Pourquoi la campagne sur la faim en Afrique orientale nous laisse-t-elle à ce point mal à l'aise ? Pourquoi ça ne marche pas ? Dans mon enfance les dames de bonne compagnie nous culpabilisaient gentiment avec les nombreux et pauvres petits Chinois qui eussent si fortement désiré tout ce qui nous semblait un objet de complainte. Commodes, les petits Chinois : nous n'en connaissions aucun.
Aujourd'hui nous fréquentons encore moins les clans protagonistes de la guerre civile islamique en Somalie. Notre documentation se borne à quelques images effectivement pathétiques. Elles coupent autant l'appétit que les pubs pour les boissons gazeuses et les fromages artificiels qui jouxtent le journal télévisé. Il faut faire, nous assène-t-on, quelque chose : nous ne savons pas quoi, donc nous allons nous fier aux hommes de l'État. On se souvient des sacs de riz de Bernard Kouchner débarquant à Mogadiscio décembre 1992. On va faire mieux encore, plus, et probablement plus cher.
Précisément nos généreux hommes politiques ne restent jamais les bras croisés. Tenez Chirac. Avant de quitter définitivement la vie politique, en décembre 2005, il était parvenu à faire voter un petit impôt. Un de plus direz-vous. Il restera dans l'histoire sous le nom de Taxe Chirac. Parmi ses particularités, on remarquera qu'il a reçu l'appui des parlementaires socialistes. M. Henri Emmanuelli, ce modèle de rigueur militante et trésorière, s'en félicitait encore ce 12 juillet dans un rapport de 186 pages (1)⇓.
Autre novation remarquable : cette Taxe sur les billets d'avions est conçue pour financer des dépenses mondiales. Certains renâclent à l'idée de percevoir des recettes budgétaires à l'échelon de l'Union européenne. Ils me font penser à un apophtegme de Louis-Ferdinand Céline trop grossier pour pouvoir être reproduit dans cette élégante chronique. Bref, nos amis doivent savoir que la présidence Chirac et le gouvernement Villepin avaient conçu un petit impôt au profit des Nations Unies. Enfin : en théorie.
D'abord parce que le principal contributeur de cette fiscalité mondialiste n'est autre que la république française. Nous ne sommes plus dans Céline, nous nous retrouvons dans le plan de Constantine de 1959, point d'orgue de l'Algérie française, quand De Gaulle concluait son discours par son magnifique "comme c'est grand, comme c'est généreux, la France." Âgé alors de 15 ans, j'y ai sérieusement cru. Vers l'âge de 18 ans, en 1962, j'ai dû déchanter. La république, de ce jour, m'a semblé moins grande, et moins généreuse que la patrie de saint Louis.
Mais une autre caractéristique mérite d'être soulignée. On passe ainsi à un autre registre, non moins talentueux, quoique plus populaire, et quelque peu oublié : celui de Fernand Raynaud et de ses "galas au profit des organisateurs de galas". Ici le sujet invoqué est plus noble : il s'agit d'acheter des médicaments à la tonne à l'industrie pharmaceutique pour soigner d'affreuses maladies. Comment refuser son obole ?
On rechignera d'autant moins que l'ordonnateur du système s'appelle Douste-Blazy. Une garantie de sérieux, de compétence, de probité, pour sûr. Vous vous souvenez quand même. Arraché à l'affection successive des électeurs de Lourdes, des contribuables de Toulouse et des hôteliers de Marrakech, après avoir été ministre des Affaires étrangères du gouvernement Villepin (2005-2007) cet humaniste s'est engouffré dans une indiscutable succursale du dispositif des Nations unies, qui s'appelle Unitaid. Cette organisation "a pour mission de contribuer à l'extension de l'accès au traitement pour le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose, essentiellement pour les populations des pays à faible revenu, en obtenant une baisse des prix de produits diagnostiques et médicaments de qualité et en accélérant le rythme de leur mise à disposition" (2)⇓.
Il faut vraiment toute la mauvaise foi socialiste de la Commission des Finances et de la Cour des comptes, tout le parti pris d'un Didier Migaud ou d'un Henri Emmanuelli pour publier des rapports ronchonnant contre l'opacité financière de l'organisme. Quand on aime on ne compte pas.
Et d'ailleurs qu'importe l'opinion du vulgaire ? Que chaud à nos élites le mécontentement, il suffira de le disqualifier en l'appelant "populiste" ? Avec Unitaid et la taxe Chirac on est entré en 2005 dans l'ère des financements innovants. Cela veut dire qu'on ne se rend pas compte de comment ça sort de nos poches, et qu'on ne se préoccupe donc guère de là où ça va. Plus indolore encore que l'impôt prélevé à la source, enfoncées les cotisations sociales précomptées par l'employeur, tous les records de l'usine à gaz comptable sont battus. Invisible, furtive, ignorée du public, il s'agit d’une taxation automatiquement générée par les clics sur vos réservations par carte bleue. Et tout ça va gentiment dans la poche de qui ? quelle importance n'est-ce pas ? Payez nous ferons le reste.
Merci Chirac, merci Douste-Blazy, merci Villepin, merci au groupe parlementaire socialiste qui les a gentiment soutenus. J'oubliais de dire aussi : merci Bill Clinton. Car il "communique" dans le monde, au nom du système, bien plus que le discret, le fragile, le sensible Douste, si modeste, si humble. Mais l'ancien président américain parade avec l'argent du contribuable, pardon du voyageur aérien, français, sud-coréen, chypriote, malgache, et de quelques pays-poires qui ont accepté le dispositif inventé à Paris, encaissé ailleurs, on ne sait où. Les États-Unis, de leur côté, ne semblent pas assez fous pour entrer dans le jeu.
JG Malliarakis
Apostilles
- Rapport d'information de l'Assemblée nationale N° 3645 sur la Taxe sur les billets d'avions et l'utilisation de ses recettes⇑
- cf. la page d'accueil de son site internet.⇑
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