L'Insolent

Débat fiscal, débat crucial

Ce 28 janvier au matin sur France-Info, Emmanuel Kessler, Rédacteur en chef adjoint de la chaîne parlementaire Public Sénat, réalisait sa 725e et dernière chronique sur l'antenne publique d'informations en continu. En cette occasion, il imaginait une économie-fiction datée artificiellement du 28 janvier 2012.

Certes, il annonçait ce qu'il tient à l'avance pour "une bonne nouvelle : l'euro a tenu". Sur cette question, on peut se ranger à l'avis de Pascal Salin (1): "Il n’y a pas de raison de faire éclater la zone euro" car "la reprise économique passe avant tout par une meilleure gestion publique." La sortie de l'euro aggraverait aujourd'hui les problèmes des pays surendettés : la comparaison des réformes que la Grande Bretagne est amenée à réaliser, rapportées aux plans de rigueur que successivement la Grèce, l'Irlande, l'Espagne, le Portugal, et d'une manière plus discrète la France doivent s'imposer, suffit à nous en convaincre.

Quelle que soit l'unité de compte les déficits coûtent d'autant plus cher en effet qu'on refuse de payer au comptant. Accuser, par facilité démagogique, les banquiers, les marchés ou le FMI, revient à l'attitude d'un malade qui casserait son thermomètre dans le but de faire baisser la fièvre.

Mais Emmanuel Kessler va plus loin. Il s'amuse à anticiper la campagne présidentielle de 2012. Sur ce terrain, il prophétise :

"Il y a douze candidats. Je ne vais pas vous détailler les programmes. Mais il y a un point commun : quelque chose qu’on n’avait jamais vu dans une présidentielle. Personne ne promet de baisser les impôts. Pour s’en sortir, et redresser ses comptes, la France doit remplir ses caisses. Alors on sait qu’il va falloir augmenter certaines taxes. Le débat fait rage en revanche sur la manière de répartir l’effort. Rendre les impôts plus justes, pour que ça soit supportable pour tous. Faut-il une TVA sociale ? Un impôt sur la super-fortune ? Tiens, cette fois-ci, la campagne est vraiment passionnante."

Et certes, on ignore en 2011 si ce scénario correspondra effectivement à l'ensemble du prisme de cette campagne de 2012.

Il semblerait dommageable, cependant, que l'on s'en tienne là. Car il apparaît nécessaire qu'un 13e candidat au moins prenne ici l'occasion de dire aux Français une autre vérité, et précisément celle que les autres ne leur révèleront probablement pas. Car en fait tout le monde pourrait y accéder.

En effet,
- ni la TVA sociale,
- ni aucun super-impôt nouveau,
- même réduit à ce que Kessler appelle "la super-fortune",
- ni aucune des taxations en cours d'élaboration,
- ni non plus les alourdissements annoncés comme votés d'avance, puisque décidés, nous dit-on, par "Bercy", dans le courant de l'année 2011,
- ne pourront ni ne sauraient résoudre les problèmes du pays. Bien au contraire tout impôt supplémentaire ne peut que les aggraver.

Il ne s'agit pas de "financer" les gaspillages. Il faut les abolir.

L'urgence impose une diminution de la pression fiscale et des charges sociales, conditionnée par une décrue plus forte encore de la dépense publique.

Et c'est sur ce point que doit porter le développement d'un courant d'opinion.

Nous disposons, grâce à la crise du risque souverain, hélas pour nos amis grecs, d'un exemple frappant.

Nous pouvons en cette douloureuse et humiliante occurrence observer un exercice à balles réelles. Voilà un pays, ruiné par cinq années de démagogie politicienne. Cela constitue un vrai cas d'école. L'endettement vient toujours des déficits antérieurs de l'État. Il a été fabriqué essentiellement par le "social à crédit" et par le fonctionnariat. (2) Le système s'est alourdi jusqu'en 2009. À Paris, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on appelle encore cela le "modèle social français": toujours plus de dépenses publiques, jamais remises en cause, au nom de leur prétendue popularité.

Après plusieurs années d'une croissance brillante de l'économie grecque, plus de 4 % par an entre 2001 et 2008, la crise initiée à partir de septembre 2008 par la faillite de Lehman Brothers a stoppé cette progression, visible à l'œil nu, de la prospérité du pays. Au nom de la consommation populaire, la dépense publique a continué d'augmenter cependant, sans aucune restriction à la fois de peur de l'impopularité et en vertu de la croyance dans le vaudou keynésien. Elle avait atteint en 2009 son pic de nuisance à 53 % du PIB.

