Un paradoxe considérable oppose deux réalités de la société française.
D'un côté, la dépense publique engloutit chaque année 57 % de la richesse nationale. En dépit des plateformes électorales, ce pourcentage expropriateur n'a cessé d'augmenter, y compris dans les 10 dernières années où les lois de finances ont été votées par des majorités parlementaires élues par la droite. N'utilisons même pas à ce sujet le terme de promesses, dans la mesure où aucun politicien ne croit nécessaire de les tenir.
Un contresens est savamment entretenu à propos de la crise survenue en 2008. On la pose en excuse, ces derniers temps, à un surcroît de socialisme étatique, là où on s'attendrait au contraire à une réhabilitation de l'initiative individuelle. On doit bien se rendre compte en effet que la gabegie sociale et la redistribution, se traduisant par les charges qui taxent le travail ne peuvent pas contribuer à diminuer le chômage. Aucune intervention de l'administration n'a jamais créé des emplois durables. Et même la manipulation à la baisse des taux du crédit ne peut elle-même que favoriser l'allocation inappropriée du capital, donc à long terme, au renforcement des difficultés de l'économie. La France ne détient pas le monopole, certes, de telles interventions. Mais ses dirigeants s'en gargarisent. Or, elles engendreront durablement en occident une stagnation plus grave que le dépôt de bilan de Lehman Brothers en septembre 2008.
Mais l'aspiration aux libertés ne vise pas seulement la sphère économique. Les technocrates qui nous gouvernent n'acceptent pas de voir leur échapper les moyens de diffusion des idées, la confrontation des points de vue et, moins encore, la circulation des élites. L'État central parisien n'en finit pas de continuer les principes de la république jacobine : hier celle-ci appelait "factieux" (1) tous ceux qui ne partageaient pas ses décrets ; aujourd'hui elle a inventé contre eux l'accusation, sémantiquement absurde, de "populisme". Interdiction par conséquent de s'exprimer aux déviants d'aujourd'hui, même lorsqu'ils ne font que répéter les leçons des conformismes d'hier. "La mode c'est ce qui se démode" remarquait déjà Cocteau.
Spécialiste de l’histoire russe, secrétaire perpétuelle de l’Académie française, Hélène Carrère d’Encausse peut difficilement passer pour une dissidente anticonformiste. Voici ce qu'elle constatait en novembre 2005 : "La télévision française est tellement politiquement correcte que cela en est un cauchemar. Nous avons des lois sur la liberté d’expression qui auraient pu être imaginées par Staline. Les gens ne peuvent pas exprimer leur opinion sur les groupes ethniques, sur la Seconde Guerre mondiale et sur beaucoup d’autres choses. On vous juge tout de suite pour infraction." Le procès fait à Éric Zemmour (2) a permis de franchir en janvier 2011 un nouveau cran dans la pratique liberticide du stalinisme à la française. Un tribunal a condamné ce chroniqueur matinal, apprécié par des millions d'auditeurs de RTL pour des propos dont le jugement lui-même a reconnu l'absence de caractère "diffamatoire".
Rien de plus urgent par conséquent que de mettre un terme à ce monopole de l'idéologie collectiviste et des propagandes misérabilistes, surtout lorsque l'on sait qu'elles servent à remettre en selle la gauche caviar.
De l'autre côté, en effet, la contradiction majeure de la société française vient de ce que, contrairement à ce que leur serinent les représentants des élites mondialisées, la grande majorité de nos concitoyens aspirent profondément à la propriété.
Ainsi, on doit rappeler que l'Hexagone comptait en 2006 57,2 % d'habitants propriétaires de leur logement, plus un pourcentage non négligeable de locataires possédant par ailleurs des biens immobiliers, ce chiffre augmente de 0,3 point par an environ : il était de 50,7 en 1984. Durant la même période, la surface moyenne de ces appartements était passée de 82 m2 à 91 m2. Quant à la dimension des maisons individuelles elle avait augmenté en 20 ans de 10 m2.
