Depuis plusieurs semaines, ceux qui craignent ou qui espèrent, ceux qui spéculent comme tous ceux qui cherchent à raisonner juste à propos de l'explosion éventuelle de la Zone Euro attendaient le verdict de la cour constitutionnelle de Karlsruhe.
Tout semblait suspendu à cette décision.
Certains imaginaient que les 8 juges rouges iraient mettre l'édifice en pièces. On l'avait débord bricolé puis consolidé, au gré des trois années de crise. Les peuples grec, espagnol et irlandais en ont payé le prix fort. Clef de voûte du système futur, le Mécanisme européen de stabilité devait donc initialement entrer en vigueur en juillet. La date en fut repoussée en attente du jugement. À l'issue de la réunion de l'Eurogroupe à Nicosie son président M. Jean-Claude Juncker considérait le 14 septembre que le dispositif pourra intervenir en octobre. (1)⇓
Or, le nouveau système comportera des dispositions tout à fait novatrices quant à la construction de ce qui se pense comme un bloc politique appelé Europe. (2)⇓
À Karlsruhe, en effet, le 12 septembre, le tremblement de terre ne s'est pas produit. Observons qu'il eût contredit toute l'histoire pratique de cette institution. L'apolitisme de ce tribunal, gardien de la Loi fondamentale adoptée outre-Rhin en 1949, le distingue, en effet, fortement, de la Cour suprême des États-Unis. En aucun cas il ne fallait s'attendre de sa part à une rupture bouleversante.
À défaut du cataclysme envisagé, on gagnerait cependant à considérer le contenu de cet arrêt. Car il manifeste une forme de secousse sismique. Il confirme les jurisprudences antérieures de la même instance. En l'espèce, il limite l'engagement de l'Allemagne à une participation en capital. Celle-ci s'élèvera donc à 190 milliards d'euros, mais pas plus. Cet engagement considérable se rapporte à des fonds propres d'ensemble eux-mêmes limités à 500, dont Berlin détiendra une part de 38 %. On se situe donc très loin de l'illusion aussi trompeuse que récurrente de "l'Allemagne paiera". Certes nos voisins et amis fourniront le plus gros effort mais cela ne doit pas conduire à des subventions à fonds perdus pour systèmes sociaux voués à la faillite. Les prêts ont vocation à être remboursés.
On peut même regarder, – à la fois logiquement, du point de vue de la finance, et paradoxalement, aux yeux des esprits formatés par le marxisme, "conscient" ou "inconscient"– qu'au gré d'une telle doctrine, le différentiel d'intérêts rapportera de l'argent aux pays qui, disposant d'un meilleur crédit pour eux-mêmes, en feront partiellement bénéficier les États-Membres en difficulté. (3)⇓
La chancelière Angela Merkel disposera, au bout du compte, d'une liberté de manœuvre encore plus forte que prévu.
Les vrais perdants sur la scène politique intérieure paraissent donc ses deux ministres ronchons, ses faux amis, Wolfgang Schäuble et Philipp Rösler, qui ne pourront plus savonner la planche sur laquelle leur rivale et néanmoins chef de gouvernement s'efforce d'avancer.
Mais, sur la scène européenne, ne nous leurrons pas. Le partenaire parisien va se trouver singulièrement affaibli.
Certes financièrement l'opération se présente quand même comme un soutien considérable de l'Allemagne, et des pays du nord, aux pays du sud de l'Europe en difficulté. On doit le reconnaître pour plus favorable que n'acceptent de le voir les sympathiques défenseurs des surendettés, toujours si généreux avec l'argent d'autrui,
En échange toutefois,le gouvernement de Berlin et les autorités de Bruxelles et de Francfort pourront pratiquement imposer leur logique, habituellement désignée pour "fédéraliste". Le sens de ce mot a beaucoup évolué, depuis deux siècles. Rappelons qu'aux États-Unis il désigne les partisans d'un pouvoir central le plus fort possible, et qu'en français au contraire il s'oppose au centralisme jacobin.
On se propose aujourd'hui en effet de structurer l'Europe à partir des pays adhérents à la monnaie unique. On a même évoqué l'hypothèse d'un Parlement limité aux membres de la zone euro. Ce point, aussi peu réaliste qu'effectivement dangereux, n'est quand même pas apparu fortuitement. Les quatre principaux responsables communautaires ont semblé y souscrire, aussi bien MM. Barroso que Van Rompuy, Mario Draghi que Jean-Claude Juncker.
Or, l'avancée des projets fédéralistes intervient dans le contexte d'une atmosphère actuellement glaciale entre Hollande et Merkel, ce qui change considérablement la donne.
