Il nous indique surtout une terrible baisse de tonus de la population de ce pays. Globalement les Français envisageraient l'avenir de façon optimiste à hauteur de 53 % d'entre eux, contre 60 % l'année précédente. Les perspectives économiques et sociales paraissent d'ailleurs, à en croire cette étude, beaucoup plus préoccupantes aux yeux de nos concitoyens et co-contribuables que les questions de sécurité. Le fait que 14 000 de nos compatriotes se trouvent en Côte d'Ivoire, menacés d'être pris en étau par une guerre civile et conseillés d'un cœur léger par M. Baroin de "quitter le pays" ne semble angoisser que peu de monde. L'engagement de l'élite de notre armée dans la contre-insurrection en Afghanistan avait été voté à l'unanimité sous le gouvernement Jospin n'est plus guère présenté en terme d'espoir par les gros médiats, qui n'évoquent le problème qu'en termes de calendrier de retrait et du paiement discret de rançons. Face aux menaces extérieures la pensée officielle a renoncé à l'idée de victoire. Ainsi la république a-t-elle osé reconnaître officiellement, quoique modestement, la figure militaire du général Bigeard disparu en juin 2010 : les gauchistes d'Aix en Provence vandalisent le rond-point Marcel Bigeard et osent le rebaptiser du nom du traître communiste Maurice Audin. (1)
Ne doutons pas non plus que la même doctrine s'organise à sa manière pour évaluer les débats intérieurs : tout changement dans les routines est présenté comme incongru, scandaleux, révoltant. Qu'un dirigeant socialiste comme Manuel Valls manifeste le courage (2) de se prononcer pour l'abrogation de la loi des 35 heures et les journalistes parlent de posture. Cette réglementation archaïque ayant été pensée par M. Strauss-Kahn, portée par Mme Autry, et finalement mise à profit par les très grosses entreprises, désormais, telle qu'elle a évolué depuis 2007, la remettre en cause fait scandale. Un peu comme aux temps de l'Union soviétique où face à toute suggestion occidentale, on répondait "pas question de remettre en cause les acquis de la révolution d'Octobre".
Pendant la misérable présidence Chirac, entre 1995 et 2007, les Français lucides, et bien plus encore les étrangers francophiles, éprouvaient un sentiment, hélas réaliste, d'effondrement inexorable de ce pays. La comparaison avec la période brejnévienne de l'URSS, et son effrayante montée de la corruption mafieuse, s'imposaient. On ne peut pas souhaiter à Claude Chirac, certes elle-même assurément étrangère aux réseaux ouzbeks, la fin misérable de Galina Léonidova Brejneva, fille du bureaucrate suprême et ci-devant figure répugnante de la nomenklatura communiste dégénérée morte alcoolique dans un asile en 1998. La mise en parallèle ne peut fonctionner que partiellement, mais la stagnation des deux pays et des deux sociétés peuvent et doivent, hélas, être comparée.
Et, depuis 2007, le processus d'autodestruction de l'État central parisien connaît un caractère un peu différent, au moins en apparence. À l'ahurissant immobilisme des gouvernements Juppé, Jospin, Raffarin et Villepin, a succédé une agitation usant et abusant du mot "réforme". On se prend à copier la période khrouchtchévienne avec son omniprésence artificielle sur la scène internationale, couplée de sa prétendue "réforme" économique Libermann, sa "réforme" agricole, sa "réforme" ecclésiastique, réforme du NKVD devenu KGB sans changer de personnel ni de direction, etc. Aucune de ces "réformes" ne redressa les tares du système : au contraire chacune produisit son lot de nouvelles catastrophes.
Étant passée de Khrouchtchev à Brejnev, l'URSS s'éloignait à sa manière de l'héritage putride de Staline. Elle est même parvenue depuis 1991 à un embryon de liberté.
Marchant en sens inverse, la France s'apprête-t-elle à inventer son propre stalinisme ? On en décèle le germe dans pas mal de discours, et pas seulement hélas ceux de l'extrême gauche.
Formulons au moins un vœu, en ce début d'année : celui qu'une telle hypothèse soit définitivement démentie, et que la patrie de Frédéric Bastiat (3) retrouve au contraire la volonté et la route qui mènent à la Liberté.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. Forum "Chemin de Mémoire parachutiste."
- "Est-ce que, dans le monde tel qu'il est aujourd'hui - avec la concurrence que nous connaissons -, pouvons-nous nous permettre d'être sur des idées des années 1970, 1980, 1990 ? Non. Il faut dépasser la question des 35 heures", a-t-il déclaré lors de l'émission le Grand Rendez-vous, sur Europe 1 le 2 janvier.
- cf. en particulier ses "Harmonies sociales" où il souligne la perversion des prédateurs, ennemis naturels des libertés.
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Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101
Le récent débat sur les 35h suite au déclaration de Valls aura mis en lumière au moins une chose, c'est que DSK, l'homme dépeint comme le plus grand économiste de France dont l'intelligence est supposée dépasser celle de tous les autres candidats, était à l'origine des 35 heures.
Rédigé par : Mitjavile Bernard | mardi 04 jan 2011 à 12:03