Hier, 9 février au matin, on annonçait 115 tribunaux grévistes sur 195. Aujourd'hui 10 février, on les compte 170. Partie de Nantes, cette fronde témoigne d'un fossé grandissant entre la magistrature syndiquée et le pouvoir politique. La protestation, du reste, s'étend à certains policiers.
Ce conflit renvoie à quatre sortes de questions. Essayons de les distinguer correctement.
Le premier dossier, celui l'insécurité interpelle le système, au nom des victimes, selon une partie de l'opinion. La déclaration de 1789 et la convention européenne des Droits de l'Homme parlent de "droit à la sûreté". Le contexte électoral tend à revenir sur un scénario antérieur. Le jeu de rôle remonte à 2005-2007. À ce moment précis de sa carrière le futur président faisait office de ministre de l'Intérieur. Il se flattait de mettre en cause les pratiques essoufflées du chiraquisme décadent, et il s'opposait à un Premier ministre appelé Villepin, désireux de dialoguer avec la voyoucratie.
Or, sur ce premier point, on peut douter que la configuration se reproduise dans les mêmes termes. Le bénéficiaire de l'épisode précédent apparaît à l'opinion pour avoir échoué, depuis sa victoire électorale de 2007, dans sa prétention sécuritaire. La préoccupation populaire lui fait grief aujourd'hui de ce dont elle le créditait volontiers hier.
Le deuxième aspect de cette crise met en lumière le déclin des fonctions régaliennes. En très gros, ce qui représentait autrefois 75 à 80 % de la dépense publique a été ramené aux alentours de 15 à 20 %. Même en tenant compte d'un rythme actuel d'augmentation légèrement supérieur à la moyenne, le budget de la Justice reste faible, à hauteur de 7 milliards d'euros. Les syndicats de magistrats et de policiers mettent en cause, à juste titre, l'insuffisance des moyens de leurs services. Avec à peine 8 000 magistrats, 24 000 surveillants de prison, etc, la France arrive au 39e rang sur les 47 pays que compte le Conseil de l'Europe pour le nombre de fonctionnaires de justice par habitant.
Or cela illustre précisément la faillite de l'idéologie dont majoritairement ils se réclament, celle de l'État-Providence. Dans la lente et constante socialisation des esprits manifestée depuis un demi-siècle, les fonctions régaliennes de la puissance publique ne peuvent en effet que décliner. Elles sont constamment submergées par le tsunami des demandes sociales. Celui-ci s'adosse bien évidemment à la masse des 1 300 000 fonctionnaires de l'Éducation nationale, lesquels à leur tour pèsent de manière énorme dans les instances supposées représentatives du peuple souverain. Combien de policiers ? Combien de magistrats ? Combien de militaires ? à l'Assemblée ou Sénat. On se situe aux alentours du zéro absolu.
On ne peut dès lors que rogner, d'année en année, ou freiner les augmentations nécessaires des budgets de la justice, de la police et de la défense nationale, dès lors que les finances publiques gèrent, soutiennent les dépenses de l'éducation, des hôpitaux, et des secteurs subventionnaires.
La troisième dimension, au-delà d'une législation ressentie de façon plus ou moins objective pour laxiste a été mise en lumièrepar l'exemple suivant que rappelait Didier Gallot (1) : sur 60 000 place dans les prisons françaises 6 500 sont occupées par des "délinquants routiers". À l'inverse des milliers de voyous, quand on daigne s'occuper de les condamner, n'exécutent pas leurs peines.
Quatrièmement il fut bien aborder la question de la "peine éliminatoire", puisqu'elle semble bien au cœur de cette affreuse affaire Laetitia. Chargés d'appliquer la loi, et disposant pour ce faire de moyens restreints, les magistrats n'en portent pas la responsabilité. À cet égard, la suppression de la peine de mort aurait certes constitué un progrès, du point de vue chrétien, et d'un point de vue humaniste, si elle avait été conçue sérieusement, c'est-à-dire si cette réforme avait fonctionné autrement que comme un vieux hochet maçonnique.
Déjà en 1927 voilà, par exemple, ce que votait que le Convent de la Grande Loge :
"La Respectable Loge 135 "Les Hospitaliers Écossais", Orient de Paris, serait heureuse de voir voter le vœu suivant :
Les parlementaires maçonniques devront apporter leur appui et voter la proposition du député Renaudel qui a trait à la suppression de la peine de mort.
"Rien de plus juste.
"Adopté."
Quelques années plus tard, lorsqu'il quitta cette obédience en 1934, Alfred Vigneau faisait remarquer l'objection suivante :
"Cette idée de la suppression de la peine de mort est généralement répandue dans les Loges maçonniques ; elle est belle en elle-même, seulement, si elle obtenait gain de cause, et si la peine de mort était supprimée qu’en résulterait-il ?
Pensez aux crimes nombreux qui n’auront pas lieu parce que des assassins en puissance redoutent la guillotine ; et pensez à ceux qui, victimes possibles de ces assassinats non réalisés, ont sans doute la vie sauve, parce que la peine de mort existe ; réfléchissez à cela, mes Frères."
Les "Frères" ont si peu réfléchi que, lorsque leur vieux slogan a pu être coulé en 1981 dans le bronze de la loi sous l'impulsion du si satisfait Me Badinter, ces gens qui veulent passer pour si sérieux n'avaient toujours pas envisagé concrètement la peine éliminatoire de substitution, permettant de protéger la société, les enfants, les femmes, les vieilles personnes contre les monstres criminels récidivistes.
Mais si les "Frères" aiment à faire croire que leurs gueuletons, leurs mondanités et leurs petites intrigues assurent les débats de l'avenir national, nous devons hélas savoir, au contraire, que leur médiocrité paralysera toujours le pays qui s'abandonne à leurs lubies.
JG Malliarakis
Apostilles
- Au micro d'Yves Calvi ce 9 février sur RTL.
- Cf. Bulletin Officiel, novembre 1927, n° 47-48 page 413 cité par Alfred Vigneau.
- Cf. Alfred Vigneau "La Loge maçonnique" pages 137-138.
Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101
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Les mêmes qui s'apitoient sur l'exécution d'un "serial killer" aux USA, n'hésitent pas à envoyer leurs armées tuer des gens dans des guerres d'agression indéfendables. Comprend qui peut!
Rédigé par : Tonton Cristobal | vendredi 11 fév 2011 à 08:24