Un plan radical de désinflation budgétaire et de privatisations a été mis en place. La conjoncture politique s'y prêtait, puisque la révélation du gouffre coïncidait avec une alternance politique et que, d'autre part, le nouveau gouvernement, d'étiquette social-démocrate, pouvait marginaliser sa propre opposition de gauche. Pour le bien du pays, il va désormais faire baisser de deux points par an, pour ramener ce taux à 45 % pour l'année 2014.

Soulignons bien à ce sujet que 2 points de baisse annuelle du taux de dépense publique, dans n'importe quelle société démocratique, cela représente un effort énorme. Un programme quinquennal de baisse de 1 point par an, en France, n'a jamais été entrepris.

Notons aussi que les premiers résultats ont correspondu, tout au long de l'année 2010 et en termes globaux, aux objectifs et prévisions. Le déficit budgétaire se dégonfle régulièrement, au rythme demandé par les institutions financières.

On enregistre en revanche un recul de l'économie en termes de PIB, de - 4,7 % en 2010, après — 2,3 % en 2009 ; on le prévoit encore à hauteur de – 3 % en 2011. La croissance réapparaîtrait en 2013 et le niveau de prospérité antérieure en 2014-2015. Le produit intérieur brut, évalué à 179 milliards d'euros en 2009, devrait atteindre à nouveau 180 milliards en 2015 après être descendu à un étiage de 166 milliards en 2011.

Cela n'ira pas et cela ne va pas sans heurts.

Ne surestimons pas cependant, contrairement à ce que suggèrent les médias français, les oppositions sectorielles qu'un tel programme suscite. Sur l'ensemble de l'année 2010, Athènes a certes connu plusieurs mobilisations syndicales, d'autant plus puissantes que la majorité des centrales échappe à la mainmise des nostalgiques du marxisme : 7 fois elles ont défilé pour tenter d'atténuer l'application de la rigueur. En comparaison, Paris a connu, la même année contre la réforme des retraites 9 mobilisations du même ordre, accompagnées chaque fois de plus de 200 défilés dans les diverses régions de l'Hexagone.

Au total la loi Fillon-Woerth tendant à "réformer les retraites" est passée en France, et le plan de rigueur s'impose et fonctionne en Grèce.

Le scénario dit de "l'explosion sociale" appartient encore, dans un cas comme dans l'autre, au cauchemar des Versaillais et au rêve éveillé des Communards. Cela relève de fantasmes passéistes, pas de l'actualité. Dans les années 1960, on nous enseignait doctement, dans les facultés d'économie et à l'Institut d'études politiques, qu'au-delà de 3 % de chômeurs une telle explosion deviendrait inévitable. (3) En fait la seule crise sociale ayant ressemblé à un tel événement mythique est survenue en pleine période de prospérité, en 1968.

D'autre sources de difficultés ne sauraient être oubliées.

Actuellement l'État grec emprunte à 4,1 % sur les marchés d'obligations à court terme, grâce à l'appartenance à la zone euro. Mais le taux de ses emprunts à 10 ans atteint 11,35 %. Cela devient un excellent placement pour les investisseurs que n'effraient pas la rumeur, régulièrement démentie, d'une renégociation de cette dette. D'ailleurs, d'autres opportunités de placements sautent aux yeux des gestionnaires avisés.

Mais c'est bien la décrue des dépenses publiques, et cela seulement, qui entraînera le retour de la croissance, avec le retour à l'équilibre du budget. Tous les raisonnements inverses, à base keynésienne, se sont toujours révélés pervers et déficients. Ce sont ces doctrines, ce sont aussi les défaillances des autorités de la régulation financière et ce sont, enfin, les interventions démagogiques des politiciens qui portent la responsabilité de la crise.

JG Malliarakis

Apostilles

1. cf. Le Figaro du 28 janvier 2012
2. C'est très exactement cela que Frédéric Bastiat dans ses "Harmonies sociales" désigne sous le nom de "spoliation".
3. Quelle joie de retrouver, en époussetant un vieux rayonnage, les âneries du manuel "Expansion et récession" publiée en 1963 par le professeur Marchal. M. Rocard y croit toujours !

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Le ministre franco tunisien de la Culture doit partir

On a beaucoup réagi, et ironisé, sur les déclarations extrêmement maladroites dans leur arrogante formulation de Mme Alliot-Marie. Peut-être un peu trop. Être étrillé par Le Canard enchaîné (1) fait partie de la règle du jeu.

On semble avoir attaché beaucoup moins d'importance aux déclarations de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture. Le 10 janvier sur Canal +, il avait cru nécessaire d'aller plus loi, et de voler au secours du régime Ben Ali : "Dire que la Tunisie est une dictature univoque comme on le fait si souvent me semble tout à fait exagéré".

