Certains penseront peut-être en lisant ce titre qu'en réalité l'intéressé proteste simplement parce les sondages ne l'encouragent guère. Pas si vite !
En février 2011, à l'unanimité le Sénat de la république, encore majoritairement à droite, adoptait une proposition de loi déposée par MM. Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur. Le premier, élu UMP du Val d'Oise s'était joint au second, élu du Loiret, actuel président de la commission des lois. Leur texte était balayé d'un revers de la main par le ministre chargé des Relations avec le parlement M. Patrick Ollier. Il s'agissait de renforcer en fait la loi en vigueur, adoptée en 1977. (1)⇓
Dès cette époque le législateur considérait que « le sondage d’opinion est devenu une donnée fondamentale de la vie politique, et chaque consultation électorale donne l’occasion de multiplier les enquêtes de ce type et de mettre sur pied des opérations-résultats » (2)⇓.
Cette loi, si bien intentionnée, est appliquée avec des moyens essentiellement virtuels. Sur le papier, la Commission des sondages est composée de hauts magistrats, 3 conseillers d’État, 3 juges de la Cour de cassation et 3 magistrats de la Cour des comptes. En 2002 on leur a même adjoint ce qu'on appelle des personnalités qualifiées. Malheureusement, dans la pratique, cette instance éminente, chargée de trancher dans des domaines délicats et compliqués, et d'instruire sur des dossiers fort sensibles, dispose en tout pour tout de deux salariés à plein-temps, de bureaux de 32 m2 et d'un budget annuel de 15 000 euros. Voila au moins un organisme spartiate qui ne plombe pas les finances de l'État et que l'on pourra difficilement faire maigrir.
Or, après quelque 35 ans de bons et loyaux services de ce petit bureau, le conseil d’État, le 25 janvier dernier, examinait le premier recours contre une décision de la commission.
Celle-ci était accusée de partialité par le chef de file du Front de gauche, en raison d'une étude Harris Interactive dont Le Parisien du 6 septembre avait fait son gros titre : « Hollande fait la course en tête. » Le mécontentement du candidat soutenu par le parti communiste tenait à un résultat le ramenant à 3 %, soit à la marge d'erreur près, le score de la camarade Buffet en 2007. Une misère. Et selon l'intéressé, une imposture.
Le 22 septembre la Commission lui avait refusé, contrairement à Loi, d'accéder à la notice méthodologique du sondage, de connaître les critères de la correction par laquelle avaient redressé les résultats bruts, et plus encore de sanctionner Le Parisien et l'institut Harris Interactive.
Quelques jours plus tard, le 5 octobre, et dans une autre affaire jugée par elle la même Commission avait publié la mise au point suivante, courte mais claire :
« La méthode utilisée par l'institut CSA pour établir les intentions de vote publiées a soulevé des interrogations de la part de la commission. Invité à apporter des informations complémentaires, l'institut de sondage a fourni des explications qui n'ont pas paru suffisantes à la commission en ce qui concerne en particulier les « scores » attribués à certains candidats qui s'éloignent significativement de ceux résultant des redressements annoncés comme privilégiés. Dans ces conditions, on estime que les résultats de ce sondage sont dépourvus de caractère significatif. » (3)⇓
Étrangement, dans le dossier Mélenchon le rapporteur du Conseil d'État considérait que l'organisme n'avait rien à se reprocher. On estime ainsi que la décision finale tombera dans quelques semaines et qu'elle se traduira par un rejet de la requête.
Pourtant le rapporteur de la haute juridiction administrative reconnaît que « le sondage litigieux a été publié dans des conditions irrégulières » (...) « N’y figure pas le droit de toute personne à consulter la notice du sondage auprès de la commission » (...) Harris interactive, avait fourni à la commission une notice « comportant d’importantes lacunes » : « Soulignons qu’on n’y trouvait ni le texte intégral des questions posées, ni la proportion des personnes n’ayant pas répondu à chacune des questions, ni les limites d’interprétation des résultats. »
Le directeur du département Politique d'Harris interactive, M. Jean-Daniel Lévy, avait déjà fait l'objet de controverse à propos d'études très favorables à DSK. Sur cette nouvelle mise en cause de ses approximations méthodologiques et de ses redressements éventuellemnt fantaisistes, il n’a pas souhaité réagir.
Benoît Hamon n'avait pas hésité en janvier 2011 à parler de manipulation de l'opinion.
Les instituts de sondages, pour leur part, s'abritent sur le secret industriel supposé protéger leurs méthodes de calculs, par lesquels pourtant un nom avancé par 8 % des sondés peut devenir intention de vote estimée à 16 %.
Peu nous importe ici le score effectivement prévisible du candidat Mélenchon que nous ne souhaitons certes pas très élevé : nous aimerions simplement comprendre comment on fabrique les favoris.
JG Malliarakis
Apostilles
- loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion – modifiée par la loi n° 2002-214 du 19 février 2002 ⇑
- cf. Rapport Lauriol n° 2995 de juin 1977.⇑
- cf. 20 Minutes du 5 octobre il s'agissait du sondage CSA du 5 janvier publié par BFM-TV, RMC et 20 minutes. Il plaçait une candidate en tête à 16 % alors que seulement 8 % des personnes interrogées avaient effectivement cité son nom.⇑
En réponse au projet fiscaliste de la gauche... [et à certains errements de la droite]
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