument mimétique "ça marche comme ça dans les autres pays européens". Ce pays précis pourrait selon lui en tirer un avantage particulier.
Mais il analyse surtout l'absurdité pathétique du "front du dimanche" agglomérant "l'extrême gauche, la 'droite populiste', une partie du clergé, les bureaucraties syndicales, etc." Les salariés et les commerçants qui ouvrent le dimanche sont-ils "des imbéciles ? des antéchrists ? des valets du capitalisme et de la mondialisation néolibérale ?" etc. Son argument central consiste à souligner que cette ouverture fonctionnera comme une liberté, non comme une contrainte.
Tout cela me confirme dans la certitude que la Grèce représente, en bien comme en mal, un champ expérimental dont on a tort d'évacuer les enseignements, et plus encore à les réduire à des clichés démagogiques. Ce vieux pays constitue l'un des laboratoires caractéristiques de la modernisation économique et sociale de l'Europe. Or, les effets de la crise tendent maintenant, depuis les résultats connus du 2e trimestre, à s'y ralentir, son secteur privé se redresse, malgré les difficultés d'y réformer le secteur public.
Mais aussi, on se souviendra que, si dramatiques que puissent se révéler, — ne les nions pas, — en termes de difficultés sociales, dans certains quartiers d'Athènes, les conséquences de la politique imposée par les bailleurs de fonds, on doit les comparer à d'autres exemples.
Premier cas. On va bientôt commémorer, de façon prévisible le coup d'État de septembre 1973 au Chili. Après un ou deux ans d'une dictature classiquement conservatrice, cruellement anticommuniste et d'économie dirigiste le général Pinochet changea de politique. Il fit appel aux disciples de Milton Friedman et de l'école de Chicago. Le résultat reste brillant, on peut le considérer comme exemplaire pour l'Amérique latine. Les traces qui demeurent quarante années après la mort du marxiste Allende méritent d'être méditées en termes positifs : or, qui oserait dire que le sort du Chili ne fut pas plus dur, pendant quelques années, que celui de la Grèce dans le cadre de l'Europe actuelle ?
Deuxième référence : la Pologne. Elle constitue aujourd'hui l'un des réussites de l'Europe, une nation en plein essor. Or on doit se souvenir que, dans le début des années 1990, elle fut soumise à ce qu'on appela une "thérapie de choc", le plan du ministre des Finances, Leszek Balcerowicz, dans le cadre du gouvernement Mazowiecki formé le 12 septembre 1989. Tout ce que fit cette équipe non-communiste au pouvoir en Europe de l'est, la première depuis 1944, dut alors subir, comme par hasard, la critique acharnée de ces mêmes bons esprits qui, aujourd'hui, vitupèrent avec tant de véhémence contre ce qu'ils appellent la "mondialisation néolibérale". On nous annonçait autour de 1993 que le chômage allait connaître une courbe exponentielle, sans espoir, génératrice d'une explosion sociale. La Pologne tint bon et, dès 1997, le taux de demandeurs d'emploi passait sous la barre des 10 %. Aujourd'hui, sans esquiver les vicissitudes du monde, ce pays se porte très bien.
Cas plus spectaculaire encore, quoique dans un plus petit pays : celui de l'Estonie de 1992 à 1994 sous la conduite de Mart Laar (2)⇓. Un succès.
La Grèce depuis 2009 connaît, au bout du compte, un débat du même ordre. Certes en France, on s'est employé à le caricaturer. On a diabolisé la question fiscale. C'est bien connu : les hommes de l'État ne sont pas coupables de leurs déficits, seuls les contribuables et les mauvais citoyens, qui ne payent jamais autant d'impôts que ne voudraient les socialistes. On a prétendu limiter le dossier à son aspect monétaire en relation avec l'appartenance du pays à la Zone euro et le cadre dans lequel son plan d'assainissement lui est, plus ou moins, imposé de l'extérieur, alors qu'il est régulièrement voté par une majorité parlementaire.
En réalité il s'agit d'une sortie de l'étatisme et d'une évolution nécessaire vers l'économie de marché. Et, douloureusement, elle avance.
En fait il me semble que l'Europe du sud peut sortir de la crise, conséquence du socialisme, si ses gouvernants cherchent à le faire et si l'opinion publique accepte de voir les choses en face.
Toute évocation d'une ressemblance avec la France de Monsieur Normal serait fortuite, grotesque et déplacée.
JG Malliarakis
Apostilles
- sur le site d'un chroniqueur de droite⇑
- cf "Objectif liberté" du 7 septembre ⇑
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Malgré vos convictions libérales l'étatisme en Grèce n'est pas mort pour la simple raison que le gouvernement actuel est une métastase électorale et idéologique du cancer qui a rongé le pays juste après le rétablissement de la parodie démocratique. En vous lisant j'avais l'impression que je ne vis pas en Grèce mais au Chili, tant votre aveuglement idéologique vous éloigne de la réalité atroce du pays en vous rapprochant de cette mafia gouvernementale et profondément étatique qui prétend assainir l'économie en faisant exploser la dette au-dessus de toute prévision et espérance de limitation Avec des taxes qui ne touchent plus le revenu mais le patrimoine et l'habitation les Grecs moyens risquent de se trouver dans la rue et probablement hors de leur pays à la recherche d'une nouvelle patrie puisque la leur les expulse. Votre optimisme libéral qui ne reflète que le nombrilisme proeuropéen d'une Europe et d'une monnaie unique que les banques maintiennent coûte que coûte est nauséabond, il faut tenir compte aussi des lecteurs qui ne vivent pas dans le nombril du monde qui est le microcosme franco-français qui croie encore aux idéologies économiques et non aux réalités dures et imprévisibles.
Petite réponse
Merci de votre commentaire. Vous avez, hélas, peut-être raison. Pas la peine, toutefois, de dire les choses en m'injuriant chez moi : je n'ai aucun lien, aucune responsabilité dans ce que vous appelez la "mafia étatique grecque".
Je crois connaître un peu ce malheureux pays, d'un attachement sentimental et sans doute maladroit. J'aime aussi ce peuple. Mais je ne prétends pas penser à sa place. Au fond, je ne vis la Grèce que par intermittence, en touriste, en dilettante, par des images, des poèmes, des voyages, quelques amitiés.
Vous n'aimez pas "le libéralisme" : c'est votre droit.
Mais aimez-vous la liberté ?
Je croyais jusqu'ici que "le poisson ne vit pas hors de l'eau, ni le Grec sans Liberté". Ai-je complètement tort ?
Rédigé par : guillaume pasteldamouh | lundi 09 sep 2013 à 21:08