On doit évidemment situer dans son contexte l'annonce opérée ce 24 août par le premier ministre Fillon d'un petit programme présenté, de manière tant soit peu solennelle, pour un plan antidéficit.
Essentiellement en effet les dirigeants parisiens voudraient éviter à l'Agence France Trésor la perte pour ses produits financiers de la fameuse note AAA. Grâce à elle ils peuvent continuer, pour quelque temps encore, d'emprunter à l'Étranger quelque 70 % du solde déficitaire annuel des comptes publics. Urgence donc, au lendemain de la dégradation de la note américaine, de montrer que l'on faisait quelque chose.
On peut certes se demander comment les destinataires internationaux de ce message ont ressenti, l'un après l'autre, les démentis et contestations relatifs aux rallonges d'impôts. Car au bout du compte, après la semaine de réflexion accordée par le chef de l'État et le chef du gouvernement à M. Baroin et Mme Pécresse, assistés bien évidemment de leur omniscients conseillers du quai de Bercy, il ne n'agissait que de cela, à une hauteur estimative de 11 milliards.
Mais on devrait, d'abord, s'interroger sur le rôle que joue M. Gilles Carrez dans ce processus.
Rapporteur général de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, ce député du Val-de-Marne, maire du Perreux, indique pour sa profession celle, un peu vague, de "fonctionnaire en disponibilité". Représentant en principe élu du peuple, il s'est plusieurs fois signalé par la rapidité de son alignement sur les positions, doctrines et contorsions de l'administration des Finances.
Or il exprime aujourd'hui une théorie extrêmement dangereuse. On assure en effet, mais nous avons du mal à le croire, qu'il considérerait comme "plus possible de réduire les dépenses publiques de l’État". (1)⇓
Le plus maladroit des arithméticiens comprendra qu'une telle affirmation, rapprochée de l'impossibilité non moins évidente, maintes fois avancée, d'une hausse des taux d'impositions, dès lors qu'elle se trouve combinée avec une stagnation et même un recul de la matière imposable et surtaxée ne saurait conduire qu'à une aggravation des déficits.
On peut aussi se demander ce qu'il adviendra de la fiscalité immobilière le jour où elle provoquera l'effondrement du marché et un blocage des transactions.
À vrai dire, l'évolution des prévisions le confirme : pour l'exercice 2011, on évalue dès maintenant à 95 milliards l'impasse des budgets publics. La dette s'alourdit chaque année de tels énormes montants. Par quel miracle de myopie les agences de notation ne s'en rendraient-elles pas compte et ne sanctionneraient-elles pas l'incapacité affirmée par M. Carrez d'en résorber la cause essentielle, c'est-à-dire les gaspillages ?
Notons à ce sujet qu'une loi de 1936 (2)⇓, assurément liberticide, incorporée au code pénal prévoyait des peines extrêmement rigoureuses à l'encontre des atteintes au crédit de la nation. Quiconque professerait que ce pays ne peut pas mettre un terme aux dépenses inconsidérées de ceux qui l'administrent, diffusant ainsi une "fausse information", pourrait donc se mettre dans ce cas. Bigre.
Heureusement pour la liberté d'expression, la question ne sera pas posée pour un personnage bénéficiant de l'immunité parlementaire.
Il convient cependant de flétrir le message désespérant qui se trouve propagé.
Car ceux qui énoncent un postulat d'incompressibilité des dépenses commettent une erreur civique fondamentale.
Au contraire, et pour citer seulement un exemple, M. Yves Cannac et l'Institut de l'Entreprise, démontrent la proposition inverse : "Oui, diminuer la dépense publique est possible."
Bien plus le 23 août (3)⇓ le secrétaire général de l'UMP, parti auquel M. Carrez est censé appartenir, M. Jean-François Copé marquait bien pour sa doctrine sa préférence pour les réductions de dépenses. Connaissant probablement les décisions qui allaient être annoncées le lendemain, le chef du parti majoritaire n'écartait pas alors certaines sur-taxations des plus hauts revenus mais il se prononçait avant tout pour les coupes budgétaires.
"Pour 2012, je soutiens certes une démarche d'accroissement des recettes, balançait-il prudemment, mais je pense comme une très grande majorité des Français qu'il faut aussi baisser fortement les dépenses". Il faut, affirmait-il "agir sur les 1 000 milliards d'euros de dépenses publiques."
L'UMP ne peut pas aborder les campagnes électorales à venir avec deux discours aussi contradictoires.
La droite doit choisir entre le discours de la complicité avec les socialistes, que tient M. Carrez, et le vote des cochons de payants dont elle sollicite les suffrages.
