Avoir toujours désapprouvé le mécanisme plébiscitaire de l'élection présidentielle française n'empêche pas, bien au contraire, d'en observer une fois de plus les conséquences. On savait, d'ailleurs, d'emblée que les Français dans leur majorité écrasante n'adhéraient pas sans réticences à la perspective du second tour, matraquée pour inéluctable telle qu'on l'annonçait, obligatoirement réduite aux deux candidats restant en piste.
Elle ne s'en confirmait pas moins au soir de ce 22 avril.
Les études par sondages observaient à l'avance un rejet de l'ordre de 60 % de cette perspective. Si l'on additionne les abstentions et les votes se voulant hors système ce pourcentage, contrairement aux autres prédictions sondagières, se retrouve dans les urnes.
Reste au matin du 23 avril, que dans les jours à venir nous allons nous retrouver face à un choix strictement binaire auquel on ne peut pas se soustraire.
À ce stade, les personnes importent peu. Les traits de caractère, les caricatures, les situations matrimoniales, les fumées de médisances ou les cirages de bottes perdent pratiquement toute valeur.
D'un côté, bien des Français, depuis 5 ans de formatages médiatiques des réputations, et disons franchement le mot, de vieux mots d'ordre maçonniques soi-disant "républicains" à peine renouvelés depuis le règne de Napoléon III, depuis quelque 7 années de savonnage de planche par les équipes chiraquiennes et de fourberies villepinesques, mais aussi du fait de quelques erreurs et fautes de goût, pensent encore en termes de rejet personnel du candidat sortant.
D'autres en face ne s'arrêtent qu'à l'écume des anecdotes. Rapportées au président du conseil général de la Corrèze, elles ne veulent considérer que son personnage, ou plutôt son rôle de composition. On juge discourtois de se trop demander de quelle main il tiendra les rênes de son attelage incertain. Comme il leur semble drôle cet inusable serviteur de la Mitterrandie. Après s'être acheté un costume d'homme d'État, voici qu'il nous promet cinq années de calembours. Bonne humeur garantie. Mieux vaudrait, nous assure-t-on, en rire qu'en pleurer.
Or si personnalisé que se présente le choix, la logique de la bipolarisation implique, qu'on le veuille ou non, précisément de renoncer à cette confusion des jugements.
Déjà l'artificielle exclusion des 30 dernières années, formulée par la Chiraquie "suicidaire" (1)⇓, s'est évanouie dans les esprits sans que personne n'y prenne garde. Des politologues ont pris les devants qui, tout en stigmatisant les "populismes", un mot qui ne veut rien dire, comptabilisent de plus en plus ensemble ce que la camarade Marie-Joe Buffet, si représentative (2)⇓ de l'opinion française, appelait le 22 avril à battre sur tous les écrans de télévision : "la droite et l'esse-trême droite". La naissance d'un vrai regroupement des droites a été artificiellement différée. Les circonstances l'imposeront et, contrairement à ce que pensent encore trop de gens dans les états-majors, les électeurs le veulent.
Reste sans doute, chez beaucoup de gens, la dialectique "noniste" de 2005. On la voit, ou plutôt on ne la sait pas assez, attisée là aussi par quelques cénacles et officines, où l'on s'est persuadé que "l'Europe de Jean Monnet est morte". S'ils prenaient la peine d'observer les chiffres, ils remarqueraient que les "nonistes de 2005" (Le Pen + Melenchon + Dupont-Aignan + Poutou + Arthaud + Cheminade) (3)⇓ ont obtenu cette fois-ci 32,64 %, moins du tiers des voix. Les discours systématiquement antieuropéens font peur, voilà la vérité, encore plus que la bureaucratie bruxelloise n'agace.
De toutes les additions la plus solide cependant concerne les voix de la vraie gauche : 44 % des votants. Et contraire aux annonces des médiats et des instituts de sondages, la participation très forte confirme cette donnée.
Certes la confrontation comparable de 2007 avait donné au second tour 53 % contre 47 % et si une défection est apparue depuis, la faute en incombe aux ouvertures inutiles et aux gauchissements de la politique de l'homme élu par la droite. Les influences de certains conseillers devront être remises en cause.
Mais si la gauche, quoique minoritaire en France, devait l'emporter on ne repérerait plus seulement quelques influences délétères. On les retrouverait à tous les échelons, au sommet de l'État, dans la magistrature syndiquée, dans les deux assemblées, – car les législatives n'ont depuis 50 ans jamais encore infirmé le scrutin présidentiel qui les précède, – dans les régions, dans les départements, dans les plus grandes villes mais aussi au sein du pouvoir dit "culturel", celui des destructeurs de la civilisation française. Beaucoup de dégâts en perspective, car, effectivement, les choses peuvent aller encore plus mal, les taux de prélèvements fiscaux et de cotisations dites "sociales" peuvent encore s'aggraver, etc. Ah certes, ceux qui se disent "déçus par la droite" ne seraient "pas déçus" par la gauche, pour sûr.
Ne doutons pas que la situation financière imposera des contraintes, y compris à la gauche.
Elle se rattraperait de ses propres concessions au mur d'argent par encore plus de mesures en faveur de la décadence de cette France qu'on célébrera de moins en moins, n'en déplaise à Du Bellay, comme "terre des arts, des armes et des lois".
