Après un long prologue le rideau de la campagne présidentielle vient de se lever. Au premier acte on s'acharne à la réduire à une folie bipolaire, au-delà même de l'habitude. La constitution de la Cinquième république, les modes de scrutins, les règlements des assemblées comme la paresse mentale des faiseurs d'opinion et commentateurs agréés y concourent.
Telle n'est pas notre interrogation du jour.
On doit observer d'abord combien ce système tend à occulter la situation du pays. Paradoxalement les deux gros partis dominants tendent à nier la réalité dérangeante d'un pays surendetté par son déficit plus que trentenaire.
Du côté sortant on ne préfère pas trop insister sur les chiffres puisque le quinquennat les a laissés s'aggraver. La faute à la crise dit-on, comme si les dettes des États Providence ne causaient pas précisément le trouble de la sphère financière.
Or, en face, l'opposition entend également nier cette évidence, parce qu'elle se propose de ne pas y toucher. Au contraire les 60 propositions du 26 janvier confirment à l'évidence la menace que les choses iraient demain encore plus mal si la gauche l'emportait.
Dès le 3 février, Les Échos pouvaient annoncer une nouvelle évaluation du déficit 2012 de l'État. Le voici prévu désormais à hauteur de 84,9 milliards d'euros. Ce chiffrage allait se trouver inscrit dans le projet de loi de finances rectificative déposé au nom du gouvernement par Valérie Pécresse le 8 février sur le bureau de l'Assemblée nationale. (1)⇓
Voila qui représente un alourdissement de 6,2 milliards, moins de deux mois après la promulgation de la loi de finances en décembre.
Or, la principale révision, par rapport au Budget voté fin 2011, résulte à concurrence de 6,5 milliards, de la signature le 2 février du Traité instituant le MES, mécanisme européen dit de "stabilité". Il va s'agir pour la France d'assurer sa part de dotation en capital, nous dit-on de ce nouvel objet de nos interrogations futures.
Parmi les autres facteurs comptables contribuant, par ailleurs, les uns en plus, les autres en moins, à cette aggravation du déficit, on notera par exemple une évaluation des baisses de recettes prévisionnelles de l'État, estimée à 1,63 milliard. Ceci tient à la moindre croissance, ramenée d'une projection de 1 % à 0,5 % du produit intérieur brut. À l'inverse, le Trésor public encaissera 0,52 milliards supplémentaires du fait de l'attribution des fréquences 4 G de la téléphonie mobile.
Le cas de cette dernière aubaine, et plus encore celui de l'implication de l'État français dans le périlleux dispositif de prêt aux États en difficulté de la Zone Euro, rappellent une question essentielle.
Dans une comptabilité ordinaire, en effet, la participation au MES, comme les concessions de fréquences 4G ne figureraient pas dans un compte d'exploitation, mais dans un compte de bilan.
On peut certes considérer d'emblée que la créance française en capital sur le MES ne sera jamais récupérée, qu'elle ne vaut donc rien et qu'il convient de la déprécier. Dans un tel cas, peut-être affreusement réaliste, il faudrait l'inscrire en provisions. On n'ose pas faire de la sorte, cela équivaudrait à avouer la stérilité du dispositif.
En fait la comptabilité publique persiste à confondre allègrement investissements et dépenses courantes, plus-values de cessions, par hypothèse exceptionnelles et revenus réguliers, etc. Commettant cette erreur pour elle-même on comprend, d'ailleurs, que ses théoriciens fiscalistes cherchent à l'introduire dans la fiscalité de l'épargne.
Ainsi donc, elle n'amortit aucun équipement. Elle ne provisionne aucune créance douteuse. Elle est restée largement incapable d'évaluer le patrimoine cessible de l'État. Elle se contente de tenir un compte d'entrées et de sorties de caisse comme le fait une association de joueurs de pétanque.
Soulignons hélas encore que ceci contredit les ambitions affirmées par la loi organique adoptée en 2001, prétendant précisément corriger ce défaut constant du raisonnement de nos technocrates, de nos politiciens et de nos vaseux communicants. (2)⇓
On vit donc au jour le jour et l'on emprunte pour colmater les brèches.
Jusqu'ici la communication officielle présentait encore la loi de finances, adoptée et promulguée en décembre pour la plus vertueuse depuis 1945. La formule avait été hardiment lancée par le Premier ministre le 5 novembre 2011 à Morzine, deux jours avant l'annonce de son deuxième plan de rigueur.
Depuis sont intervenus les modifications signalées plus haut par rapport aux projections budgétaires.
Cependant, à en croire la même source, le ministère des Finances "assure que le programme d'émission de dettes pour 2012 ne va pas être modifié pour autant".
Compte tenu, en effet, de la prévision de déficit de la loi dite de financement de la sécurité sociale, estimé aux alentours de 25 milliards, et de la maturité de la dette, les émissions de produits du Trésor public français en cette année 2012 sont prévues à hauteur de 178 milliards, et on entend les maintenir à ce niveau grâce aux petites récupérations opérées dans un certain nombre de fonds de tiroir.
Le public doit donc mesurer d'abord ceci : avec des retouches constantes le gouvernement actuel godille autour d'un programme très serré, de retour lent, vers un déficit qu'il cherche à ramener à 3 % du PIB, l’objectif 2012 doit donc demeurer à hauteur de 4,5 %.
Ceci correspond au rythme minimal qu’impose une situation extrêmement préoccupante. Peut-être doit-on le considérer comme trop lent.
Rappelons en effet que le budget de l'État table sur des recettes fiscales nettes de l'ordre de 280 milliards d'euros, et que sur cette masse plus de 50 milliards émigrent vers des collectivités locales qui dépendent de la dotation globale de fonctionnement. Pour le propre besoin de son administration l'État central est donc contraint de recourir à l'emprunt international. À cette Finance abhorrée que Hollande désigne pour son ennemi, on va demander de nous maintenir à flots à concurrence de 180 milliards.
Prétendre cacher aux Français l'existence de ce terrible étau c'est refuser de nommer la maladie qui ronge notre société. Ce mensonge se révélera difficilement compatible avec les grands mots dont se drape notre démocratie.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf.L'Insolent du 16 février.<⇑
- Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.⇑
En réponse au projet fiscaliste de la gauche... [et à certains errements de la droite]
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