Depuis le début de la crise grecque on a entendu, lu et, parfois, gobé un nombre considérable d'absurdités, de lieux communs et de mensonges routiniers. Cette affaire ayant très vite pris la dimension d'un psychodrame monétaire et politique européen, elle a aussi permis toutes sortes de récupérations et de mauvaises démarches. Celles-ci ne se sont pas seulement dirigé contre les institutions, encore fragiles et plus que perfectibles de l'Union européenne. Elles ne se sont pas contentées de critiquer les mécanismes et les faux calculs de la monnaie unique adoptée par 16 États-Membres sur 27. Elles ont également été portées contre le principe même d'une convergence des nations de notre continent.
Répondre à tout cela nécessitait que l'on clarifiât les points de vue, et que les choses se décantassent. Le contraire par conséquent de la bouillie médiatique ordinaire. Ajoutons de plus, en ce qui concerne le rédacteur de L'Insolent, qu'il a conscience de s'adresser à des lecteurs en général moins curieux de l'actualité athénienne objective (1).
Georges Papaconstantinou, ministre grec des Finances prenait la parole à le 24 mai à Paris. Invité par la Maison de l'Europe, il évoquait la crise économique consécutive au délabrement des finances publiques.
Cet économiste de 48 ans, issu de la London School of Economics, se trouve aujourd'hui au cœur des débats agités quotidiennement par l'incertitude des marchés financiers. Sur sa politique budgétaire, et, bien sûr aussi, sur l'acceptation de la rigueur par la majorité du peuple, repose le retour de son pays aux équilibres arithmétiques exigés par les traités.
Les journalistes auraient donc pu, ils auraient même dû s'intéresser à sa conférence. Dans cette salle comble, quelques-uns y assistaient. Une rédactrice de "L'Express" intervint sans doute pour demander qu'on lui répète ce qui avait dit, ce que tout le monde sauf elle avait compris. Non le gouvernement d'Athènes n'envisage ni de faire faillite, ni de quitter la zone euro, ni de renégocier structurellement sa dette. Un collaborateur des "Échos" posa même une question, singulièrement absurde et déplacée à propos de l'Église orthodoxe, comme si le parti socialiste grec, pouvait être suspecté de cléricalisme (2). Manifestement ils n'y ont trouvé aucun détail croustillant susceptible d'attiser le dénigrement, de provoquer la panique ou de régler des comptes obscurs sur la scène politicienne parisienne. Par conséquent silence radio.
Cette défaillance de nos structures d'information nous semble dommageable. Essayons de la corriger.
Les chiffres très simples soulignent la carence de l'administration précédente, pour ne pas dire son incurie. Le parlement avait voté en 2008, sur le papier, un budget 2009 en déficit de 2 % de son PIB. On s'est retrouvé à l'automne 2009, lors de l'arrivée au pouvoir de la nouvelle équipe, en grande partie du fait de la crise mondiale, à une nouvelle évaluation autour de 13 % qui s'est révélée supérieure à 15 % au printemps 2010. Entre-temps les négociations avaient commencé pour faire face à des échéances qui ont nécessité des emprunts de 110 milliards en 2010, et encore de 50 milliards en 2011, en cours de mise en place. Situation préoccupante mais beaucoup moins affolante qu'on cherche à le faire croire. Le déficit a été diminué de moitié et le retour à la normale est en route. Après deux années de récession, la conjoncture redevient moins défavorable, les exportations repartent à la hausse, etc. On peut estimer très raisonnablement qu'en 2012 et 2013, après 3 ou 4 années de désarroi cette crise appartiendra au passé. Cet État, si l'on suit les propos de son ministre entend rembourser ses dettes. Pas sûr que les gens qui font mine de trembler pour ce pays ne doivent alors faire face à des remises en cause beaucoup plus lourdes de conséquences ailleurs.
Considérons dès lors le propos du principal acteur de cette politique financière et budgétaire. S'excusant à l'avance, de son usage de la langue française, dans laquelle il prononçait pour la première fois une conférence, il s'exprima en fait de manière parfaite (3). On aimerait que les radioteurs parisiens s'y emploient aussi bien. Cependant, on doit se demander hélas s'il n'aurait pas mieux fait, s'il n'eût pas été pris plus au sérieux à Paris en parlant anglais.
Sur le fond de son propos, certes, s'agissant d'un social-démocrate, son rapport à la libre entreprise et à une fiscalité moins lourde sur le papier, plus efficiente et mieux administrée dans la pratique, ne pouvait donner entière satisfaction. À ma grande surprise lorsque furent évoqués les atouts du pays, l'activité maritime ne fut même pas mentionnée. Tout cela cependant ne relève pas du sujet du jour : la question essentielle porte sur le lien entre rigueur et réforme. Oui l'obligation impérieuse de recourir à des privatisations à hauteur de 50 milliards d'euros, afin de payer la rançon de la dette, rend un immense service à l'État et au pays, pour le long et le moyen terme. Oui les coupes sombres dans les gaspillages, oui les efforts très durs, de réduction des salaires dans le secteur public, de diminution de pensions pourtant fort modestes, permettra à la nation de rebondir, de concentrer son budget sur les tâches régaliennes, et de reprendre la courbe des progrès considérables accomplis dans les 20 dernières années.
Car la question essentielle se trouve dans le bilan finalement très positif, à 30 ans de distance, de la Grèce européenne. L'État, les administrations, les bureaux, le secteur public, l'éducation nationale, comme on pouvait s'y attendre ont suivi ce courant moins vite que les forces vives du pays. Ne doutons pas que la crise actuelle serve de tremplin pour leur mise à niveau, pour la liquidation du clientélisme et du misérabilisme, et pour une nouvelle marche en avant.
Naturellement la presse parisienne et hexagonale, gauchisante, ignorante et prompte à toutes les démagogies, va donner la parole et faire écho aux protestations de toutes sortes. Dans d'autres pays, dans d'autres journaux exprimant d'autres formes de vulgarité, on entendra d'autres sons de cloches négatifs. Les Grecs intelligents savent en général à quoi s'attendre, depuis 1204, de la part des maîtres de l'opinion en Europe occidentale. Devant choisir entre une voix difficile et une voie catastrophique ce ministre explique clairement que son gouvernement, et les forces saines du pays, s'orientent irrévocablement vers le redressement.
JG Malliarakis
Apostilles
- Rappelons qu'on peut, qu'on pourrait, et que tous ceux qui écrivent sur le sujet, devraient s'informer sur celle-ci correctement. On peut, pour commencer, suivre le bulletin quotidien en français de l'agence Athens News Agency et en lisant ce qui me semble le meilleur journal grec "Kathimerini", de centre droit. Celui-ci diffuse une édition en langue anglaise. Le site français "Info Grèce""Ellinikes grammes" et une édition en langue anglaise "The national conservative newspaper. . Inutile de se disperser à consulter ce que disent les communistes locaux : il suffit d'écouter en France M. Mélanchon.
- soulignons que depuis l'accession au gouvernement du "PASOK" en 1981, d'importantes réformes laïques ont été accomplies. Simplement à la différence des radicaux-socialistes français, la gauche grecque n'a jamais prétendu toucher aux convictions religieuses de la nation.
- Je me suis employé à noter les difficultés qu'il a pu rencontrer. Au cours des 30 minutes de son exposé, sans notes, puis de 45 minutes débats, il n'a buté que sur le sigle "ADN", qu'il utilise à l'anglaise, soit "DNA", et sur les "tax heavens" dont il cherchait l'équivalent français de "paradis fiscaux".
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