JG Malliarakis
Apostilles
- Ayant consacré en 1998 une petite plaquette à "La Droite la plus suicidaire du monde", je maintiendrai le propos tant que cette même droite institutionnelle maintiendra ses sectarismes.⇑
- Candidate communiste elle avait obtenu 1,93 % des voix au premier tour de 2007. .⇑
- Les chiffres sur lesquels on a raisonné pendant toute la soirée sont, comme d'habitude, ceux des estimations de 20 heures le 22 avril. Le "service public" s'est particulièrement illustré dans cette petite manœuvre. Les pourcentages dont on disposait encore à 7 heures au matin le 23 avril tenaient compte des voix des électeurs de l'Outre-mer, mais pas de celles des Français de l'étranger. Les résultats définitifs sont tombés à 11 heures : Hollande 28,6 : %, Sarkozy : 27,2 %, Le Pen : 17,9 %, Mélenchon : 11,1 %, Bayrou : 9,1 %, Joly : 2,3 %, Dupont-Aignan : 1,8 %, Poutou : 1,2 %, Arthaud : 0,6 %, Cheminade 0,2 %.⇑
Effectivement, si on ajoute les voix de Cheminade, la gauche ne fait que 44% dans ce pays. Et cela malgré le matraquage des médias et des instituts de sondage aux ordres.
Il paraitrait que 33% des électeurs du FN sont prêts à voter Hollande. J'avoue que cela me consterne. Comment peut-on voter pour un candidat qui est prêt à faire voter les étrangers qui refusent d'adopter la nationalité française ?
Déjà que dans les banlieues, les prochains maires ont comme prénom Mohamed, Hussein, Rachid ou Karim... Si en plus, il faut leur amener encore plus d'électeurs...
Tout cela à cause de Giscard et de Chirac, et leur regroupement familial...
Lire ou relire à ce sujet l'excellent livre d'Eric Zemmour "Le premier sexe", où comment ces deux-là, et particulièrement Giscard, ont donné dans l'humanisme idiot qui a amené notre pays à être peuplé de gens qui nous méprisent et nous insultent.
Rédigé par : Monsi | lundi 23 avr 2012 à 17:05
Un ami m'écrit :
Le score de MLP montre bien que la démocratie représentative c'est du bidon car :
- les 20% de votants FN n'ont aucun député, quand les verts avec 2 % en attendent 50 ou 60 !
- la composition socio professionnelle de l'AN avec sa majorité de fonctionnaires n'est pas celle de la nation
- et on a vu en 2005 avec le référendum que 55% des français n'ont droit qu' à 10% des députés et la minorité de 45%, eux ont 90% des députés ! Lesquels députés ont trahi les français en votant le texte refusé par référendum...
on vit une époque formidable, n'est ce pas ?
Banzaï
Rédigé par : D. Dutour | mardi 24 avr 2012 à 10:16
Vous pensez que la gauche est minoritaire en France ?
Je ne partage pas votre analyse.
Au contraire, tout est pour le mieux et démocratiquement voulu par une grande majorité des votants. Que la plupart soient dans l'erreur, ignorants des mécanismes économiques et le cerveau capturé par la sémantique d'idéologie communisme est un autre débat.
En effet, je prétends que ce que nous reconnaissons collectivement comme un parti de droite est en réalité un parti de centre-gauche, assez proche du parti socialiste. Pareil pour le Front National, dont l'aspect libéral longtemps exposé par Jean-Marie Le Pen (glorification des entrepreneurs, de l'initiative individuelle, de la diminution de l'Etat) subit pour l'instant une volte-face soviétoïde sur le plan économique.
Si l'UMP était à droite, qu'est-ce qui retenait Nicolas Sarközy de mettre en œuvre une politique telle qu’il l’a décrite en 2005 ?
Pourquoi, comme le dit Monsi en commentaire, avoir continué à appliquer le regroupement familial et toléré l’immigration illégale, mise en place par des prédecesseurs gauchistes drapés sous le costume de la droite ?
Pourquoi avoir favorisé la création de 51 taxes nouvelles en 5 ans ?
Pourquoi avoir promulgué 5 lois de finances rectificatives ces derniers mois, toutes en faveurs de l’augmentation des impôts sans diminution des dépenses publiques ?
Pourquoi avoir constitué un gouvernement faisant une large place aux ténors de la gauche ?
Examinons l’hypothèse que la France est résolument un pays socialo-communiste. Après tout, ni la police, ni l’armée, ni aucun envahisseur extérieur ne nous contraint. Même imparfaite, la démocratie s’exprime librement et les occasions de voter au suffrage direct sont nombreuses et fréquentes.
La capitale est à gauche, le Sénat aussi, les régions pareil. Où est l’hérésie d’aligner aussi les autres organes que sont le président et les députés avec cette volonté clairement et régulièrement réaffirmée ?
La France est massivement gauchiste et veut continuer à le rester.
Simplement, c’est nous qui ne sommes pas à notre place.
Rédigé par : JM Bichot | jeudi 26 avr 2012 à 18:52
- Gérard GRUNBERG et Florence HAEGEL.La France vers le bipartisme? La présidentialisation du PS et de l'UMP. Presses de Sciences Politiques.
Rédigé par : Coriolan | mercredi 31 déc 2014 à 23:05