L'un de ses arguments semblait se fonder sur la condition des femmes, plutôt favorable dans ce pays. Celle-ci résulte en très grande partie du Code civil mis en place à la fin du régime beylical et du protectorat français par Habib Bourguiba, ancien sympathisant du fascisme italien. Mais notre beau Frédo ne tient certainement pas ce genre de références pour flatteuses. On l'a vu lors de l'épisode dérisoire où il a prétendu avoir éprouvé le besoin de "relire" le fameux pamphlet interdit de Louis-Ferdinand Céline pour en découvrir, un peu tardivement dira-t-on, le sens profond.

À parler franchement on se sent quand même un lecteur plus perspicace que notre ministre. Plus rapide, dès lors qu'ayant parcouru autrefois le fameux bouquin, et Céline en a commis trois autres du même acabit, on n'éprouve pas le besoin d'une telle re-lecture, pour en saisir l'orientation, assez obreptice.

Et puis, ni dans le rayonnage des Pères de l'Église, ni dans celui de la Pléiade qui eut le bon goût de ne pas faire figurer ces satires anachroniques, on ne saurait mettre la main sur aucun de ces volumes.

Merci M. Mitterrand, d'avoir lu pour moi, dans le silence et la sagesse de votre cabinet, ces ouvrages inconvenants.

Comme Abraham, au livre de la Genèse, "cela vous sera tenu pour justice".

Merci aussi pour Céline lui-même. Quelle rigolade de penser qu'un auteur aussi sulfureux puisse être intégré dans le cursus scolaire de l'école républicaine, laïque et obligatoire. Le "Voyage au bout de la nuit" y gagnera en lecteurs adultes. On les constate trop souvent perdus pour La Fontaine, Molière, Ronsard ou Chateaubriand et tous les autres représentants du génie littéraire français. La république, en vieille Gueuse indécrottable, s'ingénie à les salir, comme tout ce qu'elle touche. La réputation sulfureuse du bon Dr Destouches, né à Courbevoie, mort à Meudon après un court séjour à Sigmaringen, ne nécessitait pas cette forme subtile du déshonneur, celui de partager les honneurs réservés à M. Servier.

Reconnaissons qu'aucun de ces auteurs, ni d'ailleurs Céline lui-même, humaniste d'avant-garde, et anticolonialiste pourtant, ne s'est vraiment préoccupé du statut de la femme, critère de jugement de nos ministres intègres. Et de Frédéric Mitterrand.

Sans nous attarder toutefois à des rappels déontologiques voire simplement légaux qui supposeraient encore un reste de croyance naïve dans la pureté possible de nos dirigeants, on peut encore s'étonner. De dérive en dérive, la décomposition du jacobinisme le fait ressembler fort à une vielle charogne malodorante.

Que penser en effet d'un dirigeant parisien qui, le 10 janvier, fait l'éloge d'un certain gouvernement, apparemment bien en place. Le 14 janvier, celui-ci se trouvant contraint à l'exil, on fait mine de découvrir une corruption généralisée, tellement odieuse que "la France", comme on dit pour désigner son administration, lui refuse le droit d'asile qu'elle accorde sans discernement à des centaines de milliers de gens.

On ne peut même pas dire que ce ministre ignorait la situation : on apprend en effet, non pas immédiatement et de lui, mais après la bataille, le 23 janvier d'un témoin éminent, ancien Chef d'État-major des Armées (2), qu'il avait été gratifié, par ailleurs, d'un passeport tunisien par Ben Ali lui-même.

À quel titre ? Au titre de la culture carthaginoise, comme Madame de Romilly qui fut faite citoyenne grecque ?

Mais quels livres ? Quelles études ? Quelle thèse ? Quel engagement culturel, M. Mitterrand a-t-il consacré à quel Thucydide de quelle guerre punique ? Et puis, certes, Jacqueline de Romilly s'est engagée avec passion, avec intelligence et avec persévérance dans l'apologie, peut-être excessive, de la démocratie athénienne. Mais elle ne se préoccupait que du Ve siècle avant Jésus-Christ. Un helléniste conscient et organisé mettra cette spécialisation au débit de la "Grèce en marbre blanc". Elle n'a jamais fait la propagande des gouvernants actuels de l'État grec moderne. De plus, on convient assez ordinairement que l'hellénisme contribue, en partie, aux racines que se reconnaît l'identité française et européenne. Et, enfin, Mme de Romilly, et on doit peut-être le regretter, n'a jamais exercé de fonctions ministérielles.

On ne situe pas très bien, en revanche, le boulevard Hannibal-le-Carthaginois dans les rues du Vieux Paris.

Ne demandons pas à M. Frédéric Mitterrand de s'expliquer.

