Inventeur du premier IGF en 1982, lorsqu'il faisait office de ministre du Budget dans le gouvernement Mauroy, le camarade Fabius défend naturellement son bébé. Certes l'enfant a été rebaptisé sous Rocard "impôt de solidarité sur la Fortune". Mais, au fond, depuis son âge tendre, il n'a guère changé. On s'inquiétait donc passablement en début de semaine, au parti socialiste, à propos de l'hypothèse d'une renonciation de la république à une si belle invention. Jacobins sans guillotine, ils se félicitent sans doute de cette usine à fabriquer des émigrés fiscaux.
Le 1er mars, l'ex-ministre de Mitterrand mettait en garde l'opinion (1). À l'entendre, confondant le pays et l'État, la France n'était "pas dans une situation financière lui permettant de perdre 4,5 milliards de ressources".
En effet, les jours précédents, François Baroin porte-parole du gouvernement laissait encore entendre, sur France 2, que l'on s'acheminait vers une transformation ou une suppression de l'ISF, les deux hypothèses étant supposées compenser la fin du bouclier fiscal.
"Nous sommes dans une situation financière qui est calamiteuse, proclamait le Fabius, avec près de 2 000 milliards d'euros de dette, un déficit qui, contrairement à ce qui dit le gouvernement, sera au-dessus de 6 % - c'est énorme -, et une croissance faible. Dans cette situation,il n'y a pas de place pour des libéralités, surtout à destination des personnes qui ont la chance d'être les plus fortunées", argumentait-il encore. "On peut critiquer tel ou tel aspect de l'ISF mais c'est comme dans un foyer privé, si vous êtes criblé de dettes, la première chose que vous faites, c'est quand même pas de diminuer vos ressources, surtout lorsque cette diminution de ressources est au profit des gens les plus fortunés".
Le gouvernement que le monde nous envie a donc tranché dans le sens désiré par les socialistes en procédant à un demi pas en avant assorti de deux pas en arrière.
L'erreur constante du fiscalisme hexagonal consiste à croire que l'on peut mettre en pratique le fameux slogan de Maurice Thorez et du parti communiste en 1936 "faire payer les riches". Techniquement imaginable aux yeux des fiscalistes de Bercy, une telle politique semble morale aux yeux de l'ensemble de la classe politique parisienne.
Comme il fallait s'y attendre, comme on nous avait préparé à l'entendre, la réforme conjointe de l'ISF et du bouclier fiscal nous rappelle donc de façon caricaturale cette constante de la dérive française.
Un demi-pas en avant vient de nous être annoncé de façon gourmande. La hausse du seuil d'imposition à l'ISF va faire sortir du nombre des assujettis quelque 300 000 Français, pénalisés depuis 10 ans par la hausse des valeurs nominales de l'immobilier. Ah dira-t-on les superchanceux, les voici qu'on leur "fait cadeau" de ce qu'ils devraient payer au nom de la solidarité nationale ! Les superprivilégiés, pense-t-on, ils se sont enrichis "en dormant". Cette expression utilisée naguère par Mitterrand ne visait bien sûr ni sa propre famille, ni ses proches. Car eux, se sont constitué, entre 1981 et 1995, de solides petites fortunes, en restant tout éveillés.
On oublie quand même que l'ISF immobilier frappait des gens dont la maison à l'île de Ré ou l'appartement familial dans telle grande ville n'a pris de "valeur" que dans la perspective de leur déménagement...
La disparition de cette excroissance absurde de l'ISF ne relève donc que de la plus élémentaire justice.
Notons simplement que la résidence principale, et moins encore la maison à la campagne, ne semblent pas en voie d'exonération de principe.
Demi pas en avant donc, mais demi pas seulement.
Et d'ailleurs il s'agit également d'un faux pas. Si l'imposition du capital doit exister, – et elle fonctionne de toute manière, ne serait-ce que par la taxe foncière, par la taxe sur le foncier non bâti, et par toutes les formes de fiscalité du patrimoine, tels les droits de succession par exemple, – la seule manière d'en faire un impôt citoyen, si l'on désire le conserver, c'est de le faire payer par tout un chacun, de manière évidemment très modérée.
Revenons aussi sur la manière de présenter le dossier : "Fillon confirme la fin du bouclier fiscal" (2).
On se trouve donc en face du résultat d'un bien curieux débat. Il ne se déroule jamais qu'entre quelques grandes personnes, toutes bénéficiaires de la dépense publique. Le contribuable et plus encore l'électeur ne sont qu'appelés à payer.
