Ce 27 février sur RTL, on évoquait le débat présidentiel. Invité du jour, le candidat sortant soulignait, non sans malice, un point particulièrement faible de son principal adversaire. Il tirait argument de la nécessité de faire des réformes à temps. Il prenait pour exemple la loi de 2010 abolissant le ruineux tabou de la retraite à 60 ans. Selon lui, toutes les centrales syndicales avaient cherché à bloquer cette décision, la considérant comme impopulaire et inopportune. Pourtant le chef de l'État faisait remarquer qu'elle ne touchait ni aux rémunérations ni au montant des pensions elles-mêmes. Si le pays n'y avait pas procédé suffisamment tôt, la population s'en serait vu imposer de plus cruelles et de plus douloureuses encore. Sans même s'attarder à la catastrophe grecque, qui a déjà diminué de 34 % le niveau de vie des gens, il citait l'exemple de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal où le pouvoir d'achat des salariés comme celui des retraités se voit effectivement amputé par les mesures de rigueur.
Cette argumentation appelle un retour sur image. Pourquoi et comment, en effet, Martine Aubry avait-elle osé proférer le 12 janvier (1)⇓ à propos du président de l'Assemblée nationale : "Bernard Accoyer fait honte à notre République" ? Ce genre de jugements lapidaires et de lapidations virtuelles vise en général d'autres secteurs politiques.
L'intéressé considère que ses propos ont été mal interprétés. Qu'avait-il dit de si extraordinaire la veille, 11 janvier 2012, à l'occasion de ses vœux annuels. Qu'on en juge : "2012 sera une année de vérité. La gravité de la situation exige un cap et ne saurait s'accommoder ni du flou, ni de valses hésitations sur des sujets essentiels". Le choix se fera entre "poursuivre une politique courageuse de modernisation et de restauration de notre compétitivité ou exhumer un programme archaïque et utopique. Si nous ratons ce rendez-vous de la responsabilité et du courage, les conséquences économiques et sociales pourraient être comparables à celles provoquées par une guerre".
Contrairement à tous les commentaires entendus après coup, cette déclaration elle-même (2)⇓ ne met pas explicitement en cause le parti socialiste en tant que tel, ni son candidat personnellement. Elle dresse seulement le procès d'un programme archaïque refusant de poser le problème de la compétitivité.
Or, dans la pratique nous disposons, malheureusement pour ce pays, d'un cobaye précis, victime non seulement de l'endettement, mais aussi à l'automne 2009 du programme des socialistes à la sauce Bilderberg. Il s'agissait alors des amis locaux de Strauss-Kahn, reconvertis en France en garde rapprochée de François Hollande, toujours fidèles sur place à Georges Andreas Papandréou lequel préside encore l'Internationale socialiste : ceci ne constitue pas une exagération mais une simple photographie des faits.
Les recettes mises en place à Athènes en 2009 correspondaient globalement aux deux programmes socialistes, celui du parti rédigé en 2011 sous l'influence de l’aile gauche et notamment de Hamon, et celui du candidat pour 2012 énoncé par Hollande les 22 et 26 janvier.
La logique commune consiste à miser sur une croissance hypothétique, dont on ne se donne pas les moyens, à prétendre "maîtriser" des dépenses, qu'on n'entend jamais réduire, et à augmenter la pression fiscale en appelant cela "suppression des cadeaux faits aux riches".
D'abord, nous ne disons pas ici, et il ne faut surtout pas penser que tous les gens de gauche adhèrent à de tels archaïsmes. En France, manifestement le président socialiste de la commission des Finances de l'Assemblée nationale a pris ses distances. Le vieux Rocard, qui s’y connaît en archaïsmes, s'écarte du programme énoncé le 26 janvier. Le président socialiste de la Cour des comptes Didier Migaud s'est lui-même clairement démarqué de ce programme de l'endormissement.
D'autre part il ressort assez clairement des actes et de la plupart des déclarations de la majorité sortante qu'elle s'écarte à peine, ou du bout des lèvres, de cet archaïsme, de ce que Pareto appelle le socialisme des "pragmatiques".
Mesurons ici malheuresement la vivacité et l'unanimité des réactions des représentants officiels du parti socialiste et de sa campagne présidentielle.
Benoît Hamon, s'est employé à se montrer le plus vif à réagir. (3)⇓ Le porte-parole du PS qualifiait ainsi d'"indigne" le comportement de Bernard Accoyer. "C'est absolument consternant. Le président de l'Assemblée nationale se livre à une forme de surenchère ou d'escalade idiote pour caricaturer et injurier en comparant le socialisme à la guerre".
