Dans les années 1920 Henri Lammens (1) annonçait, contre tous les sachants, tous les faux spécialistes et autres francs-maçons du grand orient de France, le réveil islamique. On ne l'a pas cru.
Tout cela recommence encore, hélas, chaque jour. Des monceaux d'absurdités sont déversés à propos des événements survenus, depuis le début de cette année, au Maghreb et au Proche orient, puis sur la Libye. À peine vieilles de six semaines, les involutions de l'Égypte et de la Tunisie étaient présentées comme des tournants définitifs, aboutissant à des situations figées et irrévocables.
De ces fleuves naissants, aux sources mal explorées, qui pourrait cependant soutenir qu'il connaît d'ores et déjà l'embouchure ?
Salués pour magnifiques, ces troubles n'ont jusqu'ici produit, en effet, que la chute des gouvernements. Certes on peut tenir ces régimes arabes pour sénescents, presque autant que notre Cinquième république. On les jugera probablement corrompus puisqu'ils sont dirigés par les amis de nos ministres intègres. Mais pour l'instant les transitions sont assumées au gré de l'arbitrage des militaires. Pas bien représentatif pour une démocratie.
Dès que les Libyens ont commencé à bouger, on a jugé inéluctable la victoire du peuple, la déconfiture du tyran, et donc l'établissement paisible de la démocratie sur les décombres de la dictature.
Les architectes virtuels d'un Westminster futur de la Cyrénaïque se demandent seulement si la maison Hermès pourra fournir à temps les cuirs verts de la chambre des Communes et les rouges de la chambre des Lords. Et Comme tout va très vite, on s'interroge quand même sur la pertinence de recourir à John Galliano pour dessiner la perruque des juges. Le bon goût change à chaque instant, dès lors qu'il se passe quelque chose aux Galeries Lafayette.
Les jours du clown sanglant de Tripoli étaient comptés, Juppé dixit. En matière de prédiction, voilà une référence qui fait trembler.
Le "frangin" (2) Ollier remballait très vite sa présidence de "France-Libye", presque aussi discrètement qu'il l'avait exercée. Curieusement, en notre temps, si affolé pourtant de ragots, de rumeurs et de faux scandales, celui-ci ne semble, à ce jour, intéresser personne. À défaut de faire travailler l'industrie d'armement on allait fournir des contrats au commerce du luxe. Les champions nationaux sont sauvés. Tout allait bien. De mieux en mieux plutôt, puisqu'on n'arrête pas le progrès.
Un peu de patience quand même, s'il vous plaît. La démocratie exemplaire britannique ne s'est instituée, chez ce très grand peuple, qu'après deux révolutions (3) et, plus encore, après trois siècles de fonctionnement du régime parlementaire. Il faut n'avoir rien lu de Jacqueline de Romilly qui, pourtant, admirait tant la démocratie athénienne, pour croire que celle-ci résume à elle seule l'Histoire et la pensée de l'Antiquité grecque, et encore plus pour imaginer que cette "invention" fonctionnait dans des conditions analogues à celles que nous connaissons de nos jours, et qu'hélas nous pouvons en partie déplorer.
Croire naïvement qu'il suffit d'une étincelle pour mettre le feu à la prairie, et plus encore pour imaginer que cet incendie, après avoir éclairé le monde, réchauffera nécessairement les peuples convient sans doute à notre époque superficielle et décadente. Tout, tout de suite, sans effort, sans lutte, sans douleur. Nietzsche y voyait la marque du nihilisme. "Point de berger un seul troupeau". On pourrait y voir aussi l'annonce de bien des désillusions.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. "l'Islam croyances et institutions" pp 183-225.
- cf. Le Point n° 2001 du 20 janvier 2011 page 50.
- cf. "Les Deux Révolutions d'Angleterre" par Edmond Sayous
Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101
Que dans les pays arabes ce soit l'armée le "juge de paix" n'est pas contradictoire avec le projet démocratique, même si je doute qu'il soit adapté à ces peuples qui vont de l'hystérie à la panique du soir au matin. En Libye ce sont les défections tribales de militaires de Cyrénaïque qui ont déclenché la marche en avant. Jusque là, on tournait en rond avec des pancartes.