Ou alors qu'elle ne s'étonne pas si, en nombre considérable, ses électeurs s'orientent vers d'autres candidats, vers la pêche à la ligne ou vers le vote blanc.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. site Finance Économie au 29 août.⇑
- ce texte du 18 août 1936, inclus dans le nouveau code pénal sous l'article 410-1, assimile abusivement cette atteinte à de la trahison.⇑
- cf. texte publié par Les Échos.⇑
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… le livre d'Adolphe Thiers "De la propriété du communisme du socialisme et de l'impôt" vous intéressera certainement aussi. Adolphe Thiers (1797-1877) a mauvaise presse à gauche. Raison de plus pour s'y intéresser. Ce livre nous le montre sous un autre jour que la celui de la vulgate marxiste. Historien plus encore que juriste et journaliste, il avait publié successivement, de 1823 à 1827 une immense Histoire de la Révolution, puis, de 1845 à 1862, une Histoire du Consulat et de l'Empire, au total 25 volumes. Dès 1833, il est élu à l'Académie française, en hommage à ces travaux. Très en avance sur les historiens de son temps, il y soulignait en effet l'importance des faits économiques. En 1848, il est un des chefs du parti de l'ordre qui constate les dégâts des révolutionnaires quarante-huitards et s'oppose aux utopies socialistes et communistes. C'est à ce titre, et à ce moment de l'histoire, sous la Deuxième république, qu'il publia, en 1848, cet essai sur le Droit de propriété. Or, celle-ci, fondement de l'ordre social, de la prospérité comme des libertés, aujourd'hui comme hier, est attaquée par les idées de gauche. Mais elle est également rongée par l'impôt. Doit-on tenir un tel débat pour inactuel ?
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Il ne faut pas augmenter les impôts, il faut les baisser afin de redonner de la compétitivité et du pouvoir d'achat au pays.
Pour cela il faut évidemment réduire les dépenses. Pas en grignotant ici et là quelques sous, mais en repensant les missions de l'État. Des secteurs entiers peuvent être privatisés (éducation, assurance santé, retraite...). Il y a vraiment des gisements énormes d'économie. Nos élites finiront bien par y venir, sous la pression des réalités économiques.
Rédigé par : Jacques Peter | mardi 06 sep 2011 à 20:06
La dépense publique ne pouvant qu'augmenter, il faut, indéfiniment,augmenter soit l"impôt, soit l'emprunt, soit les deux.
Nota bene : l'Ancien Régime n'a pas été renversé, il a fait faillite.
Rédigé par : Pirée | mardi 06 sep 2011 à 20:22
En ces temps de réajustements sérieux sur les places financières occidentales, on peut supposer que les investisseurs internationaux n'auront pas prêté beaucoup d'attention au plan dit " antidéficit " du gouvernement français.
Les investisseurs, sont des gens sérieux : soit des " épargnants " que des gérants de fortune conseillent de mieux en mieux, soit des établissements financiers, des fonds de pension pour lesquels, avec ou sans 3AAA, le sort de l'investissement en France est réglé depuis longtemps, et pour un "certain" temps.
Actuellement les investisseurs doivent être essentiellement attentifs aux chances de soutien - par les Allemands - du refinancement des dettes publiques grecques. Et en attendant, ils continuent de se désengager des places européennes, pour aller vers l'or, la Suisse, l'Asie du Sud Est ... ces choses là se font sur le long terme et les mouvements ont commencé il y a longtemps ; ces transferts d'investissements nous ont été cachés par les médiats-menteurs, et ils apparaissent maintenant au grand jour ... du fait de la dramatisation orchestrée durant l'été depuis les EUA.
Nous, sur le plan intérieur, nous avons effectivement droit à ce théâtre d'ombres, ou de Guignol, où les protagonistes se donnent la main les uns aux autres : membres fallots d'un gouvernement insipide, hauts fonctionnaires de Bercy ou de la Cour des comptes, chefs syndicalistes, et quelques dirigeants de grandes entreprises, alliés dans les mêmes intérêts corporatistes.
L'unique préoccupation de ces gens n'est elle pas de se distribuer les rôles (Carrez parle, Coppé se tait ...) pour préparer " Guignol " aux coups à venir :
les " cochons de payants " finiront ébouillantés puis dépecés par le social-fiscalisme que vous dénoncez depuis longtemps ; actuellement on en est aux mesures d'endormissement. C'est vraisemblablement ce qui va se passer, sauf pour ceux qui ont déjà voté ... avec leurs pieds !
La manipulation médiatico-politique est totale, sauf depuis longtemps pour les les lecteurs des Bulletins de l'Insolent ...
Rédigé par : Hermès | mardi 06 sep 2011 à 20:41
Troublé par votre Bulletin, et suite à mon premier commentaire, j'ai recherché des informations dans l'édition électronique du N-Y Times ( journal que vous nous aviez signalé ici ).
J'ai trouvé un fort intéressant article sur les difficultés de l'Europe, ou plutôt son échec, depuis Maastricht - à se doter de la structure centrale, comparable à celle du Secrétariat d'Etat américain au Trésor.