Jean-Pierre Bel, président PS du Sénat, parle de "dérapage verbal". Il invite "à plus de retenue" son homologue UMP du Palais Bourbon. "Il y a des mots qui sont lourds de signification et que l'on se doit de ne pas employer dans un débat républicain". (4)⇓
Laurent Fabius, ancien président de l'Assemblée lui-même, considère la déclaration comme "choquante, absurde et stupide". Actuel député de Seine-Maritime, il fait la leçon à son successeur : "On attend d'un président de l'Assemblée nationale une tout autre attitude, faite de mesure, de perspicacité et de respect des équilibres démocratiques."
Jean-Marc Ayrault demande "des excuses". Sur son site, le député-maire de Nantes et président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale publie une lettre qu'il a immédiatement envoyée au troisième personnage de l'État, dès le 11 février. Il y dénonce des propos qu'il juge "outranciers et parfaitement indignes de sa fonction". Il ajoute : "Ce dévoiement du débat démocratique et de l’institution dont vous avez la charge doit cesser. Votre fonction vous impose le devoir d’y mettre un terme en présentant vos excuses".
Pour le directeur de campagne de François Hollande Pierre Moscovici, d'ailleurs, "la droite a perdu la tête" tout simplement. (5)⇓
François Rebsamen va encore plus loin dans l'élégance : "Quand il était député, les députés de gauche lui disaient : Accoyer cesse d'aboyer !, Je pensais qu'avec la fonction il avait pris de la hauteur, je crains qu'il ne soit revenu à ses amours premiers c'est-à-dire d'imiter les bruits du chien." (6)⇓
C'est donc dans cet esprit, à la suite du parti qu'elle dirige, que le maire de Lille a pu déclarer : "Quand M. Accoyer, président de l’Assemblée nationale s’exprime ainsi, il fait honte à notre République."
À l'époque du gouvernement Jospin, nous étions amenés à qualifier de "teuladisme" cette négation volontaire et agressive de la réalité des problèmes. Il s'agissait à l'époque de la lente faillite des régimes de retraites dits par répartition. Un rapport Teulade prétendait nier cette évidence.
Aujourd'hui, oui la menace d'appauvrissement qui pèse sur les Français pourrait bien se révéler supérieure aux dégâts d'une guerre, comme les socialistes savent si bien les déclarer sans y avoir préparé le pays.
À son tour, le président UMP de l'Assemblée nationale, a donc réagi à ces réactions et réitéré ses déclarations. (7)⇓
Les protestations hypocrites et indignées qu'elles ont provoquées ne perturbent pas l'élu de Haute-Savoie, qui, le lendemain, a confirmé son analyse. "Non, on ne peut pas regretter des propos qui sont interprétés d'une façon partisane et déformée. La réalité, c'est que si on ne fait pas les réformes et qu'on ne maîtrise pas les dépenses publiques, la situation serait d'une extrême gravité. le problème de la France, c'est la dépense publique et celle-ci exige des réformes que j'ai évoquées hier." Il déplore par conséquent : "Si on ne peut plus parler du fond..."
Et de remarquer aussi que "la gauche a pris ces propos exclusivement pour elle." À tort, laisse-t-il entendre, car "s'il ne fait pas les réformes qui consistent à diminuer le nombre d'agents publics, s'il ne poursuit pas la réforme des retraites, s'il remet en cause des politiques qui marchent telles que le nucléaire, quel que soit le candidat (...), eh bien oui, les conséquences économiques et sociales (...) seraient hélas inéluctables." On ne saurait certes mieux poser le problème.
Mais sur la manière dont la gauche se propose de le résoudre en le niant, laissons donc la parole à Molière : "qui se sent morveux qu'il se mouche". (8)⇓
JG Malliarakis
Apostilles
- AFP le 11 janvier 2012 à 16h35⇑
- sur France Info. ⇑
- accéder à sa déclaration complète.⇑
- cf. communiqué officiel du 11 janvier 2012 sur le site du Sénat Contact presse : M’jid le Guerrab 01 42 34 35 16.⇑
- sur France 2 le 12 janvier.⇑
- Le sénateur maire de Dijon, président du groupe sénatorial du PS, s'exprimait sur FRANCE 3 Bourgogne http://bourgogne.france3.fr/info/rebsamen--b-accoyer-imite-les-bruits-du-chien-72000612.html⇑
- sur RTL le 12 janvier.⇑
- "L'Avare" Acte Ier scène III, réponse de La Flèche à son maître Harpagon.⇑
Budgétairement, ça fait longtemps que nous sommes dans l'équivalent d'un état de guerre. Autrefois, on avait recours au déficit budgétaire et à l'emprunt surtout pour financer des guerres. C'est très net dans l'histoire des Etats-Unis depuis leur fondations jusque vers le milieu des années soixante, donc pendant 200 ans. Malgré quelques épisodes de peu de vertu, l'idée (de bon sens) était qu'on devait s'efforcer d'équilibrer le budget, voire de dégager des surplus, dans les périodes normales. A partir du moment où les idées keynesiennes ont connu un ascendant sur les politiques, ces derniers se sont vus encouragés à leur propension à l'irresponsabilité (à l'Etat, nous a-t-on seriné avec hauteur, ne s'appliquent pas du tout les règles que doivent respecter les individus familles ou sociétés), le tout favorisé par la démagogie "démocratique et "républicaine", pour reprendre les termes sacrés (et parfois fumeux) de certaines des citations ci-dessus. Qui oserait s'en offusquer sans paraître hostile à la "justice sociale" ?