Demandons-lui simplement de partir, de le faire sans phrases, et, comme on entend le dire dans le débat sur l'euthanasie : "dans la dignité". Et cela lui permettra de reprendre, avec le bonheur qu'on lui connaît, son véritable métier.

JG Malliarakis

Apostilles

1. En pages 1 et 2 le 26 janvier.
2. L'amiral Jacques Lanxade, interrogé par le "Journal du Dimanche". Propos confirmés sur Radio Monte-Carlo. La nationalité tunisienne aurait été accordée à Frédéric Mitterrand directement par l'ancien président Zine El-Abidine Ben Ali, alors qu'il était encore au pouvoir. Chef d'État-major des Armées de 1990 à 1995, sous la présidence de François Mitterrand, l'amiral Lanxade fut ambassadeur de France en Tunisie de 1995 à 1999.

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Une passion pour Wagner

Ce 14 janvier à 6 heures du matin, une queue deux fois plus longue que d'habitude, en dépit du froid, rassemblait les passionnés de musique. L'opéra Bastille ouvrait les dernières réservations de la saison pour Siegfried et pour le Crépuscule des Dieux. Le chef-d’œuvre final de la Tétralogie n’avait pas été représenté à Paris depuis plus d'un demi-siècle.

Il semble juste aux connaisseurs de sortir le maître de Bayreuth de son injuste ostracisme, au moment où, en revanche, notre franco-tunisien ministre de la Culture décide d'y maintenir le cuirassier Destouches dit Louis-Ferdinand Céline.

Comparons donc le grand génie musical à son contemporain, dont la mémoire demeure impunie, Karl Marx, autre révolutionnaire. On se doit ainsi d'évoquer la question, scabreuse par excellence, du lourd traité antisémite de Marx intitulé "la Question juive". Insupportable aujourd'hui, à la vérité. À l'époque, la plupart des socialistes succombent à la mythologie anti-Rothschild. Wagner, hélas, malgré l'humanisme profond qui se dégage de ses livrets d'opéra, n'échappe pas entièrement aux préjugés anticapitalistes de son temps. Auteur de quelques pages regrettables dans ce registre, alors très banal, on lui doit reconnaître le mérite de s'en être tenu à la musique, croyant régler son compte à Mendelsohn. La plupart des musiciens juifs semblent lui avoir pardonné depuis, qui ont fourni d'admirables interprétations.

Tout cela pour dire que ni à la vérité Marx, ni donc encore moins Wagner, décédés l'un comme l'autre en 1883, ne sauraient, ni l'un ni l'autre, être tenus pour responsables de la noirceur du XXe siècle. Un peu moins vrai pour Karl Marx, cependant, et pour son ami Engels, qui eussent pris quelque plaisir, semble-t-il, à l'idée de trucider les bourgeois, et les démocrates. "Avoir compté Staline au nombre de ses admirateurs ne rend pas Marx responsable du Goulag", voilà sans doute ce que professera en ronchonnant un Pierre Bergé, nouvel actionnaire du "Monde" et président, par ailleurs, des "Amis", très parisiens, politiquement si corrects, "du Ring" wagnérien.

Pendant une trop longue période, l'œuvre de Wagner avait été proscrite du répertoire sur les rives de la Seine. Puis on a consenti à nouveau à la présenter au public. On a pris bien soin, pendant de trop longues années, d'en discréditer la dimension scénique. Nous avons subi de la sorte pendant des décennies des Lohengrin de carton-pâte, des Parsifal en fausses chemises brunes façon "cabaret cuir" de Hambourg. Le sommet fut atteint à l'époque du règne fâcheux de M. Mortier, où nous vîmes représenter un Tristan et Iseut de gay pride et/ou de télé réalité. Les deux héros passaient à l'acte sur scène, cependant que l'on nous révélait une "affaire" entre le jeune homme et le roi. Bill Clinton était enfoncé : sa Monika devenait un garçon.

Heureusement la bave de tous les crapauds n'a jamais réussi à enfermer le fleuve immense du génie musical et poétique wagnérien dans la misère de tels pastiches réducteurs et profanateurs.

En comparaison de tant de souvenirs, plutôt pénibles, les fautes de goût, bien réelles, de la dernière production de "l'Or du Rhin" en 2009 nous auront ont paru presque vénielles. Mieux vaut par conséquent ne pas même en énumérer la liste. Évoquons plutôt un vrai bonheur lyrique, une très belle direction d'orchestre, quelques voix de haute école, une Erda inoubliable, un Alberich très convaincant et des Filles du Rhin de grand talent, malgré des costumes fâcheux. Quelques semaines plus tard, la "Walkyrie", interprétée triomphalement et pratiquement sans faute, revenait sur les lieux du crime.

