La droite comme la gauche nous lassent depuis plusieurs jours par une campagne bipolaire dominée par les sondages et la démagogie. On sombre dans ce que François Bayrou, après Audiard, résumait récemment par la formule : "Le déconomètre fonctionne à plein tube". (1)⇓
Les Français ont, certes, été assez légitimement choqués, durant la décennie écoulée par un certain nombre de pratiques au sein des très grandes entreprises. La plupart de ces dérives ont été réalisées en accord avec les conseils d'administrations de complaisance au profit de quelques dirigeants, et au détriment des actionnaires.
La définition même de l'abus de biens sociaux retrouverait la plupart du temps son application si les textes et les procédures en étaient repensés de manière plus équilibrée.
Or, dans les écrits de l'équipe Piketty et de son disciple Chavagneux, on trouve malheureusement une approximation dommageable. Sous prétexte que pendant une certaine période et dans certains pays, en particulier la Grande Bretagne, les profits de l'activité financière se sont développés plus rapidement que ceux des autres secteurs, de tels auteurs raisonnent comme si le capitalisme s'identifiait et se réduisait désormais à la banque et à la bourse.
... Comme si les financiers seulsmenaient effectivement le monde à la baguette.
... Comme si leurs intérêts seuls, éventuellement leurs manigances, dictaient les décisions politiques.
... Comme si l'oligarchie française s'identifiait à cette seule corporation.
Sur le plan théorique l'école de pensée qui demeure la matrice de tels écrits reproduit à un siècle de distance sa propre fascination pour le Capital financier.
On sait, ou plutôt on devrait savoir, que sous ce titre, – en allemand Das Finanzkapital – le marxiste autrichien Rudolf Hilferding (1877-1941) avait publié en 1910 un livre d'une importance théorique et même politique fondamentale. Il est considéré comme le Livre IV de Das Kapital que ni Marx, qui ne publia de son vivant que le Livre Ier, ni Engels qui rassemblera ses notes pour éditer les Livres II et III n'avaient eu le temps d'achever. Il fut traduit dès 1910 en français et en 1912 en russe. Lénine s'y réfère encore, abondamment, la même année, dans son fameux essai sur "L'Impérialisme stade suprême du capitalisme". On peut même soutenir, que tout le léninisme, sinon le stalinisme, y compris la ligne Radek (2)⇓ s'expliquent par une interprétation radicale des thèses de Hilferding.
Après 1917, cependant leur auteur restera social démocrate. Naturalisé allemand, en 1923 il deviendra même quelques mois ministre de la république de Weimar. Un lecteur honnête de son œuvre n'entrera pas dans les conclusions léninistes, notamment sur ce qu'à partir de 1913 le bolchevisme appellera « orient avancé contre occident arriéré ». Il adhérera encore moins à la ligne que Radek définira en 1920 comme le « renversement de la paix des Alliés » laquelle aboutira au congrès de Bakou, et au traité de Rapallo de 1922 préfigurant le pacte germano-soviétique de 1939. De telles thèses, ont jeté les bases du stalinisme et de la seconde guerre mondiale. Leur caractère anti-humaniste saute aux yeux de toute personne civilisée.
Malheureusement quand on suit le raisonnement des auteurs comme Chavagneux, un des inspirateurs, avec l'équipe Piketty, de la nouvelle gauche française, on les découvre, avant tout, fanatiquement hostiles à la Finance.
Pour eux la liberté d'entreprendre et le droit de propriété ne servent plus qu'à renforcer la finance spéculative ; celle-ci vit elle-même de la fraude, pure et simple etc. Dans l’esprit de ces néomarxistes, la métropole du système capitaliste ne se situe plus aux États-Unis ou en Grande-Bretagne : elle réside quelque part entre Davos et les îles Caïman.
On surprend même sous leur plume que tout ceci, conséquence de l'inégalité, porte la responsabilité de la crise et plus encore, pourquoi pas, du réchauffement climatique.
C’est explicitement ce que Chavagneux exprime en introduction à son livre, qui commence par les lignes suivantes:
« Avec le changement climatique et la montée des inégalités, l’instabilité financière représente l’un des trois grands maux du capitalisme contemporain. La finance a pris un poids démesuré, etc. » (3)⇓
Ils caricaturent de la sorte la pensée de Hilferding lui-même et ils la dénaturent. Ses thèses sur le Capital financier ne me semblent pas plus erratiques que les sophismes de Keynes ou que les approximations statistiques dont les technocraties occidentales composent leurs bréviaires. Tout, dans ces écrits, d'ailleurs ne mérite pas nécessairement d'être jeté.