Rédigé par : Curmudgeon | lundi 27 fév 2012 à 16:27
L'actuelle majorité prend donc des positions libérales fortes. M. Acoyer ne saurait être une vigie solitaire qui voit à l'horizon la nécessité des réformes ... ; il est tout à fait dans le cockpit gouvernemental, à la barre et aux écoutes avec les autres membres du Palais et de Matignon. Ses propos sont donc une preuve que petit à petit, les idées de M. Thatcher et R. Reagan font leur chemin en France : mieux vaut tard que jamais, mais n'est ce pas un peu tard pour faire passer le message, c'est à dire le faire comprendre et accepter ?
Casser les syndicats : oui, mais aussi les autres " corps intermédiaires " qui ne font pas leur travail : les Chambres des Métiers et les Chambres de Commerce notamment. Egalement et avant toute chose à mon avis facturer enfin (par quinzaine comme en clinique privée) les soins hospitaliers des HPAP au lieu de faire croire de façon imbécile à la g r a t u i t é des soins en hôpital,
libérer le monopole de la Sécu en matière d'assurance maladie en Ière instance,
et mettre en place des régimes de retraite par capitalisation.
Voici effectivement des réformes que ce gouvernement aura manqué de réaliser. Puisqu'il dit pourquoi il n'a pu le faire - certes il le dit tardivement mais il le dit ! - qu'il l'inscrive au programme de l'UMP.
Nous y croirons car on n'efface pas en 5 années plus de 10 années de gaullisme, 14 années d'affairisme, 14 années de gauchisme, puis 14 autres d'immpobilisme ; et aux cris de M. Nolande et de ses affidés, M. Sarkosi n'aura qu'à répondre par cette phrase du président Reagan : " N' attendez pas de l'Etat qu'il résolve vos problêmes, car le problême c'est l'Etat. "
Rédigé par : Hermès | lundi 27 fév 2012 à 23:13
Hermès dit : "des positions libérales"... il entrevoit Thatcher...
La question est de savoir si ce sont des "positions" ou des postures...
Rédigé par : Emile Koch | mardi 28 fév 2012 à 05:14
Vous m'honorez beaucoup cher Emile Koch. Permettez que je vous donne du " cher " puisque nous sommes entre libéraux - n'est ce pas ? - et que je suis sincère. Vous avez tapé dans l'Emile (Pierre Dac). Hermès - dieu des marchands - profite seulement de la possibilité d'écrire ici ses espoirs pour les hommes, sur terre.
Est ce une posture ou pas, that is the question ? Nous n'aurons pas la réponse d'aucun des " candida " et encore moins du candidat Nicolas, plus accaparé à séduire la Fifille à son papa qu'à résoudre la situation désastreuse du pays. Il fera mieux, je l'espère, en recourant plus tard à des remèdes de (Dame) de Fer : je vais voler une copie du film et la lui envoyer ?
Que les hommes fassent sonner leur voix intérieure sachant que toute question bien formulée est entendue Là-haut ; et que si les voies du Seigneur sont impénétrables, Elles sont Le Chemin comme l'explique si joliment Charles Gave, que vous avez cité, dans un opuscule : " Un libéral nommé Jésus ".
Pour le reste, dans cette bataille de polochons-élections, le petit
Nicolas doit s'aligner sur ladite posture-position s'il tient à partir en pole-position. Et aussi à arrêter de marquer la candidate " à la culotte " pour que sa pensée économique grandisse aux yeux libéraux. L'idéal est qu'il adopte le crédo de l'Insolent dont j'espère ne pas trahir ici la pensée : Liberté, Responsabilité, Propriété.
Rédigé par : Hermès | mardi 28 fév 2012 à 22:11