La diabolisation de l'idée de propriété privée vise tout particulièrement son plus remarquable défenseur en la personne d'Adolphe Thiers (1797-1877). Fondateur et premier président en 1871 de la Trosième république, il considérait "qu'elle serait conservatrice ou qu'elle ne serait pas". Ah certes, cet auteur jouit d'une très mauvaise presse à gauche. Raison de plus pour s'y intéresser. On voit en lui l'homme politique : ministre de Louis-Philippe, dont il se détacha, opposant libéral au Second empire, et, au lendemain du désastre de 1870, chef de l’État. le très néfaste Clemenceau, blanquiste et communard en 1871, a grandement contribué à sa légende noire. Ancien maire de Montmartre durant la Commune, il décrivit le chef du gouvernement d'alors comme "le type même du bourgeois cruel et borné". Costume injuste en vérité, taillé pour des dizaines d'hivers.
Défenseur, sous tous les régimes, des libertés parlementaires, quand Thiers disparaît, en 1877, l'opinion française salue en lui le libérateur du territoire.
Mais le livre "De la Propriété, du communisme, du socialisme et de l'impôt" qui vient d'être réédité (3) nous le montre sous un autre jour, celui d'un grand théoricien. Il l'avait écrit, dès 1848 pour répondre aux sottises et aux utopies des socialistes et des communistes, jugeant d'ailleurs ceux-ci plus logiques que ceux-là.
Historien plus encore que juriste et journaliste, il aura publié successivement, de 1823 à 1827 une immense Histoire de la Révolution, puis, de 1845 à 1862, il écrira son Histoire du Consulat et de l'Empire, au total 25 volumes.
Dès 1833, il est élu à l'Académie française, en hommage à ces travaux. Très en avance sur les historiens de son temps, ce libéral conservateur y soulignait en effet l'importance des faits économiques.
En 1848, il est un des chefs et l'un des principaux théoriciens du parti de l'ordre. Il constate les dégâts des révolutionnaires quarante-huitards et s'oppose au renouvellement des calamiteuses expériences utopistes.
C'est à ce titre, et à ce moment de l'histoire, sous la Deuxième république, qu'il publie cet essai. Il démontre que le Droit de propriété constitue le fondement de l'ordre social, de la prospérité comme des libertés. Or, celles-ci aujourd'hui comme hier, sont attaquées par les idées de gauche. Elle est également rongée par l'impôt.
Doit-on tenir ce débat pour inactuel ?
JG Malliarakis
Apostilles
- Le concept de "faction" visa dès l'automne 1789, tous ceux qui déviaient de la ligne fixée par la "Société des amis de la Constitution", ancêtre des partis uniques totalitaires, et que l'on désigna bientôt sous le nom de club des Jacobins. Lorsque les "monarchiens", tel Mallet du Pan, imaginèrent de réunir les "amis de la constitution monarchique" les jacobins s'empressèrent de le leur interdire par la violence.
- cf. à ce sujet l'analyse du site "DesInfos.com" qui se propose de "donner une véritable information sur Israël".
- cf. Thiers "De la Propriété"... "du communisme, du socialisme et de l'impôt" que les lecteurs de l'Insolent peuvent commander au prix de 25 euros aux Éditions du Trident 39, rue du Cherche Midi 75006 Paris tel : 06 72 87 31 59. Les libraires peuvent commander par fax au 01 47 63 32 04.
Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101
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Merci de cette analyse, qui met en cause à bon droit l'étouffant couvercle que les media, la pensée politiquement correcte et, comble de l'invraisemblance, la justice totalement dévoyée (le verdict Zemmour en constitue l'apothéose!), mettent sur les libertés fondamentales que la Révolution, tant prisée des mêmes, était censée promouvoir. Il est consternant de constater que la prétendue "droite" ne fait strictement rien, au contraire, pour nous débarasser de cette étouffante atmosphère stalinienne. A quand un gouvernement courageux qui remettra en cause ces pratiques inadmissibles.
Rédigé par : Brun | mercredi 16 mar 2011 à 13:14