Je le signale ici, tellement il m'apparait ouvrir une perspective au destin de l'Europe qui pourrait se préparer, voir se jouer, en ce moment ;
Le titre de cet article m'a d'abord conduit à imaginer que la règle d'or qui se met en place dans les pays européens ( sauf en G.B . ? ) pourrait être d'inspiration nord américaine ; par ailleurs je crois savoir qu'aux EAU les états ne jouissent pas de l'autonomie budgétaire.
Voici le lien de cet article :
http://www.nytimes.com/2011/09/06/business/global/reluctantly-europe-inches-closer-to-a-fiscal-union.html?pagewanted=2&ref=business
et quelques extraits assez sidérants, car sa teneur va bien au delà du titre :
As leaders in Europe try to contain a deepening financial crisis, they are also increasingly talking about making FUNDAMENTAL CHANGES to the way their 17-nation economic union works.
The idea is to create a CENTRAL FINANCIAL AUTHORITY — with powers in areas like taxation, bond issuance and budget approval — that could eventually turn the euro zone into something resembling a UNITED STATES OF EUROPE.
Recently, for instance, when an official from a European central bank met with a financial official in Washington, his host brandished the Articles of Confederation, the 1781 precursor to the United States Constitution, to use as an example of why stronger unions become necessary.
The lack of strong central coordination of the euro zone’s debt and spending policies is a crucial reason Europe has been unable to resolve its financial crisis despite more than 18 months of effort.
À propos de la crise qrecque :
If they had the equivalent of the U.S. Treasury, then this treasury could have formulated proposals with the collective objective in mind, rather than 17 national objectives competing with each other,” said Garry J. Schinasi, a former official with the
International Monetary Fund who now privately advises European central banks and governments.
“Instead, they fumbled around and took two baby steps forward and three backward.”
Washington et le FMI tentent donc de faire comprendre aux chefs d'états européens qu'ils ne devraient plus jouer seuls dans la cour … mais ensemble, tout en faisant par ailleurs pression sur les peuples européens par les critiques de Mme Lagarde sur les banques européennes … qui seraient insuffisamment capitalisées : technique de culpabilisation des peuples ! Chacun son rôle.
Encore une fois, l'Allemagne est incontournable et les EUA aurait réussi à faire plancher A Merkel sur le sujet puisque le Conseil Constitutionnel allemand travaille en ce moment sur l'éventuelle soumission des finances du pays à une autorité supérieure européenne :
This week, more challenges await.
The top court in Germany is scheduled to rule Wednesday on whether it is legal for that country’s leaders to make such an agreement.
While it is expected to allow Germany to participate in the bailout, the constitutional court could surprise the experts.
Selon le NYT c'est dans cette perspective que s'inscrivent les propositions de A. Merkel et N. Sarkosy visant à mettre en place des règles constitutionnelles de réduction des déficits et de création d'une taxe sur les transactions financières ; tout en évitant - pour des raisons électorales allemandes – de parler d'harmonisation fiscale.
Il y a donc là aussi un discours officiel en Europe, et une réalité caché qui va bien au delà : n'est ce pas là aussi une manipulation ?
Pas de doute en effet : on nous ferait avaler la mise en place d'une structure européenne de contrôle, futur European Treaseur : l'article continue en évoquant la mise en place d'une Commission de contrôle des budgets nationaux européens :
The euro zone is also moving to increase oversight of countries’ budget plans earlier in the process and to give the European Commission greater power to propose financial penalties on countries that violate the rules, unless blocked by a large majority of members.
Ce serait ainsi la marche vers une UNION POLITIQUE européennne qui serait entreprise :
If and when that happens, said Graham Bishop, an independent financial analyst who has advised the British and European Parliaments, it “would be the moment of collective control of an errant state — the final step toward a de facto political union.”
Cette solution serait donc envisagée par les EUA pour l'Europe et la France ... Où est la démocratie là dedans ?
Vous me direz : où est la démocratie avec un état hypertrophié et un déficit de 95 MDS EUR et ... un trou de la Sécu encore plus important ?
Force est de constater que ce scénario est expliqué aux Américains par le N-Y T, alors qu'il est " joué " ici sans que ni les médiats et encore moins les politiciens, élus ou nommés, expliquent aux peuples ce dont il s'agit !
Actuellement on ne parle - en France - que de mesures anti déficits, de sous capitalisation des banques...
Cette vue depuis les EUA oublie simplement – à mon avis - qu'il leur fallut une guerre intérieure pour réaliser cela.
Que penser de tout cela ? Je laisse à J G Malliarakis, s'il le veut bien, le soin d'en tirer une conclusion(s) plus éclairée que la mienne : peut être cher ami dans un prochain Bulletin de l'Insolent ?
J'ai été un peu long et j'espère que j'en suis pardonné.
Petite réponse
Vous êtes pardonné... jusqu'à soixante dix fois sept fois.
Rédigé par : hermès | mardi 06 sep 2011 à 21:45