Que retenir dès lors, de cette introduction à la fresque dramatique et sacrée de l'Anneau du Nibelung ?

Osons le dire, d'abord : même en temps que révolutionnaire, Wagner se révèle supérieur à Marx, son contemporain presque exact. Concordance des dates. 1813-1883 pour le compositeur et dramaturge de génie ; 1818-1883 pour le chancre du British Museum. Le "Manifeste" est écrit en 1848 ; "l'Art dans la Révolution" date de 1849.

À la différence de son cadet, le beau Richard prend part aux événements de l'insurrection qui se voulait libératrice et que l'État prussien écrasera pour empêcher une unification démocratique de l'Allemagne.

On me saura gré, j'imagine, de ne pas chercher à tirer argument de ce que Marx a inspiré, mais non breveté, les systèmes totalitaires de Staline et de Mao Tsé-toung.

Richard Wagner fait le coup de feu sur les barricades. Karl Marx s'enferme dans sa bibliothèque.

En 1867 Das Kapital. En 1869 Rheingold à Munich.

Ce qui les sépare ne s'appelle pas seulement poésie, action, amour. Sur ce dernier terrain, les passions successives du musicien le brûlent comme un feu, le ténia du socialisme les amalgames chez lui, sa maîtresse vivant à domicile, dans son impudique pot-au-feu.

Il s'agit donc aussi, et d'abord, de deux vues du monde. À balles réelles pour l'un ; par procuration pour l'autre.

L'un comme l'autre expriment, dira-t-on, le même dégoût de ce qu'on appelle l'argent-roi. Mais de l'argent d'un roi, le poète saura construire à Bayreuth le temple du sublime.

Il reste encore à le découvrir, dans sa vérité. (1)

JG Malliarakis

1. cf. "Richard Wagner sa vie, ses idées, son œuvre" par Guido Adler

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Remarques à propos de Wiki et de la Turquie

Deux commentaires postés dans la nuit à la suite de L'Insolent du 22 janvier(1) m'amènent à fournir au lecteur quelques précisions personnelles sur ma façon de travailler.

Contrairement à la plupart des blogues, L'Insolent se veut une chronique entièrement indépendante de la présentation courante de l'actualité, écrite dans une langue la plus proche possible du français, en chassant l'anglicisme inutiles et vaseux, etc. (2)

Prétention inouïe, orgueilleuse, insulaire : je sais. J'assume.

On s'y intéresse ou on ne s'y intéresse pas.

Je reconnais à mes lecteurs, de plus en plus nombreux au bout de plus de 10 ans de présence sur la toile, le mérite de la patience, d'une lecture attentive, le goût de certaines nuances.

Je cherche donc à éviter, à tout prix, l'investissement passionné dans le commentaire du commentaire. Je crains terriblement ce qu'on appelle le "beuse". Il n'apporte au lecteur aucune information sinon sur l'ego du rédacteur.

Or, Wikipedia, se révèle à la fois une initiative prodigieuse et souvent très utile à qui sait s'en servir ; mais, en même temps il faut y voir une sorte de monstre qui résume à la fois toutes les potentialités et tous les mensonges, tous les dangers de l'internet.

Soyons donc précis : on peut s'y fier, et s'en servir, quand il s'agit d'y rechercher une courte notice sur les villes de Serbie, ou le catalogue Köchel des œuvres de Mozart.

On doit s'en méfier comme de la peste dès qu'un article touche à la subjectivité, et donc à la politique.

Je lui récuse, sur ce terrain, toute légitimité. Je me refuse par exemple à compléter ou corriger personnellement les notices qui me concernent et qui étaient au départ tellement diffamatoires que j'ai décidé de m'en désintéresser. À l'utilisateur ami de le faire s'il le désire.

On doit bien comprendre, en effet, que sur ce terrain plusieurs petites "cyberforces" concourent à intoxiquer les lecteurs. Elles utilisent pour cela des méthodes efficaces. Au fond on doit les savoir vieilles comme le monde. Elles ont été magnifiquement expliquées, à la grande époque du KGB, maître et rénovateur de la matière, par Vladimir Volkoff.

Inutile de prétendre se confronter victorieusement à ces machineries : il faut simplement en éviter l'éclaboussure en pratiquant ce que j'appelle "l'insularité". La désinformation existera toujours. Ne pas s'y mêler, s'en mêler, voilà tout.

Or, précisément, l'internet, outil technique observé en lui-même, peut aussi rendre le lecteur comme le rédacteur, et, de plus en plus l'auditeur, complètement indépendants.