Pendant plus d'un demi-siècle, en effet, on nous a parlé de "construction européenne". [Cette appellation conventionnelle masque une partie de la réalité, puisque le continent possède une identité fort ancienne.] L'essentiel en a longtemps reposé sur l'entente entre les gouvernements français et allemand. Comme l'écrivait le grand spécialiste du sujet le professeur Alfred Grosser, Paris avait remplacé son ancienne doctrine anti-germanique, par une politique "aucun allié sauf l'Allemagne". (4)⇓
Faute de mieux, nous avons toujours considéré, jusqu'ici, qu'il s'agissait du moins mauvais des legs reçus de la période gaullienne (1958-1969). La Cinquième république ne faisait, en cela, que continuer la fameuse déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950. Et rappelons que celle-ci trouvait elle-même son inspiration dans le discours de Winston Churchill à Zürich du 19 septembre 1946.
Je souhaite me tromper, quant aux conséquences, mais il me semble que nous sommes entrés, sous la présidence de "Monsieur Normal", dans une autre époque.
Il faut, pour le moment, se rendre à l'évidence : entre Madame Merkel et le président parisien, la coordination est tombée au-dessous de sa ligne de flottaison minimale. On peut certes souhaiter que les choses évoluent. Après tout, en 2007, les premiers rendez-vous entre Nicolas Sarkozy et la chancelière semblaient beaucoup mois chaleureux qu'en 2011.
À l'inverse, si la situation persiste, tous les peuples européens devront en tirer les conséquences, et ceux qui n'en tiendront pas compte le payeront cruellement.
M'adressant à des lecteurs francophones, je me vois obligé de souligner malheureusement ce que les gros journaux de référence, en France certes, mais aussi La Libre Belgique ou bien le Temps de Genève, n'ont présenté que de manière fort édulcorée. M. Frédéric Lemaître, correspondant du Monde à Berlin, titre ainsi : "Hollande ne veut pas se laisser marginaliser par Merkel". (5)⇓
Voilà qui semble bien modéré au regard de l'atmosphère exécrable dans laquelle, manifestement, se sont déroulés les entretiens du 23 août. Ils devaient durer de 19 à 21 heures, ils se sont prolongés jusqu'aux alentours de 22 heures. Les visages tendus pour ne pas dire hostiles, l'absence d'un communiqué commun, et les courtes déclarations des deux côtés confirment un grave désaccord.
"La route vers une solution est longue et difficile" soulignait ce soir-là évoquant la préparation, au niveau intergouvernemental (entre Paris et Berlin), de l'agenda de décisions à prendre formellement dans le cadre des institutions communautaires.
Or, le lendemain 24 août, elle recevait le Premier ministre grec Antonis Samaras, avec lequel les choses semblent s'être beaucoup mieux passées (6)⇓ qu'avec le président français. Quelle que soit la sympathie franco hellénique… dont je me félicite évidemment… et que Pierre Moscovici est encore allé manifester à Athènes le 13 septembre… (7)⇓ et qui se sentait lorsque l'on entendit Antonis Samaras s'exprimer le 25 août sur le perron de l'Élysée dans un français parfait, le chef du gouvernement grec ne peut pas ignorer qui décide actuellement au sein du concert européen : ce n'est pas le compagnon de Mme Trierweiler.
La veille à Berlin, en même temps qu'elle fixait les conditions et que, manifestement, elle a accepté le principe d'une révision du calendrier des obligations de la Grèce, la chancelière lançait une campagne sur le thème "ich will Europa".
C'est à ce mot d'ordre que répondent les déclarations pro-fédéralistes des principaux responsables des institutions communautaires, le président de la Commission [Barroso] comme ceux de l'Eurogroupe [Juncker], du Conseil européen [Van Rompoy] ou de la Banque centrale [Draghi]. Dans son discours du 12 septembre au Parlement européen, M. Barroso est allé jusqu'à proposer à la fois "une fédération démocratique d'États nations" en même temps que "l'union monétaire au sein de la zone euro".