Je ne crois pas à un réveil islamique comme le propage la chaîne iranienne anglaise PressTV, mais plutôt à un monôme géant avec les flagellations d'usage (martyrs, etc). Toutefois, au moment de la ré-identification des peuples "libérés", l'Islam sera le ciment prompt et les confréries islamiques auront un boulevard.
L'inconnue est la résilience de la jeunesse internétisée.
Rédigé par : Catoneo | jeudi 10 mar 2011 à 10:36
Un commentateur dénué de naïveté est Barry Rubin, dont le site rubinreports est éminemment recommandable.
Rédigé par : Curmudgeon | jeudi 10 mar 2011 à 13:36
Bonjour. Allez-vous me trouver retors à raison, peut-être mon cher ami.
Je relève ceci : "Un peu de patience quand même, s'il vous plaît..." Je vous cite évidemment. Pour le Rwanda, la patience a laissé trois mois de massacres... Que vous rejetiez la notion de "saut qualitatif" brusque, je l'admets bien volontiers, mais nous devons donc selon vous patienter avec les frères musulmans en attendant de les voir se modérer? Leurs victimes physiques, morales et économiques auront tôt fait de louer la patience des observateurs étrangers. Me voici désolé de ce volte-face, mais laisser une chance à l'oppression en espérant qu'elle mûrira dans le bon sens, celui du respect de la vie, n'est-elle pas un peu trop confiante? Bien à vous...
Rédigé par : minvielle | jeudi 10 mar 2011 à 15:00
La démocratie athénienne, parlons-en : rappelons seulement qu'elle devait sa survie aux tyrans qui venaient périodiquement restaurer l'ordre et la fortune dans la cité ! ça ne nous rappelle rien ?
Rédigé par : Hubert Marchadier | samedi 12 mar 2011 à 08:11
"La démocratie exemplaire britannique ", voilà bien le poncif inusable véhiculée depuis l'époque des Lumières jusqu'à nos jours pour faire croire à une véritable représentation politique du peuple par des parlementaires élus qui feraient les lois en son nom. Malheureusement la plupart des écrits des auteurs contre-révolutionnaires ont été effacés de nos mémoires collectives par ceux qui ont réécrit l'Histoire à leur avantage, au lendemain de la Libération en 1945. Et pourtant dès les débuts de la propagande maçonnique antimonarchique, des auteurs comme Burke, Rivarol et bien d'autres ont dénoncé la forfaiture démocratique en dévoilant les clubs et les coteries qui se cachaient derrière les représentants de la Volonté Générale, concept vague voulant faire accroire à une volonté libre et souveraine d'un peuple théorique imaginé par les philosophes qui ambitionnaient de reconstruire le monde suivant les lois de la raison basées sur les "droits de l'homme". Notre époque a ceci d'intéressant qu'elle représente le point d'achèvement de cette tentative monstrueuse de reconstruction de la réalité détachée de l'esclavage des lois naturelles transformées en lois humanitaires pour donner naissance à ce monstre totalitaire qu'est le Nouvel Ordre Mondial avec tout son appareil répressif destiné à aligner l'humanité sur la norme façonnant l'Homme Nouveau. Il en aura fallu des catastrophes pour arriver à l'achèvement de cet Humanité philosophique, jamais en reste d'une crise pour la faire avancer sur la voie du perfectionnement indéfini qui la mène dans l'enfer des bonnes intentions qui sont autant de sévices destinées à nous enseigner comment nous libérer des préjugés et des superstitions. Nous voilà donc arrivés à l'ère de la démocratie globale où les désastres ont une envergure mondiale, pour mieux nous expliquer qu'ils nécessitent l'invention de solutions globales par la gouvernance internationale censée régir le chaos universel qui s'ébauche sous nos yeux, tellement la terre est à bout de supporter la loi des malfaisants qui la détruise.
Rédigé par : Nicolas | samedi 12 mar 2011 à 10:24