Toute chose peut se transformer en son contraire…

Venons-en à la question de la Turquie. Ce qui m'intéresse, finalement, n'est pas de "combattre" ce pays et encore moins d'en dénigrer les habitants. À force de les étudier je finis par les estimer, du moins certains d'entre eux. Ce qui me préoccupe s'appelle l'identité européenne et la liberté.

Cette dernière me semble gravement compromise par l'intoxication systématique de ce dossier et par le discours totalement unilatéral qui prévaut.

Pour ce qui regarde l'identité européenne, je remarque que tous les arguments avancés en faveur de l'adhésion d'Ankara, bonne capitale d'Asie mineure, à l'Union européenne militent, bien plus encore, pour l'entrée du Japon. Personne n'y pense, quel dommage !

Ah ! Comme l'Europe deviendrait riche en pétrole si le Venezuela ou le Nigeria en devenaient membres !

L'intérêt que je finis par porter à l'actualité de la Turquie, me forçant à lire chaque matin 3 à 5 articles d'un journal turc, en général Zaman, ou de temps en temps Hürriyet, me dit vraiment quelque chose sur nos identités respectives, nos Histoires, et notre façon de l'écrire.

Alors que penser de cette affaire dont les Français ne se préoccupent guère, puisqu'on ne leur en parle pas, de l'assassinat le 19 janvier 2007 du journaliste arménien Hrant Dink, de son assassin et de ceux qui l'ont inspiré : certainement pas en lisant Wikipedia. Pourtant c'est la première chose que tout le monde fait, en général.

Ci-dessus la capture d'écran réalisée le 19 janvier, en utilisant Google, et en tapant le nom de l'assassin : il en apparaissait beaucoup d'autres mais celui-là, sur Wikipedia était le premier article en langue française. C'était bien évidemment un article confectionné par une intelligente cellule de désinformation, militaire ou nationaliste, turque. J'invite le lecteur à le parcourir, tel que le texte se présentait à ce moment-là. Celui-ci, dans ce cas précis, sera probablement corrigé, c'est la force de Wikipedia. Des lecteurs de différents points de vue s'y engouffreront. Ce sera une petite bataille où la vérité l'emportera peut-être, pour une fois, souhaitons-le.

Agissons, si nous en avons le temps, le goût, la compétence.

Il est 8 heures, ce dimanche matin. Aux lecteurs de passage, et à tous, je souhaite une belle et sainte journée, consacrée au Seigneur.                      

 JG Malliarakis

Apostilles

(1) http://www.insolent.fr/2011/01/la-semaine-des-revelations-en-turquie.html

(2) L'anglais, parlé par un anglophone, peut être une très belle langue, presqu'aussi belle que l'italien, n'en faisons pas l'ingrédient d'un sabir arbitraire qui dénature le français.

La semaine des révélations en Turquie

Au 4e anniversaire du meurtre, commis le 19 janvier 2007, du journaliste arménien Hrant Dink, on doit constater que le terrain judiciaire a permis à une certaine vérité d'avancer. Cela s'est surtout concrétisé d'une manière paradoxale, sans doute imprévue. Car cette affaire se rattache à un nombre impressionnant de crimes du même ordre, commis depuis plusieurs années.

Ils ont été perpétrés notamment, mais pas seulement, contre les chrétiens.

Au fil du temps, on a pu découvrir que l'intention des instigateurs s'inscrit dans le cadre d'une politique intérieure généralement mal comprise des Européens et, encore moins, des Américains. Autrefois un vieil adage du mépris de fer britannique considérait que "les nègres commencent à Calais". Heureusement les Occidentaux ont rompu avec cette erreur. Ils en commettent cependant une autre, pensant que le caractère formel des institutions démocratique de la Turquie en fait un pays en tous points semblable aux leurs.

À Istanbul et Ankara la presse que l'on qualifiera de gouvernementale, les journaux pro-AKP (1), classés à droite, mais également aussi quelques journaux de gauche, parviennent désormais à mettre en cause, et à démontrer, l'hypothèse de réseaux militaro-mafieux, stigmatisés dans ce pays sous le nom "d'État profond".

L'interminable procès du réseau serpent de mer appelé "Ergenekon" divise fortement la Turquie en deux camps. À lire respectivement "Zaman" et "Hürriyet", on en arrive à considérer que deux vérités, peut-être même deux nations se confrontent.

