La couverture médiatique si discrète de cette échéance ne doit pas nous la faire oublier. Ce 10 juin se déroulera le premier tour du scrutin d'où sortira le pouvoir législatif. Les deux votes précédents n'ont abouti en effet, les 22 avril et 6 mai, qu'à la désignation d'un personnage que, par convention, l'on a cessé d'appeler "fraise des bois", mais : "le président de la république". D'emblée cependant on a pu noter que l'heureux élu ne se propose aucunement de guérir les écrouelles. Nous mesurerons à l'usage, mais nous pouvons déjà le pressentir, ce que le pays a gagné et surtout ce qu'il a perdu à ce changement de dénomination.
Surmontons notre lassitude. Tentons donc maintenant, moins d'une semaine à l'avance, d'évaluer l'importance du geste citoyen que l'on nous demande d'accomplir, pour la 3e fois cette année.
L'enjeu varie certes d'une circonscription à l'autre.
On ne saurait prendre cette formalité à la légère. Qu'on ne s'y trompe pas : d'élection plébiscitaire en élection plébiscitaire, l'enthousiasme des Français pour le soi-disant pouvoir suprême du chef de l'État s'est estompé. Les sondages bafouillent, les candidats bredouillent. Même les rats ne savent plus quel navire quitter. La république patauge dans sa bouillie. Que faut-il en sauver ?
Au second tour notamment, quels que soient les survivants parmi les quelque 6 000 candidats, s'affronteront, au-delà des personnes les deux clans symboliques remontant à la réunion des États Généraux mal élus (1)⇓ de 1789, droite contre gauche.
Rappelons à ce sujet, puisqu'on fait tout pour la prolonger, la logique du système présidentiel à la française. Tout avait été fait, au-delà de la caricature, pendant des mois, pour que les deux camps soient supposés savoir à l'avance quels seraient leurs porte-drapeaux respectifs. Les Français ont alors disposé de deux courtes semaines à partir du 23 avril pour choisir à quelle sauce ils acceptaient d'être mangés. La fraction éclairée de l'opinion a immédiatement pu comprendre que le pays supporterait encore plus d'impôts avec la gauche. Les déclarations de Mme Aubry le confirment. À l'inverse on doit déplorer que, seulement de façon timide, et en fin de parcours, la droite a concédé la nécessité d'envisager moins de dépenses publiques. Tout le reste tourna autour de ce choix que ni l'un ni l'autre des deux camps n'osait cependant formuler de la sorte.
Le vainqueur, par défaut, représentait, en apparence du moins, le parti du moindre effort, du moindre sacrifice visible et surtout celui des moindres vagues, la mort la plus douce, l'euthanasie. Cette attitude globale rencontre un certain succès, surtout dans un pays où un ménage sur deux se voit bercé de l'illusion selon laquelle l'impôt que concernerait que les riches. Quand Bastiat écrivait que "l'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde" n'annonçait-il pas ce perfectionnement subtil. Celui-ci profite tant au fiscalisme par le mécanisme même de ce qu'on appelle "l'impôt indolore" : taxe à la valeur ajoutée, prélèvements dits à la source, cotisations sociales versées par les entreprises.
Dans tout cela on remarquera que la droite officielle et les institutions patronales, tout en incarnant une sorte de moindre mal, n'éprouvent jamais le besoin de revenir franchement sur les inventions désastreuses de la gauche. Elle ne sert que de frein, mais au moins existe-t-elle dans ce registre un peu plat. Les citoyens lucides disposent de cet outil : ils ne doivent pas se priver de l'utiliser dans l'intérêt national.
Alors pourquoi deux tours demandera-t-on ? Pourquoi nous permettre de faire semblant de choisir ? La réponse ne sera pas donnée, aucun survivant de la mise en place du régime entre 1958 et 1962 ne s'exprimera plus, ne rendra de compte, ni ne livrera donc la clef de toutes les décisions de circonstance dont nous payons les conséquences.
Aujourd'hui cherchons à nous servir des quelques armes concédées au peuple pour s'exprimer à la fois sur le système et sur les hommes.
