Le 13 février commençait au parlement l'examen du premier projet de loi de finances rectificative de l'année. Le vote de deux dispositions essentielles par les députés était déjà acquis ce 15 février. La discussion sur d'autres points continuera le 17.
Ce projet N° 4332 a été déposé le 8 février 2012 à la Présidence de l’Assemblée nationale. Il s'étale en pdf sur 192 pages au format 21x29,7. Apparaissant moins de deux mois après la promulgation du Budget 2012, il donne une terrible impression d'urgence.
Ce texte fourre-tout est considéré, cependant, par une partie des observateurs comme une élégante introduction à la campagne présidentielle.
Concession fondamentale faite à l'idéologie de gauche, il crée, dans le but de combler des déficits publics, deux dispositifs fiscaux nouveaux, sans envisager concrètement aucune piste de réduction des dépenses. Mme Guigou a eu beau faire semblant de s'indigner ce 15 février que, depuis 5 ans, "quarante taxes supplémentaires ont été créées !" cette tendance, effectivement dommageable, correspond assez largement au programme de son parti et de son candidat.
La première mesure de cette loi de finances rectificative concerne certes la participation de l'État central parisien au Mécanisme européen de stabilité. Celui-ci se propose d'institutionnaliser le secours aux États en difficulté. Il devrait peser à hauteur de plus de 6 milliards d'euros dans les finances publiques françaises.
Pour l'essentiel, cependant, le texte met en pratique les annonces faites par Nicolas Sarkozy le 29 janvier sur neuf chaînes de télévision.
Ce soir-là il avait évoqué le triple projet d'une taxe sur les transactions financières et surtout d'une hausse de la TVA de 1,6 point à échéance du 1er octobre, ainsi que d'un relèvement de la CSG sur les revenus de l'épargne. Ceux-ci se verront taxés désormais à 15,5 %, contre 8 % sur les revenus salariaux, ceci au nom de l'égalité bien entendu. Une baisse de charges sociales allait en résulter - c'est pourquoi on persiste à appeler ce projet "TVA sociale", à la grande irritation de ses défenseurs. Ces derniers préfèrent parler de "compétitivité" et développer en sa faveur des arguments strictement protectionnistes.
Sur cette question de la "TVA socialo protectionniste", Les élus de l'UMP et du Nouveau Centre se montrent pourtant peu enthousiastes. L'inoxydable et fidèle Gilles Carrez, rapporteur général UMP de la Commission des Finances, souligne ainsi que l'allégement de charges sociales en résultant pour l'industrie française ne dépassera pas 3,3 milliards d'euros.
À tout prendre, comme en 1995, on doit reconnaître, quitte à augmenter, le plus provisoirement possible, la pression fiscale déjà énorme que subissent les Français, la hausse des taux de TVA présente des avantages techniques, psychologiques et politiques. Le fait que cette solution de facilité exaspère l'idéologie de gauche, ne devrait que réjouir la droite. Frappant la consommation elle ne peut que paraître favorable à l'épargne, etc.
En revanche la théorie, et plus encore la pratique, d'un projet de TVA dite "sociale" méritent d'être examinées à la loupe. Passe encore sur son caractère discrètement protectionniste, assez explicite pour que l'on y consacre un argumentaire détaillé.
À cet égard on doit retenir l'argument de Charles de Courson :"Le Gouvernement a fait le choix de privilégier les secteurs de l’économie française en situation de concurrence internationale (...). Or, comme le montrent les rapports Carrez, Besson et bien d’autres encore, une disposition générale touchant le secteur privé ne bénéficie à l’industrie qu’à hauteur de 25 %". (1)⇓
De son côté Valérie Pécresse souligne que "80 % de l’emploi industriel sont concernés par notre mesure – 75 % de l’emploi automobile et 93 % des salariés agricoles." Ceci, d'ailleurs, ne contredisant pas cela...
Mais que le surplus de recettes soit affecté à combler encore le tonneau des Danaïdes de notre fameux modèle hexagonal mérite également réflexion.
Au cours de la même séance M. Pierre-Alain Muet souligna par exemple ce qu'il considère comme "une faute politique parce qu’en réalisant ce transfert, vous rompez le pacte qui unissait les entreprises et les familles et qui caractérisait la politique familiale de la France depuis la Seconde guerre mondiale." De ce point de vue, en détachant définitivement les allocations familiales de leur financement patronal on opère un tournant très important, par rapport à une tradition instituée dès 1916 par des industriels catholiques de l'Isère et du Nord. (2)⇓
En 2004 un débat technique avait opposé le représentant du gouvernement chiraquien au président centriste de la commission des Finances du Sénat. Celui-ci, M. Jean Arthuis, militait depuis fort longtemps en faveur de la TVA sociale. Le ministre de l'époque lui répondit dès lors, comme d'habitude, avec les arguments toujours péremptoires de son immense administration. Inutile de nommer le récitant d'alors : tout le monde peut vérifier. Du reste, s'il préside aujourd'hui, et jusqu'au 6 mai, aux destinées de notre république hexagonale, son rôle se limitait à la diffusion des oracles technocratiques.