Le premier groupe se situe sur la défensive. Il se retrouve sur le ban des accusés du complot "Ergenekon". S'y a été ajouté le dossier du projet de coup d'État appelé "Bayloz" (2) : en tout, les officiers supérieurs, généraux, amiraux et colonels impliqués atteignaient fin 2010 le nombre de 400. Ils s'identifient au parti de la laïcité, désireuse de s'opposer à la "réaction". Mais n'oublions pas que, dans un tel pays, les militaires représentent aussi un poids économique et social considérable : avec 790 000 hommes sous les drapeaux, le taux de militarisation de la Turquie n'est dépassé dans le monde que par celui de la Corée du nord et, par ricochet, le taux de son adversaire du sud. Or, rappelons-le, contrairement aux deux parties du pays du Matin Calme, la république kémaliste n'est entourée que de petits pays. N'inversons pas les rôles : ce n'est pas la Grèce, effectivement contrainte de déployer un très coûteux effort militaire, qui menace le "pays voisin".

Depuis la rédaction de la constitution de 1982, imposée par les auteurs du coup d'État de septembre 1980, et jusqu'à l'arrivée au pouvoir de l'AKP en 2003, le pouvoir suprême était détenu par le MGK (3). Dans cet exercice, l'État-major d'Ankara, recruté par cooptation, pouvait compter aussi sur le soutien de la haute magistrature. À celle-ci l'attachaient ces tendres liens qu'on appelle "philosophiques" dans des quotidiens tels que la "Nouvelle République" de Tours, la "Dépêche" de Toulouse" ou "l'Est républicain" de Nancy. En Turquie comme en France, le jacobinisme et le laïcisme s'appuient toujours sur les mêmes réseaux.

En face d'eux se trouvent des gens, ceux du parti au pouvoir "AKP", mais également du mouvement islamo-moderniste de Fethullah Gûlen, que l'on qualifie ordinairement, mais peut-être abusivement, en tout cas vaguement, sans que les mots aient été préalablement définis, d'islamistes. À terme, ces musulmans militants et confrériques représenteraient si d'aventure leur pays entrait dans l'Europe, un danger certes beaucoup plus grand que leurs compatriotes kémalistes ou leurs coreligionnaires salafistes.

Constatons que dans le court terme, leur action a permis de mettre en lumière les faces d'ombres de l'Histoire contemporaine de leur pays.

Les occidentaux de ma génération, par exemple, avaient été bercés de la légende de ce qu'on appelait l'helléno-turquisme, les "frères ennemis Grecs et Turcs", réconciliés depuis le gouvernement de Venizelos (1928-1932). Cette rumeur optimiste prospéra jusqu'aux jours noirs de septembre 1955. Les Grecs de Constantinople furent alors victimes de violences inacceptables. Ils durent quitter une Ville, leur Ville, la Ville, que l'on disait "Immortelle", vieille comme l'Histoire humaine, et pourtant d'une beauté toujours étincelante, aujourd'hui encore sous son nom définitivement turc d'Istanbul.

Sans s'étendre sur cette page sombre et lamentable, retenons que jusqu'à une date très récente, ceux qui la connaissaient, bien peu nombreux en France, pays qui ne se connaît pas d'ennemis, en rendaient responsable le gouvernement d'Adnan Menderes. Et celui-ci avait été renversé, et pendu par les militaires kémalistes en 1961.

Or tous les documents publiés par les journaux officieux, à la faveur de la lutte entre le gouvernement civil de l'AKP et les comploteurs d'Ergenekon, prouvent le contraire de ce que nous pensions jusque-là. Tous ces crimes avaient été provoqués par "l'État profond" en vue d'une politique machiavélique.

Notre interprétation superficielle résulte précisément de la désinformation. Elle avait été fabriquée par le jacobinisme local et propagée par ses cercles de confraternité en Europe occidentale et aux États-Unis.

Le régime bipartisan avait été institué en 1946 dans le contexte de la guerre froide et du plan Marshall. Cette apparence, renforcée par l'adhésion à l'OTAN en 1952, allait certes permettre au parti démocrate de récupérer une partie du public musulman, légitimement heurté par la laïcisation à marche forcée de la République à l'époque de son fondateur.

Mais les limites de la liberté sont demeurées, cependant, étroitement surveillées par des équipes adverses, "républicaines", animées d'un nationalisme militaire ombrageux et même obsidional. "Le Turc entouré d'ennemis, inculquent-ils dès l'enfance aux petits écoliers, trahis par les siens, doit faire face et remporter la victoire". (4)

Leur habileté avait consisté à se présenter pour les sous-traitants indispensables du pacte atlantique et de la stratégie occidentale dans la région. En bons serviteurs de l'idée qu'ils se font de leur intérêt national, et d'un destin géopolitique "de l'Adriatique à la muraille de Chine", ils se préoccupent, de toute évidence, comme d'une guigne de l'Atlantique et de l'Occident. Qu'ils aient pu apparaître comme les alliés des Israéliens hier, comme les protecteurs des Arabes aujourd'hui, donne à sourire. La défunte Yougoslavie a cru aussi les compter au nombre de ses amis.