Notre droit le plus strict, quel que soit notre vote de second tour consiste ainsi à marquer nos distances, nos nuances ou au contraire nos enthousiasmes pour les programmes qui nous sont proposés. Cela fonctionnera dans un nombre considérable de circonscriptions, puisqu'en moyenne on pourra choisir entre plus de 10 candidats.
Dans toutes les élections, la gauche pour sa part a toujours posé pour règle, et appliqué pour discipline : "au premier tour on choisit, au second tour on élimine". Ce mécanisme ne lui a pas nui, malgré la pauvreté de ses utopies résiduelles.
Votons, en appliquant la même règle, et par conséquent : au plus proche de nos idées.
Soyons honnêtes et observons la manière même dont les candidats présentent, chacun à leur façon, leur affaire. Tout cela pour remarquer cependant, y compris pour les candidats d'extrême gauche, qu'aucun ne détient le monopole ni de la vérité, ni même de l'erreur.
Certains tiennent des propos sans doute irrespirables, inaudibles sinon incompréhensibles. Administrée par le mélenchonisme, la petite leçon de marxisme élémentaire elle-même ne fait pourtant pas que du mal. Beaucoup d'entre nous croyaient avoir oublié ; pas moi. Son écho flamboyant le 14 avril sur les rives de la Méditerranée, s'il a semblé sur le moment convaincre plus de monde, n'a fait que rassembler la plus grande partie des adeptes du drapeau rouge, génie démoniaque, toujours négateur et toujours destructeur, de la Révolution. (2)⇓
Le devoir du citoyen consiste donc, puisqu'on lui impose cette fiction de ces scrutins à deux tours, sinon de s'en emparer, du moins de s'en servir, non pour voter "utile" mais pour voter "sincère". De ce point de vue, cela implique non pas de succomber aux sirènes de la démagogie mais au contraire d'encourager, de favoriser, au besoin, le moins disant démagogique que ce mode de scrutin pénalise, bien évidemment.
Votons donc au premier tour en toute liberté, en fonction des proximités d'opinion.
Mais comprenons aussi que la lutte contre le renouveau marxiste, contre le discours mélenchoniste, et face à tous les succédanés démagogiques s'y rattachant, ne fait en somme que commencer ou plutôt recommencer.
Car, au-delà des élections, la simple lecture des programmes se révèle édifiante. Le marxisme (3)⇓, l'utopie (4)⇓ et la démagogie ne menacent pas seulement sur la scène politique électorale.
Il faut aussi les combattre, notamment par l'écrit, sur le terrain des idées, lamentablement déserté pendant ces deux médiocres campagnes. Pour ma modeste part, avec votre soutien (5)⇓, quoiqu'il advienne je persisterai à la faire.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. à ce sujet "Les Sociétés de pensée" par Augustin Cochin ed. Trident 2011 et notre article du 22 novembre 2011.⇑
- On se demandera même utilement si le vieil appareil stalinien du PCF n'a pas conçu, depuis ce jour, le désir de mettre fin aux excès de franchise de cet indécrottable continuateur du trotskisme.⇑
- cf. "Sociologie du communisme".⇑
- cf. "Histoire du communisme" avant Marx.⇑
- Pour soutenir L'Insolent. ⇑
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la citation de Bastiat est proprement géniale!
Tout est dit et riche de développements les plus divers. Avec entre autres la dégénérescence de la représentation du divin.
Rédigé par : mersenne | vendredi 15 juin 2012 à 10:46
"s'en emparer"
Voilà une formule qui me rappelle furieusement le discours des communistes et surtout des gauchistes et qui, dans le fond, ne se sont jamais emparés de rien. Ces imbéciles n'ont jamais compris qu'on ne pouvait s'emparer d'une fiction cf. le "réalisez vos phantasmes" de 68, ce qui est absurdité native! Le PC de Georges Marchais accusait les gauchistes ( sous entendu trotskystes ) d'être noyautés par les américains. Maintenant je suis sûr que c'est vrai.
Rédigé par : mersenne | vendredi 15 juin 2012 à 10:57