Comme en 2002, une sorte de loi non écrite semble retomber, une fois de plus, sur le débat politique français. On cherche à la faire appliquer dans le scrutin présidentiel.
Cette règle imposerait de considérer, d'une manière à nouveau cruciale, qu'une partie des électeurs français sentiraient le poisson. En 2002 les candidats préférés de cette fraction du peuple français avaient obtenu 19,2 % des suffrages au premier tour (1)⇓.
Et 10 ans plus tard leur porte-parole unique en retrouve 17,8 %, totalisant par ailleurs, en valeur absolue, un chiffre record de 6 400 000 voix.
Ainsi, pendant la même période, la diabolisation se serait encore aggravée. On trouvait hier normal de ne même pas débattre entre les deux tours. Aujourd'hui, on feint de considérer comme immoral que les candidats résiduels s'adressent aux préoccupations de ces citoyens. La droite est interpellée si elle se préoccupe de répondre à certaines de leurs questions. Et la gauche se charge elle-même de les reformuler de la manière qui l'arrange, en les niant. Bientôt sans doute le Trésor public refusera d'encaisser leurs contributions.
Est-il donc seulement permis de s'interroger sur les raisons d'un tel apartheid ?
En effet, habituellement, cela relève du non-dit.
Nous devons donc rendre cette grâce à un politologue de bon aloi, d'avoir accepté le 25 avril, de répondre à la question qui tue : "pourquoi accepter les voix de l'extrême droite est-il dénoncé comme scandaleux et immoral alors qu'il est considéré comme louable et naturel à gauche de s'allier à l'extrême gauche".
Cette énigme est souvent énoncée sous forme de devinette. Et on se refuse en général à en donner explicitement la réponse.
Ce soir-là Gérard Grunberg, que l'on peut par conséquent remercier vivement, participait à l'émission "C dans l'air" (2)⇓. En compagnie d'interlocuteurs habituels Bruno Jeudy (3)⇓, Carl Méeus (4)⇓, Romain Rosso (5)⇓ et sous la houlette de Yves Calvi on débattait de ce sujet pestiféré. Il lui fut échu de nous éclairer et de répondre en quelques mots. Il s'y employa donc au nom de tous, et sans être contredit.
Cette exclusion vient de très loin, a-t-il été rappelé en cette occasion, de façon explicite. L'asymétrie politique est héritée de la seconde guerre mondiale, où, fait-on semblant d'admettre, le parti communiste s'identifierait à la résistance, au patriotisme, à la vérité, voire même à l'héroïsme.
Rien, donc, ne semble s'être passé depuis quelque 67 ans. Pas même la découverte par l'occident en 1974 de l'Archipel du Goulag, pas même l'effondrement du bloc soviétique en 1991 dans sa propre ruine, sa crasse, son ivrognerie, sa misère et ses mafias, pas même la demi-reconnaissance du crime communiste de Katyn, pas même l'entrouverture des archives, pendant quelques années, jusqu'à la poutinisation des années 2000.
Tout cela, en France, ne compte pas. Au contraire du reste de l'Europe, et d'une façon singulière, on s'y s'acharne toujours à maintenir dans le formol et l'impunité, les réseaux qualifiés de "gaullistes de gauche", de "chevénementistes" etc. On cherche même à les faire passer pour des représentants de la droite.
Si les porte-parole de ce secteur de l'opinion connaissaient l'Histoire de leur pays, s'ils avaient seulement consulté les minutes du procès du maréchal Pétain (6)⇓ ils rabattraient aisément le caquet tous les glorieux de la république et autres professeurs de démocratie.
Vivons-nous dans le dernier pays de l'est ? Les ressortissants des anciens satellites du pacte de Varsovie nous le disent.
On attribue un peu généreusement à Lénine l'invention du concept des "utiles idiots". On trouve déjà, au cours des années 1860-1880, dans la correspondance extraordinairement cynique échangée entre Marx et Engels, la genèse des pratiques de manipulations par l'appareil que la révolution bolchevique fera éclore, un demi-siècle plus tard, à balles réelles.
Le fait incontestable des services rendus par les fameux "compagnons de route", et autres communistes "hors cadres" à la propagande du système soviétique en occident, de manière continuelle de 1917 à 1991, devrait nous éclairer. Exemple, parmi des centaines d'autres, voici ce qu'écrivait Sartre, de retour d’URSS :"La liberté de critique est totale en URSS et le citoyen soviétique améliore sans cesse sa condition au sein d’une société en progression continuelle". Il s'exprimait alors, à l'usage de la gauche la plus intelligente du monde. (7)⇓.
Le président de la république, et candidat à sa propre succession, a donc protesté de façon véhémente à une première page du quotidien L'Humanité, en date du 25 avril, qui prétend établir un parallèle entre sa position et celle du maréchal Pétain.
Le 27 avril, sur France Inter, le candidat Mélenchon que l'on s'efforce d'oublier opérait la même assimilation, allant même jusqu’à citer "Laval le collabo".
Ceux qui souhaiteraient répondre à tous ces amalgames devraient creuser un peu plus la question de l'alliance entre Staline et Hitler. Car celle-ci fonctionna parfaitement du côté soviétique et de la part des communistes français, jusqu'en juin 1941. Je les invite à étudier la question au travers des faits que je relate, des cartes que je publie et des documents que je reproduis dans mon livre consacré au sujet, ouvrage qui, de ce point de vue, dérange, ce dont je me félicite. (8)⇓
JG Malliarakis
Apostilles
- En 2002 les scores respectifs s'élevaient à 16,86 % pour le candidat du front national et à 2,34 % pour son rival du mouvement national républicain..⇑
- sur la chaîne d'État "France 5".⇑
- rédacteur en chef du "Journal du Dimanche", filiale du groupe Lagardère.⇑
- rédacteur en chef du "Figaro Magazine", propriétaire Serge Dassault ⇑.
- ⇑.
- grand reporter à L'Express et auteur d'un livre consacré à la candidate FN.⇑.
- Ces minutes, d'une lecture passionnante, ont été republiées en 2006 dans leur intégralité. Elles constituent un document de référence indispensable pour comprendre non seulement la seconde guerre mondiale du point de vue français mais aussi l'Histoire de la France au XXe siècle.⇑. `
- Dans le journal alors proche du parti communiste "Libération" le 15 juillet 1954. [Cet ancien journal disparut en 1964. À noter que le titre réapparut en 1973 sous le patronage moral de ... Jean-Paul Sartre]⇑.
- cf. "L'Alliance Staline Hitler". Ce livre est disponible par correspondance au prix de 29 euros port compris aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche-Midi 75006 Paris.⇑.
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