Depuis 1953, date de son admission bien méritée en enfer Joseph Vissarionovitch Djougachvili a connu diverses tentatives sournoises de réhabilitation. On n'en finit certes pas de restaliniser la Mémoire. La prétendue "déstalinisation" de Khrouchtchev s'était révélée elle-même une vaste farce. Dès 1956, l'année précise où le fameux rapport secret était divulgué, les chars communistes écrasaient dans le sang le peuple de Budapest et renversaient le gouvernement hongrois coupable de vouloir un "socialisme à visage humain".
L'exemple de la "Direction principale des camps de travail correctifs" incarne à lui seul le destin du régime soviétique. Plus connue sous son sigle de "Goulag", cette organisation a commencé son œuvre de mort sous l'égide du NKVD en 1923. Elle n'a été dissoute, en tant qu'administration officielle, qu'en 1960. Mais, de toute évidence, "l'archipel" a survécu. Ses pratiques ont persisté jusqu'à la fin de l'URSS. Elles se sont manifestées sous des formes renouvelées, et impunies, dans leur sadisme comme dans leur hypocrisie, prenant notamment la forme de l'internement psychiatrique.
On doit dès lors considérer le phénomène du "stalinisme" en tant que système de gouvernement bureaucratique dictatorial. Cet aspect doit être compris, de la sorte, plutôt comme la cause ayant engendré "Staline" que comme la conséquence de ses traits de caractères. Que les médecins du Kremlin en aient décelé, vers 1951, la nature effectivement paranoïaque provoqua certes la dénonciation par l'intéressé d'un prétendu "complot des blouses blanches". Celui que Boris Souvarine désignait comme "un Caligula au Kremlin" (1) lancera dès lors son ultime campagne éponyme, dont les relents "anti-cosmopolites" entachèrent un peu plus le souvenir de leur inspirateur. Mais, là aussi, après la mort du tyran tout cela perdura, à de nombreux égards, pendant les quelque 40 années où l'empire du soviétisme continua son horrible existence.
Mais contrairement aux criminels ordinaires, on ne chercha guère à en débusquer les complices, à en comprendre les antécédents ou à en déjouer les éventuelles récidives. Au contraire, on s'est évertué à minimiser, à relativiser, et, en définitive, à réhabiliter le secrétaire général du parti en place de 1922 à 1953.
L'une des grandes questions porte sur sa relation avec Hitler et particulièrement sur la nature du pacte signé le 23 août 1939 qui déclencha la guerre mondiale. Si l'on suit la logique et la chronologie, de toute évidence, Staline l'a voulu, et il l'a décidé pour des raisons qui ne tiennent pas à une quelconque et grandiose "stratégie", mais au nom de sa volonté d'abattre l'empire anglo-saxon, en s'appuyant sur des citations non équivoques de Lénine, et en n'hésitant pas à invoquer les convergences des deux régimes.
Toutes les tentatives de prétendre que son intention ultime se serait traduite par une guerre qu'il aurait préparée, etc. se trouvent démenties par l'état d'impréparation de l'Armée soviétique, et par la prostration du "chef génial" pendant les premiers jours, lorsque sans prévenir l'Allemagne hitlérienne rompit traîtreusement le pacte. Ainsi la thèse dite du "brise-glace" propagée par un ancien officier du GRU soviétique du nom de Rezun, publié sous le pseudonyme de "Souvorov" (2) tente-t-elle de rassurer les staliniens, tout en faisant paradoxalement plaisir aux admirateurs de son éphémère allié, puisqu'elle tend à justifier son retournement. Elle ne résiste pas à l'examen: de façon pertinente Gabriel Gorodetsky (3) évoque certains des arguments majeurs qui prouvent que Staline tenait et croyait à cette alliance. Si l'on peut faire une critique à cet auteur, on remarquera que, comme tant d'autres, il se plaît explicitement à évacuer la dimension communiste des motivations du pouvoir moscovite.