Rappelons quand même que le "bouclier fiscal" a été inventé en 2006, par le gouvernement Villepin. Certes ceci pourrait en rendre le principe suspect. Mais il fut porté à 50 % en 2007 en vertu d'une promesse du candidat Sarkozy. La majorité parlementaire UMP avait été élue sur ce programme. Il ne fallait pas, au nom de la justice, au nom de l'équité, au nom de l'efficacité économique aussi, qu'on dépouillât de plus de la moitié de leurs revenus des gens qui investissent en France, qui créent des emplois, qui apportent leur savoir faire, leur sens de l'entreprise, etc. On a retenu l'argumentaire.
Depuis, la fameuse crise de 2008 a modifié comme on le sait les lois de la pesanteur. Deux plus deux ne font plus quatre. Ce qu'on appelle, bien à tort, le prix Nobel de l'Économie va reprendre son nom légitime de prix Staline de la planification. Dépassé le "tu ne voleras pas" du Décalogue : désormais c'est "tu prendras l'argent où il se trouve". On ne demande pas ce qu'en pense la majorité parlementaire : on décide, screugneugneu ! Et ceux qui penseraient que François Fillon fait surtout office de figurant vont apprendre de quel bois il se chauffe. Le gouvernement gouverne, que diable !
Et à ceux qui s'inquiéteraient de voir continuer l'émigration fiscale de quelques centaines d'inutiles affameurs du peuple on répondra sans difficulté que des millions d'excellents candidats à l'immigration se pressent aux frontières de l'Union européenne et ne demandent qu'à les remplacer, afin de payer, nous assure-t-on, les retraites du futur...
JG Malliarakis
Apostilles
- Émission Matinale, de 8h20 à 9h, sur "France Inter" le 1er mars 2011.
- cf. Libération le3 mars à 10 h 13
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Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101
Parmi les auteurs et responsables de l'ISF il ne faudrait pas oublier Alain juppé . Roccard avait plafonné l'ISF .Alain Juppé premier sinistre le déplafonna .
Rédigé par : jc.daviet | vendredi 04 mar 2011 à 11:51
Cette réforme est pire que si rien n'avait été entrepris :
En supprimant la première tranche de l'ISF, en excluant donc 300 000 contribuables du paiement de cet impôt, comme le nombre de personnes qui paient cet impôt sera beaucoup plus réduit, beaucoup moins de personnes vont le contester, donc, avec cette limitation de la base des assujettis, il sera donc demain, réellement impossible de le supprimer, demain cet impôt sera trop confidentiel pour qu'il soit possible de le supprimer.
Au contraire, pour pouvoir le supprimer, il aurait donc fallu étendre au maximum son assiette avec la hausse des prix de l'immobilier, pour que le français réalise que l'ISF n'est pas une taxe sur les revenus, mais bien sur le patrimoine, ce qu'il n'image pas en réalité (interrogez votre entourage vous verrez que les gens ne savent pas la nature réelle de cet impôt, ne savent pas que le mec qui fait des pertes doit malgré tout payer l'ISF, qu'il est donc même de nombreux contribuables qui ne paient pas l'impôt sur le revenu car ils réalisent des pertes, mais qui paient l'ISF, ce qui les accule à la faillite personnelle !)
La limitation de la base des assujettis signifie donc que cet impôt est taillé pour durer, qu'il ne sera jamais supprimé, il est donc un appel formidable à l'exode (fin de l'espoir) et cette réforme est donc finalement pire que si rien n'avait été entrepris.
Sachant donc que la fin du bouclier fiscal signifie qu'un entrepreneur sera taxé maintenant à plus de 75% (impôt sur les sociétés ou charges sur salaires + impôt sur le revenu qui sont en France cumulatifs contrairement à la pratique de nombreux pays, soit un impôt global à plus de 75%) et sachant donc, que l'ISF ne sera jamais plus supprimé, l'exode fiscal devient l'évidence, un aboutissement pour l'ensemble de ceux qui veulent réussir et non plus seulement pour ceux qui ont réussi... alors même que les dettes de l'Etat n'étant toujours pas financées, on est supposé attendre encore les vrais hausses d'impôts qu'on nous promet... ces réformes n'étant ici censées être que l'amuse-bouche...
En réalité pour notre pays, avec la crise, la puissance nouvelle des pays du sud, l'Etat d'esprit socialiste français, c'est maintenant et non lors de l'élection de Mitterand qu'il y a un véritable risque d'abolition de la propriété privée qui dans les faits n'est plus réellement défendue.
Nous devrions donc parvenir à faire émerger une plateforme libérale identitaire pour concurrencer le socialiste fdesouche, nous devrions aussi pour protéger nos libertés économiques, créer comme aux USA le tea party, un mouvement révolutionnaire identitaire et libéral capitaliste...
Rédigé par : Tintin | lundi 07 mar 2011 à 03:11