François Hollande se propose de ratifier à la sauvette le traité négocié par Nicolas Sarkozy. Contre quoi les communistes et leurs satellites en appellent de plus en plus fort à une procédure référendaire. En choisissant la voie subreptice, il montre sa faiblesse. Qu'en sera-t-il dès lors de sa participation à l'étape suivante, c'est-à-dire au deuxième traité, en cours d'élaboration ?JG Malliarakis
Apostilles
- cf. Reuters le 14 septembre. ⇑
- Précisons ici notre pensée, au gré d'un détail typographique : on ne doit pas plus mettre de guillemets à ce projet, – louable et nécessaire dans son principe, – qu'il ne convient d'en apposer au mot France, fût-elle affligée de ce régime destructeur qui se dit "république".⇑
- cf. la courbe actuelle du différentiel vue par Bloomberg et le Temps de Genève ⇑
- cf. Son livre "La Politique extérieure de la Cinquième république" 190 pages, Seuil, 1965. ⇑
- cf. cf. Le Monde en ligne le 24 août à 11 h 42. ⇑
- cf. "Merkel donne un peu d'espoir aux Grecs" Der Spiegel en ligne le 25.08.2012 : "Samaras-Besuch in Berlin Merkel macht Griechen ein bisschen Hoffnung".⇑
- cf. son entretien sur Mega TV le 13 septembre : on voit aussi combien "notre" ministre raisonne faux et s'exprime maladroitement, alors qu'il est venu pour manifester le soutien de la France. ⇑
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L’Europe
Après la seconde guerre mondiale l’Europe fut l’ombre d'elle-même et je la compare à un vieux bateau qui comportait un grand nombre de cloisons étanches, mais l’ensemble était plutôt vermoulu. Alors un certain nombre d’intellectuels proposèrent de rénover la coque et de supprimer les cloisons.
Chose faite à ce jour en grand partie. Et nous nous trouvons dans la situation pire que le Titanic qui, lui, encaissait une voie d’eau sur presque tout ses caissons.
Il suffit que notre bateau UE rénové prenne une tout petite voie d’eau, peu importe où, et si elle-ci est supérieure à la capacité de pompage, la perte du bâtiment sera inéluctable.
Bon, l’Europe ne coulera pas comme un bateau, mais les dégâts seront mémorables; en tous cas l’€uro coulera dans sa forme actuelle parce que le pompage sera bientôt insuffisant.
Conclusion: les constructeurs d’Europe doivent dare dare se préoccuper de l'écartement des dominos, barrières coupe-feu, cloisons étanches, le rapprochement des dominos comme union bancaire et autres uniformisation d’impôts donnera un €urss avec une chute assurée et sont contraire à toute logique pour le bien du pays mais ne va dans le sens de la superclasse mondiale qui nous dirige.
Rédigé par : wijngaards | dimanche 16 sep 2012 à 20:37
Il n'en reste pas moins que :
Pour les germanophones :
http://www.faz.net/aktuell/wirtschaft/europas-schuldenkrise/anleihenkaeufe-schaeuble-stellt-sich-gegen-den-bundesbank-chef-11891371.html
Pour les anglophones :
http://www.irishtimes.com/newspaper/finance/2012/0917/1224324090099.html
Pour les francophones :
http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20120915trib000719625/-wolfgang-schauble-attaque-ouvertement-la-bundesbank.html
Et pour les seconds :
In an interview with Frankfurter Allgemeinen Sonntagszeitung, German Finance Minister Wolfgang Schäuble criticised Bundesbank President Jens Weidmann for publicly criticising the ECB’s new bond-buying programme, arguing that “I'm not sure that making this debate semi-public helps to build confidence in the [ECB] ”. However, DPA cites Angela Merkel as saying this morning that Weidmann’s interventions were “understandable and always welcome”, adding that the limits of the ECB’s actions were clearly marked out.
Rédigé par : g.l. | lundi 17 sep 2012 à 17:29
Une Europe fédérale n'est guère possible, les mentalités sont trop différentes pour deux raisons.L'Europe du nord protestante et s'exprimant dans des langues germaniques, l'Europe du sud catholique ou associés s'exprimant dans des langues latines. On ne pense pas de la même façon lorsqu'on s'exprime en anglais ou en français.
Les langues et les religions façonnent les sociétés. Au Canada l'ouest anglophone et protestant, le Québec francophone et catholique (les Gaulois d'Amérique) s'entendent sur la pointe des pieds, en grande partie dû au niveau de vie élevé. Même chose pour la Belgique. Quand à la Suisse à majorité protestante, peu de problèmes. Dieu merci, nous sommes tous judéo chrétiens, nos racines communes qui ne sont même pas mentionnées dans la constitution. Nos dirigeants n'en ont pas voulu. Comment voulez vous qu'on s'entende avec des mentalités pareilles.
Que la soirée vous soit favorable. Paul Tarjon
Rédigé par : Paul Tarjon | mardi 18 sep 2012 à 22:56
Si les grecs paient actuellement le prix fort de leur administration laxiste, ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux même. Ils ont dilapidé les capitaux qu'ils ont reçu de l'union européene après avoir falcifié leurs comptes alors que l'évasion fiscale était la règle d'or des citoyens. Quand aux espagnols, c'est une mauvaise gestion de ces mêmes capitaux et également le laxisme de l'U.E. pour les avoir laissé dépenser sans compter.
Je vous souhaite une bonne journée.
Rédigé par : Paul Tarjon | mardi 18 sep 2012 à 23:17