Sous ce titre, cet écrivain engagé pose la question qui fâche. Sans souscrire entièrement à tout ce qu'il énonce, je crois utile de répercuter ce texte auprès des lecteurs de L'Insolent.
JGM
Messieurs Juppé, Fillon, Raffarin et autres… Expliquez-moi !
Je ne comprends pas. Je ne suis peut-être pas très intelligent mais ne me sens, en tout cas, pas, mais vraiment pas, fasciste !
Avant que vous ne m’expliquiez - je suis tout prêt à vous entendre, - je m’explique moi-même :
Le 22 avril, François Hollande obtient 28,6 % des voix ; Nicolas Sarkozy 27,1 % ; Marine Le Pen 17,9 % ; J.L. Mélenchon 11,1 % ; François Bayrou 9,1 %.
Le soir même, Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, relève que le total des voix de droite, essentiellement Sarkozy + Le Pen, l’emporte sur le total des gauches, soit compte tenu des petits partis, mais non de Bayrou, qui est "ailleurs" : 46,8 % pour la droite, 43,7 % pour la gauche.
Sarkozy lance un appel aux électeurs FN.
D’après les sondages, quelques 64 % des électeurs de Sarkozy sont favorables, au moins, à une sorte de "rapprochement de circonstance" UMP-FN.
Le ministre de la Défense, Gérard Longuet qualifie Marine Le Pen "d’interlocuteur" possible.
Aussitôt : cris d’orfraie et d’horreur de tous les "Grands" de la majorité sortante !
Ivan Rioufol peut évoquer "les réactions pavloviennes des Juppé, Raffarin, Dati…". (1)⇓ Et il ajoutait : "Il est… stupide de vouloir ignorer 6,4 millions d’électeurs. Faudrait-il la défaite de l’UMP pour que les yeux s’ouvrent ?"
Le député UMP de Gironde Jean-Paul Garraud parle de "blocages idéologiques" et en appelle au pragmatisme.
Car la question se pose tout de même : pourquoi serait-il "normal" que les socialistes s’allient aux communistes et à l’extrême-gauche et honteux que la droite modérée, simplement, s’abstienne de cracher sur le FN ?
Revenons sur le passé :
Nous écrivons, il y a quelque temps : "Que Jean-Marie Le Pen ait été, comme diraient les marxistes, 'l’allié objectif' de la gauche, ceux qui en doutent devraient, pour s’en convaincre, interroger les mânes de François Mitterrand !
"Quelle avait été l’utilité des provocations verbales de Le Pen en dehors de l’intérêt de faire parler de soi ? Ses électeurs souhaitaient-ils que les 12 à 18 % des voix qu’il représentait soient 'gelées', ne servent en fin de compte qu’à faire du bruit ou favoriser les socialistes? Malgré tout, la droite est tombée, sans hésiter, dans le panneau tendu par la gauche, qui "diabolisait" Le Pen plus qu’il n’en fallait. Certes, il s’y prêtait. Mais comment s’est-il fait que personne à droite n’ait eu l’intelligence de faire vis-à-vis de lui et de ses partisans ce que Mitterrand a fait à l’égard des communistes : les englober pour les avaler et les faire disparaître. Personne n’a trouvé scandaleux l’alliance de Mitterrand avec les communistes. Tout le monde aurait hurlé – et, face aux cris, la droite se serait sentie toute honteuse – face à un accord "Droite-Front National".
N’oublions quand même pas que le Parti communiste a toujours dans le passé avalisé les dérives soviétiques et staliniennes. Le Pen, quant à lui, n’a jamais (sauf preuve contraire) – malgré des propos pour le moins déplacés sur les camps d’extermination – défendu le régime nazi. (2)⇓
Charles Pasqua (personnage que l’on ne peut considérer comme un enfant de chœur, mais qui eut une place majeure au RPR et fut pendant des années ministre de l’intérieur) avait tendu la main à Le Pen en invoquant des "valeurs communes". Cela n’aurait-il pas permis d’amadouer (de "civiliser" ?) le fauve ? D’ailleurs, nous ne nous souvenons pas que cette main tendue ait valu à Pasqua des torrents d’injures.
Bien sûr, la politique n’est pas une science exacte. Outre la tactique, comptent les sentiments, les ressentiments, les préjugés, le poids du passé…"
De toute manière, Pasqua ne fut pas le seul.
En 1998, Alain Peyrefitte prônait une alliance avec le Front National.
Retournons au présent et soyons clair : l’auteur de ces lignes (qui s’estime, comme indiqué plus haut, nullement "fasciste") est un partisan convaincu de Nicolas Sarkozy, ayant activement milité en faveur de sa réélection, admiratif de l’audace et du franc-parler de l’ancien président, autant qu’écœuré par l’hystérie anti-sarkozyste de ses adversaires et des médias. Il n’est donc nullement Front National. (3)⇓
Mais assimiler plus ou moins lepénisme et fascisme – ces deux mouvements étant d’ampleur tellement inégale et se situant à des époques si différentes – est tout bonnement absurde.