Selon les calculs des ordinateurs de la citadelle Bercy, il était donc énoncé naguère que tout point supplémentaire de TVA se traduirait par une diminution de la croissance de 0,9 point.
Désormais, on nous assure, du haut de la même science, que cet effet serait compensé par la conséquence inverse qu'entraînerait en contrepartie l’allégement des cotisations sociales. Celle-ci se traduirait par une augmentation de la croissance à hauteur de 0,4 point.
Les génies administratifs à prétentions mathématiques qui nous gouvernent n'appliquent en général à l'économie que des fonctions linéaires. Autrement dit, ces gens se contentent de multiplications simples et d'équations du premier degré. Simples règles arithmétiques elles auraient pu être comprises et maniées par les titulaires anciens du certificat d'études primaires qui se contentaient en général de savoir lire, écrire et compter. Autrement dit, leurs calculs donneraient, proportionnellement, que la hausse de la taxe prévue à l'horizon du 1er octobre 2012 diminuera de 0,75 point le rythme de croissance, déjà pas folichon, de notre cher PIB. En année pleine cela veut dire annulation de la croissance prévisionnelle, estimée désormais à hauteur de 0,5 point seulement pour 2012.
Un beau succès en perspective, si ces calculs se révèlent approximativement exacts.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. Compte rendu de la 1re séance de l'Assemblée nationale du mercredi 15 février 2012.⇑
- cf. "Les Chantiers de la paix sociale" textes réunis par Yves Cohen et Remi Baudouï, ENS Fontenay St Cloud, 1995, pp. 68 et 69.⇑
En réponse au projet fiscaliste de la gauche... [et à certains errements de la droite]
Le titre de ce livre bleu "Pour une libération fiscale" en fera, notamment, une réponse au livre rouge de l'équipe de gauche dirigée par Thomas Piketty "Pour une révolution fiscale". Il soulignera les voies de réformes possibles de l'archaïque fiscalité française, en fonction des réductions nécessaires de la dépense publique. Ce livre de 180 pages environ paraîtra fin février 2012, pour tenir compte de la loi de finances et de la loi de sécurité sociale qui auront été promulguées le 31 décembre 2011. Son prix de vente après parution sera de 20 euros. On peut encore y souscrire dès maintenant au prix de 15 euros, port compris.••• Les lecteurs de L'Insolent peuvent souscrire :
- par carte bancaire sur la page catalogue des Éditions du Trident
- ou remplir un bon de souscription afin de nous commander par poste et nous régler par chèque (libellé en euros et compensable en France, port gratuit pour toutes destinations, pour un envoi recommandé ajouter la somme de 5 euros), et nous l'adresser, exclusivement par correspondance à Éditions du Trident 39, rue du Cherche-Midi 75006 Paris -- Tel : (+33) 06 72 87 31 59.
La hausse de la TVA entrainera une diminution de la croissance - vous le soulignez - de la même façon que tout impôt nous appauvrit. Et de la même façon qu'une hausse de 1% du SMCI " crée " 100.000 chômeurs " de plus.
Plutôt que de créer un supplément de Tva afin de diminuer le poids des charges sociales (qui obèrent dramatiquement la compétitivité des entreprises françaises) pourquoi ne pas réduire les dépenses du système dit " social " ? Et dont on sait quelles augmentent de façon incontrôlée.
C'est d'un raisonnement tellement simple qu'il n'est pas à la portée des hommes-de-l'état que sont nos zénarcs.
Rédigé par : Dominique Dutour | vendredi 17 fév 2012 à 00:39
Vous écrivez que la hausse de la TVA est (discrètement) protectionniste. Ce n'est pas certain. En effet l'écart entre les prix de produits bon marché manufacturés hors de France, avec nos produits, est incommensurable. Il permet généralement d'assurer de très grosses marges aux importateurs ; ce qui fait qu'ils pourront diminuer leurs marges et que la hausse de la TVA (qui s'applique aux importations) n'aura pas d'effet protectionniste sur les importations, à mon avis. C'est moins une mesure protectionniste que confiscatoire ... comme tout impôt.
Pour les produits de haut de gamme, le prix n'a pas d'importance : l'amateur de qualité allemande (auto, produit brun et blanc), danoise (portable, montre), autrichienne (moto, ...) italienne (automobile de grand luxe , mode ... ), suisse (électro ménager, horlogerie de luxe ... ) américaine et coréenne,etc. continuera à mettre le prix qu'il faut.
Rédigé par : hermès | vendredi 17 fév 2012 à 00:58