Cependant une série de contradictions en demeurent insolubles, comme dans tous les travaux de l'école de Marx, de Engels, etc.
Tout cela a beaucoup vieilli et ne s'applique plus guère à la France d'aujourd'hui, encore moins à la crise actuelle. Celle-ci est essentiellement due à la mort inéluctable des États Providence.
Décrite depuis 20 ans par la plupart des économistes sérieux, et même depuis les années 1980 (4)⇓ il semble au contraire remarquable, et significatif de leur niaiserie, que les institutions financières aient persisté pendant le même laps de temps à investir dans ces pyramides de Ponzi à quoi les appelaient les gouvernements et les systèmes sociaux. Car ceux-ci comme ceux-là se révèlent incapables par nature et non par conjoncture de réduire leurs déficits.
Dans une société où l'emploi est devenu la préoccupation majeure des familles, des individus, des collectivités locales et des États, comment concilier ce désir de trouver des employeurs avec l'objectif ultime de l'abolition du salariat ?
Concrètement aussi il existe une énorme falsification à confondre « les plus riches » avec les titulaires des plus hauts revenus, et à en retrancher, d'autre part, tout ce qui ne tire pas profit de la finance.
Ni Dassault, ni Pinault, ni Arnaud, ni Mme Bettencourt, ni Bouyghes, ni Lagardère, ni Pierre Bergé, – la liste est longue, même dans une France en cours d’appauvrissement – ne sont des banquiers ou des traideurs. Le mode de rémunération des agents opérateurs de marchés ou des dirigeants des 40 plus grandes entreprises peut être revu sans ébranler les fondements de la société. Et si la place de Londres joue effectivement un grand rôle dans les circuits mondiaux de la fortune, elle ne semble pas diriger les affaires de l'Europe.
Au total d'ailleurs « les plus riches » n'exercent sur la politique qu'une influence indirecte. Leurs intérêts sont certainement pris en compte, autant à gauche qu'à droite d'ailleurs, puisqu'ils reflètent l'idée que nos dirigeants d’État se représentent de l'économie française, ventes d'armes comprises.
Renforcer la pression fiscale n'affectera guère la puissance des grosses fortunes. Peut-être même cela facilitera-t-il l'ascension de forces financières plus internationales, et cela continuera à encourager l'émigration, lente mais régulière, des modernes huguenots vers le refuge calviniste de Genève. Ainsi, nos dirigeants et leurs directeurs de conscience n'en finiront-ils jamais, malgré les professions de foi laïcistes, de révoquer l'Édit de Nantes.
JG Malliarakis
Apostilles
- voir sur BFM TV le 27 février.⇑
- cf. à ce sujet mon chapitre La Ligne Radek in L'Alliance Staline Hitler ed. du Trident 2011.⇑
- cf. Chavagneux "Brève histoire des crises fianacières" 2011 La Découverte page 7.⇑
- cf. La fin des retraites écrite en 1982 par Alain Babeau⇑.
Vous aurez compris que les « riches » représentent symboliquement la société libérale : capitaliste et chrétienne et dont les traders sont leurs agents au quotidien. ( C'est faire beaucoup d'honneur aux traders, jusqu'à présent les « courtiers » exécutaient les ordres de leurs clients : acheter , pu vendre.
Des cocos continuent donc de nous empoisonner en France (et s'il n'y avait pas les mannes du Parlement européen, on n'entendrait pas parler d 'un rouge extrème) Ils oublient de dire, évidemment, qu'un marché est un lieu et une organisation où se les personnes font des échanges. Lorsqu'un ménage fait son marché, il trouve des marchands sur une « place de marché » qui sont « offreurs » de leurs denrées. L'acheteur choisit entre les denrée, accepte le prix de l'offre, refuse, discute,… le marché est conclu lorsqu'il y a accord entre l'offre et la demande :
L'acheteur remet la monnaie au vendeur (qu'il a généralement emportée sur lui) mais il n' a pas de dictature financière de ce marché. Au contraire la conclusion d'un marché scelle l'accord entre 2 parties qui sont libres
Tous les marchés – places ou salles – sont des lieux où ceux qui offrent, rencontrent ceux qui offrent, afin d'échanger des biens entre personnes (physiques ou morales). Il en est ainsi depuis la nuit des temps. Des caravanes traversaient les continents pour cela et les caravaniers étaient armés pour sr protéger ; aujourd'hui. comment protéger nos salles de marché de la presse rothschildo-coco (Libération, etc)?
