Les bons esprits dénoncent avec véhémence depuis quelques semaines le pacte de compétitivité que l'Allemagne tente de faire prévaloir en Europe. Les souverainistes veulent y voir la conséquence de la seule Union monétaire.
Certains suggèrent que, sortant de l'euro, certains pays pourraient tout à leur aise revenir aux bonnes vieilles pratiques de la planche à billets et de la dévaluation.
Ils gagneraient à considérer la situation et l'action du gouvernement de Londres, extérieur à la Zone euro. L'année budgétaire anglaise commence en avril. Et c'est donc le 22 mars que le Premier ministre David Cameron a présenté la loi de finances 2011-2012 de son pays. Celle-ci s'inscrit, d'abord, dans un courant très fort de désinflation de la dépense publique, au contraire du présupposé de nos nouveaux keynésiens, strauss-kahniens, etc.
Les finances du Royaume-Uni ont été déplorablement dégradées, depuis 15 ans, en très grand partie sous l'influence de Gordon Brown. Cofondateur du New Labour avec son compère et néanmoins rival Tony Blair, il avait tranquillement tendu, contrairement à la ligne plus "centriste" du Premier ministre Blair, à revenir sur tous les acquis du thatchérisme. On gérait la restauration en douceur de ce bon vieux travaillisme décadent qui avait plongé l'Angleterre dans la misère et le déclin au cours des années 1945-1975. Ce grignotage s'était opéré outre Manche, comme partout ailleurs, par une multiplication des gaspillages re-distributeurs réputés "sociaux". L'expérience travailliste se soldait ainsi en 2010 par le plus gros déficit des 27 pays membres de l'Union européenne : 156,1 milliards de livres sterling sur l'année budgétaire qui s'achevait au 31 mars 2010, soit au cours actuel, 177 milliards d'euros. Cette somme représentait plus de 11,1 % de son PIB, pour raisonner en termes "maastrichiens". En réalité dans un pays où le budget de l'État dépasse à peine les 500 milliards de livres sterling, cela veut dire que le tiers de la dépense publique se trouvait, à cette date, au moment où se mettait en place la coalition inédite des conservateurs et des libéraux démocrates, financée par l'emprunt.
Aucune de ces contraintes bureaucratiques bruxelloises, – dont on débite si couramment "l'Europe", et dont nos gros malins politiques hexagonaux se flattent de se défausser, – n'imposa en 2010 au nouveau gouvernement de Londres son programme de rigueur. Pas même la notation de Standard's & Poors, de Fitch ou de Moody's : mais le simple bon sens l'imposa.
On remarquera du reste que le ministère actuel repose sur une alliance fragile. Cette combinaison elle-même aurait pu se révéler peu propice à une attitude univoque face aux institutions de l'Union européenne. Les tories, par tradition, penchent pour l'euroscepticisme. Les whigs au contraire, ont pris acte depuis longtemps, du caractère caduc de leur insularité, ce qui les rapprocherait plutôt d'une alliance avec le parti travailliste, et donc à une défection.
Eh bien tories et whigs se sont mis d'accord en 2010 pour entreprendre en Angleterre la liquidation des gaspillages.
Or non seulement la chasse aux dépenses excessives du budget, mise en œuvre dès le printemps et l'été 2010, a été poursuivie ;
- non seulement encore on est passé outre à la fronde manifestée, lors de la crise des droits universitaires de l'automne 2010, par un certain nombre d'élus libéraux-démocrates, souvent issus de l'ancien parti "social-démocrate" ;
- mais le Premier ministre Cameron a fixé sa ligne pour les prochains exercices, jusqu'à 2014-2015. Souverainement, sans demander l'avis de M. Barroso, ni celui des gens de Bercy, ni des journalistes du Monde, il a annoncé dans son discours du 22 mars le maintien et le renforcement d'une politique de décrue fiscale assortie d'une programmation du retour à l'équilibre des finances publiques.
Contre l'avis de la plupart de nos glorieux hommes politiques, de nos soi-disant économistes et de tous les commentateurs agréés, il me semble que cette ligne se révélera la meilleure, et même la seule convenable.
Certes la lutte du cabinet de Londres contre les déficits comporte une part essentielle de diminution de la dépense publique et elle se complétera aussi par une politique de privatisation. Ainsi dès octobre 2010, la présentation de ce que l'on appelle Outre Manche la "revue de dépenses" (1) programmait une baisse, étalée sur 5 ans, de 81 milliards d'euros. Cet excellent programme va évidemment beaucoup plus loin que les prétendues "économies budgétaires" à la française qui prévoient encore d'augmenter de 0,8 % par an la dépense publique en "volume" pour les 5 prochaines années, et que les divers programmes socialistes, "populistes", etc. aggraveraient évidemment encore plus.
On rappellera ainsi que la rigueur londonienne visera les dépenses informatiques non cruciales, les approvisionnements divers des ministères, les voyages des fonctionnaires, les embauches gelées dans tous les ministères concernés, et aussi ce qu'on appelle les "quangos". Ces "quasi-ONG" désignent les organisations indépendantes travaillant pour l'État. Créées en grande quantité par les travaillistes, elles risquent de disparaître. Excellent assainissement.
Mais David Cameron va plus loin.
Dès l'année à venir, l'impôt britannique sur les sociétés, actuellement à 28 % sera ramené à 26 %.
Le Premier ministre de Sa Gracieuse Majesté le dit en effet sans détour : par cette diminution des taux applicables aux entrepreneurs, le budget 2011-2012 vise à rendre la Grande Bretagne plus attractif, en misant aussi sur ce point de vue fiscal. Mesure phare, la réduction de l’impôt sur les sociétés, de 28 % à 26 %, s'appliquera donc dès le mois prochain. Le taux sera ensuite réduit de 1 % par an, jusqu’à un plancher de 23 % en 2014. Celui-ci tendra donc à se situer au-dessous du taux appliqué actuellement aux entreprises par le canton de Genève à hauteur de 24,3 %.
La coalition des libéraux et conservateurs voulait jusqu’à présent faire de l'Angleterre le pays le plus fiscalement compétitif parmis les membres du G7. Le chef du gouvernement proclame : "Je veux faire du Royaume-Uni l’endroit le plus intéressant où investir et créer une entreprise." Le défi lui semble aujourd'hui à la dimension du G20. George Osborne, chancelier de l’Échiquier le souligne aussi de son côté : "Que cela soit entendu à travers le monde, de Shanghai à Seattle, de Stuttgart à São Paolo : le Royaume-Uni est ouvert aux entreprises".
L’annonce a immédiatement été suivie d’effets. Martin Sorrel, par exemple, dirige ainsi de WPP (2) la plus grande entreprise publicitaire au monde. Il avait bruyamment claqué la porte, en 2008. Il s'était s’installé en Irlande, où le taux d’imposition sur les sociétés est à 12,5 %. Il explique de manière très pragmatique : "Nous attendrons que la législation entre en vigueur, et nous étudierons ensuite notre retour au Royaume-Uni".
Il apparaît donc à nouveau que les conservateurs et les libéraux vont redonner une nouvelle force à l'Angleterre.
JG Malliarakis
Apostilles
- document "Spending Review 2010"
- sigle tiré de "Wires & Plastic Products", activité originelle de la société.
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Rédigé par : Daniel Brun | samedi 26 mar 2011 à 09:23