En votant le 6 mai, à la majorité relative, en faveur Monsieur Normal, les électeurs français ont succombé à une triple illusion.
Dès le débat du 12 octobre 2011 qui l'avait opposé à Mme Aubry, celle-ci les avait avertis quant à la première. En l'occurrence elle voulait que personne ne puisse ignorer l'ambiguïté systématique de ce continuateur revendiqué de la Mitterrandie. Maniant comme toujours le beau langage qu'on lui connaît, elle avait utilement rappelé un dicton remontant à sa grand-mère : "Quand c'est flou, c'est qu'y a (traduire : qu'il y a) un loup".
La deuxième illusion a consisté à tenir cet avertissement pour peu de chose, ou plutôt pour une preuve d'habileté supérieure. Les gens de gauche ont passé outre aux propos de la patronne du parti socialiste, en lui préférant son rival. Celui-ci, quoique perdant environ un point d'avance par mois dans les sondages par mois est arrivé, jovial, le premier avec une très faible avance, suffisante tout de même pour paraître pour cinq ans le chef légitime de l'État républicain hexagonal.
La troisième illusion, de la part d'une fraction non négligeable des votants, consistait à croire que le mal en résultant pourrait être aisément corrigé par le biais des élections législatives subséquentes.
Certes, on peut et on doit souhaiter qu'un nombre le plus grand possible d'opposants viennent contrecarrer à l'Assemblée nationale les projets de la gauche. Mais même dans l'hypothèse souhaitable qui ne permettrait ni au parti socialiste tout seul, ni à l'ensemble des forces de gauche, écologistes et nostalgiques du marxisme compris de composer une majorité au parlement, on ne perdra pas de vue que le chef du gouvernement, puis, sur la proposition de celui-ci, l'ensemble des ministres seraient nommés par le chef de l'État.
Rappelons ici l'article 8 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "Le président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.
Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions."
Ces dispositions on ne peut plus claires, s'appliqueraient à la lettre comme dans les diverses circonstances précédentes : 1986 (gouvernement Chirac), 1993 (cohabitation Balladur-Mitterrand) et 1997 (Jospin). Or précisément l'expérience a prouvé, à la fois, que ces combinaisons conduisaient à l'échec du chef de gouvernement, et que les concessions faites, jour après jour, par Matignon à l'Élysée, vidaient complètement de son contenu le programme de l'équipe victorieuse des élections législatives. Pour s'en tenir à la dernière expérience aucun ministère n'a privatisé autant depuis 1945 que celui de Lionel Jospin.
À tort ou à raison tout le monde a bien compris que ce qu'on appelle l'antisarkozysme a joué un rôle essentiel dans l'accession à la présidence du député maire de Tulle. D'autre part, et les habitudes de la Cinquième république, et la proximité en elle-même du scrutin législatif et le maintien de la division des droites éloignent la perspective d'un retournement de l'opinion en quelque cinq ou six semaines, entre le 6 mai et le 17 juin, et pour lequel il ne reste plus que 10 jours aux Français encore hésitants pour changer d'avis.
On ne peut certes que souhaiter ici, sinon l'empêchement de gouverner, du moins une pugnacité maximale de l'opposition au nouveau pouvoir socialiste s'exprimant dans l'enceinte du Palais Bourbon.
Les petites erreurs initiales en annoncent en effet de plus graves. Un jour Mme Duflot, un autre matin Mme Taubira, un autre soir le ministre de l'Éducation se permettent de transgresser toutes les règles du fonctionnement d'un gouvernement. Et la nouvelle l'illusion consiste encore à les minimiser. La "toute petite" retouche de la réforme des retraites, en faveur de 110 000 vieux travailleurs vient s'agréger à une liste d'accrocs gauchisants qui s'allonge au quotidien
Dès le départ pour Berlin le 15 mai, même Jupiter a contribué à nous prévenir. Le quinquennat, que les optimistes préjugent de tout repos comme la traversée d'un petit fleuve tranquille, risque fort de donner lieu à des orages que personne ne peut désirer.
Le projet Hollande de janvier semblait-il édulcorer sensiblement un texte (1) “voté à l’unanimité” (2). Il y est parvenu par un effet de “floutage” que l'on peut tenir pour du filoutage. Cette ambiguïté a trompé plus d’un électeur “non-socialiste” les 22 avril et 6 mai.
Mme Aubry parlait d'un loup : peut-être s'agit-il plutôt d'un Renard. Plus habile. Plus dangereux pour les poulaillers.
Quand les Français découvriront, jour après jour, et, si la gauche gagne, ils le verront dès les premiers jours de l'été, qu'ils ont été trompés, ils maudiront sans doute les "illusionnistes de gauche" et ils s'en iront "honteux et confus" comme le Corbeau de La Fontaine "jurant mais un peu tard qu'on l'y prendrait plus".
JG Malliarakis
Apostilles
- Dont le projet de réforme fiscale était inspiré par le livre rouge "pour une révolution fiscale" auquel mon petit livre bleu "Pour une libération fiscale"a la prétention de répondre. ⇑
- Dans sa "Réponse aux illusionnistes de gauche" Claude Fazier rappelle cette unanimité (p.11). On peut commander cet indispensable petit vade-mecum du sympathisant de droite
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Bof, je crois que Sarkozy a fait le lit de Hollande comme Giscard fit celui de Mitterrand!
Rédigé par : mersenne | samedi 09 juin 2012 à 05:14