"Depuis ses origines, écrit-il, la politique étrangère soviétique, est marquée par un recul progressif mais constant d'une position d'hostilité inébranlable aux régimes capitalistes vers une coexistence pacifique fondée sur l'opportunité réciproque". (4)
Erreur absolue, bien évidemment, mais tellement répandue ! Elle explique les aveuglements successifs de tous les négociateurs : radicaux-socialistes français comme Herriot, nazis comme Ribbentrop, puis occidentaux.
Que Staline se soit comporté toute sa vie comme un communiste fanatique ne semble ni douteux, ni contradictoire avec le constat de ses multiples erreurs de jugement. Celles-ci coûtèrent très cher au peuple russe. Au point que ce pays ne s'en est pas encore relevé. Quant au nôtre, il ne paraît pas complètement guéri non plus de son admiration pour ce régime abominable, dévastateur et sanglant, ni de son indulgence pour tous ses partisans.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. "Est et Ouest" supplément au BEIPI n°98 novembre 1953
- "Le Brise-Glace" de Victor Suvorov (Orban, 1989)
- "Le grand jeu de dupes" Staline et l'invasion allemande de Gabriel Gorodetsky ed. américaine titre original "Grand Delusion, Stalin and the German Invasion of Russia" 1999, ed.française 2000 (Les Belles Lettres) disponible en Tempus N°387, 2011
- "Le grand jeu de dupes" page 21. Traduction Isabelle Rozenbaum.
Sous ce titre paraîtra un ouvrage de l'auteur de ces lignes retraçant le contexte de la politique soviétique pendant toute l'entre deux guerres. Il comprend en annexe, et expliquant, plus de 80 documents diplomatiques, caractéristiques de cette alliance. Il sera en vente à partir du 15 mai au prix de 29 euros. Les lecteurs de L'Insolent peuvent y souscrire jusqu'au 30 avril au prix de 20 euros, soit en passant par la page spéciale sur le site des Éditions du Trident, soit en adressant directement un chèque de 20 euros aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris. Tel 06 72 87 31 59.
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On peut lire dans WIKIPEDIA :
-"Vadim Erlikam a détaillé les pertes soviétiques qui s'élèvent à plus de 26,5 millions. Les pertes militaires de 10,6 millions incluent les 7,6 millions de tués ou disparus, les 2,6 millions de prisonniers de guerre et les 400 000 partisans morts. Les pertes civiles atteignent un total de 15,9 millions. Ce chiffre inclut 1,5 million de morts liées aux combats, 7,1 millions liées à la politique brutale et aux représailles allemandes, 1,8 million déportés en Allemagne pour le travail forcé et 5,5 millions de morts liées à la faim ou aux maladies. La Biélorussie perd par exemple un quart de ses habitants. Le total de 26,5 millions n'inclut pas les famines de 1946-1947 et les victimes des répressions soviétiques. … »
Bref : la prétendue Grande Victoire du « Génial Stratège » du Kremlin a été obtenue au prix de la moitié du total des pertes de la guerre…
Staline utilisait sa population comme du bétail, un pur et simple carburant qu’il jetait à grandes pelletées et sans le moindre scrupule dans la machine de guerre… Exactement comme du charbon dans une locomotive…
C’est uniquement grâce à la certitude d’avoir encore et toujours plus de ses propres concitoyens à faire tuer, infiniment plus que son adversaire, que Staline (et en corolaire ses alliés) ont gagné la Seconde Guerre Mondiale…
L’absence totale de réelle stratégie autre que celle-là, la nullité intellectuelle absolue de l’encadrement communiste, tant politique que militaire, n’ont put être compensées que par ces quantité innombrables de chair à canon lancées avec une cruauté impitoyable pour étouffer les allemands sous la masse, faute de réelle capacité stratégiques…
Staline et ses sbires n’étaient qu’une bande de brutes épaisses, etc. etc. …
Rédigé par : williamson | mardi 12 avr 2011 à 10:25
Et l'arrogance imbécile du racisme anti-slave des allemands a offert un boulevard à Staline pour sa guerre "patriotique".
Rédigé par : Tonton Cristobal | mercredi 13 avr 2011 à 15:10