Rédigé par : SPARTE | samedi 10 mar 2012 à 13:52
Il en est ainsi depuis la nuit des temps. Les caravanes traversaient les continents avec des commerçants. Et des guerriers armés les accompagnaient pour les protéger. Aujourd'hui comment protéger nos salles de marché, et demain comment sauver nos familles ?
Communistes, Islamistes ; même combat !
Rédigé par : Dominique Dutour | samedi 10 mar 2012 à 17:06
Vous oubliez également de citer le socialiste Rocard qui, dès 1989 ou 1990, avait commis un rapport sur les retraites en prévenant que la réforme du système français entraînerait la chute de plusieurs gouvernements successifs. Mais ce que je ne comprends pas, c'est la raison pour laquelle les gouvernements ne s'attellent pas à cette réforme indispensable et inéluctable de manière intelligente, c'est-à-dire comme en Allemagne, à faire adopter les mesures difficiles en toute fin de mandat, alors même qu'ils savent que de toutes façons, ils ne seront pas réélus. Pour être plus explicite, je veux parler ici de Mitterrand qui, au lieu de se lancer à la fin de son mandat dans une explication de sa position à l'égard de Vichy et de René Bousquet, aurait mieux fait de rester dans l'Histoire d'une autre manière en demandant à son Premier Ministre Pierre Bérégovoy ou Edouard Balladur de faire évoluer ce système à la Ponzi vers un système par capitalisation. Et ainsi de sauver un système qui avait à l'époque déjà un pied dans la tombe...
b a v
Pierrot
Rédigé par : Pierrot de la Luna | dimanche 11 mar 2012 à 14:32
Allez, puisque je suis sur ce site et que j'ai lu l'article et les commentaires, je me permets de laisser le mien.
Je trouve cette vision simpliste et assez conformiste.
En effet, comparer des salles de marché financier à un marché de denrées est inapproprié.
Sur un marché, les acheteurs paient pour des biens qu'ils utiliseront. Les financiers paient pour des valeurs avec lesquelles ils comptent faire des profits. En dehors de cet objectif, elles leur sont totalement inutiles.
De plus, c'est assez angélique de dire qu'il s'agit d'un accord entre l'offre et la demande.
C'est en effet oublier un peu vite que, comme au monopoly ou au poker d'ailleurs, plus un agent amasse d'argent, plus il sera en mesure d'imposer sa volonté et plus il sera gagnant. À l'inverse, celui qui n'a qu'un faible pouvoir d'achat se trouve très vite appauvri et placé en situation de perdant. C'est la situation dans laquelle se trouvent les salariés en général et les salariés pauvres en particulier. Ils n'ont aucun choix. Ils travaillent pour gagner juste de quoi subsister et ainsi pouvoir continuer à travailler...
Si la répartition des richesses était faite convenablement, c'est à dire avec équité, ils devraient gagner nettement plus. Et c'est possible, quoiqu'en disent les tenants de cette ordre des choses, il suffirait d'une volonté politique.
Évidemment, l'exception en ce domaine confirme la règle. Il existe évidemment quelques cas partis en bas de l'échelle et qui ont réussi à gravir de nombreux échelons. Et, bien entendu, ce sont ces exceptions qu'on nous sert à chaque occasion comme une preuve que c'est possible pour tous.
Mais c'est comme au loto, l'espoir fait vivre. La possibilité pour chacun d'en faire autant reste infinitésimale.
Et au passage, cette vision permet à tous les acteurs de ce marché (de dupes) de s'affranchir et se dédouaner de toute responsabilité dans l'état désastreux de la planète et de conserver indéfectiblement leurs privilèges.
Rédigé par : Ruoma | dimanche 11 mar 2012 à 15:28
Pierrot de la luna, vous vous étonnez que Mitterrand n'ait pas fait avant de mourir ce qu'il ne fit pas au début de son septennat ? Il est facile de rappeler qu'au début du septennat il a commis la pire ânerie en nationalisant de grands groupes industriels ; et qu'il s'est bien gardé de laisser sa marque dans l'Histoire en dénonçant les crimes communistes, depuis Lénine jusqu'à Pol Pot (ce que Jean Gille Malliarakis à déjà souligné ici)
Rédigé par : Dominique Dutour | mercredi 21 mar 2012 à 18:24
La bourse reste pour beaucoup synonyme de "Capital", et de "Riche". Pourtant, de nos jours elle s'est beaucoup vulgarisee et de nombreuses "petites gens" essayent la bourse comme un moyen pour economiser.
Rédigé par : options binaires call | dimanche 24 juin 2012 à 10:45