"Qu’il me soit permis de dire mon étonnement devant le fait que les accords entre l’extrême gauche et la gauche sont vécus comme quelque chose de parfaitement démocratique et naturel. Et que le seul fait de parler à tous les Français, y compris à ceux tentés par le FN, serait pour moi une faute morale selon mes adversaires… Quelle malhonnêteté !..." (4)⇓
Et Nicolas Sarkozy, auteur du propos, a reconnu – il aurait eu du mal à ne pas le faire – que le FN était un parti "républicain".
N’est-il pas toutefois un peu difficile de quémander les voix des électeurs FN - les "draguer" - en ne cessant de vilipender ses dirigeants et se pincer le nez dès que leur nom est prononcé.
Les admirateurs des dictatures staliniennes ou maoïstes et leurs alliés ne nous semblent pas les mieux placés pour diriger la "Police de la Pensée" et les hypocrites vociférations socialo-communistes ne devraient quand même pas avoir raison de tout.
Les drapeaux tricolores flottaient autant dans les réunions UMP que dans les réunions FN.
Ils étaient nettement moins nombreux dans les réunions du candidat socialiste et, le 6 mai à la Bastille pour fêter sa victoire, bien moins nombreux encore que les drapeaux rouges ou étrangers, algérien en particulier, brandis sans doute par ceux-là qui, au stade de France, sifflaient la Marseillaise sous l’œil attendri du premier ministre socialiste, Lionel Jospin.
Se référer au seul drapeau tricolore ne suffit sans doute pas pour constituer une alliance entre la Droite et l’Extrême-droite, le programme économique du FN, en particulier, n’apparaissant crédible en rien.
Mais les valeurs d’autorité, de responsabilité, le goût du travail, l’amour du pays, défendus par Sarkozy, sont approuvés par les électeurs du FN.
Une alliance UMP-FN – qu’aucun des deux partis, d’ailleurs, ne désire – est actuellement inenvisageable. Mais il nous semblerait absolument nécessaire de s’interdire, de part et d’autre, toute condamnation morale et définitive.
En fait, osons-le dire – puisque personne ne l’ose alors que beaucoup le pensent – nous considérerions comme tout à fait admissible de voir, pour les élections législatives, autant de désistements (au moins officieux) entre UMP et FN qu’il y en aura entre socialistes et Front de Gauche.
Et il nous semblerait même nécessaire qu’il y en ait assez pour éviter que la gauche ne soit majoritaire à l’assemblée et empêcher ainsi, outre l’application d’une politique économique absurde, l’adoption du droit de vote des étrangers non communautaires, du mariage homosexuel, du droit à l’euthanasie… toutes mesures refusées par une majorité de Français.
Il s’agit de savoir ce qui est le plus important : le refus d’une telle politique ou le raidissement sur des lignes idéologiques dépassées, fruit d’une "pure" manœuvre politicienne ordonnée par les socialistes il y a plus de trente ans.
Messieurs Juppé, Fillon, Raffarin et autres…, vous n’êtes pas d’accord avec ce qui précède (partagé, pourtant, au lendemain du 6 mai, par quelque 64 % des électeurs Sarkozy). Aucun rapprochement ni désistement ne se fera – hélas ! – entre UMP et FN.
Vous laisserez donc les socialistes rafler toute la mise. C’est votre choix. Mais si maintenant, vous pouviez baisser un peu le ton vis-à-vis des lepénistes (y compris leurs chefs) et éviter – redisons-le – les "condamnations définitives", ce pourrait être un moyen de ne pas laisser les socialistes au pouvoir pour l’éternité, contribuer – ainsi qu’en son temps le suggérait Pompidou – à rassembler "tout ce qui n’est pas la gauche" et qui, comme il a été souligné, se trouve être majoritaire dans le pays.
Claude Fazier (5) ⇓
Ce texte fut écrit et adressé aux intéressés le 14 mai, au lendemain du scrutin présidentiel. Il nous semble que les questions qu'il soulevait alors, sont devenues encore plus actuelles avec la conquête par le PS d'une majorité absolue des sièges à l'Assemblée nationale. JGM
Apostilles
- cf. Le Figaro 4 mai 2012.⇑
- Nous considérerions d’ailleurs le nazisme comme plus criminel que le régime soviétique, malgré des effets peut-être aussi terribles de ce dernier (et supérieurs en nombre de morts). L’idéologie soviétique était tout de même moins inacceptable que celle des nazis.⇑
- Électeur traditionnel de la "droite modérée", il a pu, dans sa jeunesse, glisser dans l’urne quelque(s) petit(s) bulletin(s) de vote, de gauche. ⇑
- cf. entretien avec Nicolas Sarkozy publié par "Le Figaro" 20 avril 2012.⇑
-
Auteur, entre autres, sous son vrai nom, d’ouvrages touchant à différentes périodes de l’histoire de France, et – sous ce pseudonyme de Claude Fazier – du pamphlet "Réponse aux illusionnistes de gauche". On peut se procurer ce petit livre :
- directement sur le site internet de l'éditeur
- ou par correspondance en adressant un chèque de 10 euros aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche-Midi 75006 Paris.
- votre libraire peut le commander par fax au 01 47 63 32 04. - téléphone :06 72 87 31 59- courriel :ed.trident @ europelibre.com⇑
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