Même la Commission européenne commence à prendre conscience du sens réel des négociations. Elles ne se déroulent pas en vue de l'adhésion et ne peuvent pas aboutir à en faire vraiment un État-Membre. Elles ne sont pas menées en vue de cette fin. Les équipes rivales de l'AKP ont hérité du dossier en 2003. Elles en tirent parti, depuis, dans le sens des réformes internes, plus ou moins libérales, qu'elles souhaitent mettre en œuvre, pour des raisons spécifiques à leur islam confrérique.

Le danger à long terme que représente leur démarche réside en ceci : elle organise, beaucoup plus efficacement que ses concurrentes arabes, saoudiennes, marocaines ou égyptiennes, la propagande, le matraquage et le chantage en vue d'une reconnaissance de l'islam comme "l'une des religions de l'Europe", voire même la "deuxième religion de France". Et ces énormes mensonges s'installent peu à peu.

La thèse de l'accusation dans les procès "Ergenekon" comme dans le sous-dossier "Bayloz" tend à donner une explication commune à tous ces faits qui s'apparentent à l'assassinat de Hrant Dink, soit aussi bien :
- les persécutions du reliquat de populations chrétiennes,
- les actions directes contre les missionnaires, évalués par le MGK comme un danger stratégique pour le pays depuis 2001, et présentés comme tels par une partie de la presse,
- ainsi que les tensions perpétuelles et provocatrices avec la Grèce,
- la fermeture des frontières de l'Arménie depuis 1993,
- le refus d'une solution acceptable à Chypre depuis 1974,
- ou même la mise à mort de 37 alevis à Sivas par une foule où se mêlaient à la fois les intégristes islamistes et les loups gris (5),
- ou l'assassinat mystérieux d'un journaliste comme Ugur Mumcu :
… tout cela résultait donc d'un propos délibéré, protégé par "l'État profond".

Il s'agit, au bout du compte, de maintenir la Turquie sous le joug militaire, de présenter leur intervention comme "barrage à l'islamisme".

Les quatre coups d'État réitérés de 1960 à 1997, aux applaudissements de l'occident, trouveraient leur origine dans cette perspective ainsi que l'invasion de Chypre en 1974 et le maintien d'un régime d'occupation dans le nord de l'île. (6) Ce boulet pèse lourd, sans aucun profit pour la Turquie.

Face à cette authentique "stratégie de la tension" le fameux mot d'ordre du ministre des affaires étrangères "pas de problème avec nos voisins" remplit dès lors une fonction à usage interne.

Tout cela demeurait masqué, voilé, mis en doute par la défense des comploteurs, sûrs d'eux.

Coup de théâtre la semaine écoulée, qui correspondait au 4e anniversaire de meurtre de Hrant Dink.

Les audiences du 17 et du 18 janvier du procès ont, ainsi, mis en relief une personnalité bien significative : celle du olonel de gendarmerie en retraite Arif Dogan. (7) En septembre 2010 on apprenait ses implications dans des crimes que l'on attribue désormais à Jitem, service secret illégal de la gendarmerie turque.

Jitem, rappelons-le, correspond à une structure parallèle fonctionnant à la fois comme service de renseignement et comme "service action" exécuteur des basses besognes. En particulier, à partir des années 1980, une guerre impitoyable a ravagé le sud-est anatolien sous le drapeau du PKK, organisation marxiste-léniniste "parti des travailleurs" (8) se réclamant du Kurdistan. À la même époque l'utilisation du mot même de "Kurde" était sanctionnée par des peines très dures. Il fallait user d'un euphémisme tel que "Turc de la Montagne". En face de cette situation de négation de leur identité culturelle, les populations considérées ont représenté, dès le début de la république, et après une très courte période d'entente avec Kemal, un foyer permanent de rébellions.

Celles-ci ont pris toutes les colorations, notamment celle d'une résistance, qualifiée de féodaliste et obscurantiste. Les excès antireligieux du gouvernement d'Ankara, plaisaient beaucoup en Europe occidentale, en Union Soviétique, en Amérique et, bien entendu, au grand-orient de France.

La dernière force de révolte en date a été fondée en 1978 par un militant gauchiste appelé Abdullah Ocalan. Elle invoque, au contraire des précédantes, une idéologie révolutionnaire que l'iconographie des affiches collées dans les villes d'Europe où le PKK est implanté confirme à l'évidence. Son organisation prit les armes à partir de 1984. Le conflit doit avoir fait 44 000 victimes en un quart de siècle. Il s'agissait, il s'agit encore puisque le terrorisme a repris, d'une vraie guerre.

On ne doit donc pas s'étonner que tous les moyens pour réduire cette affaire aient semblé légitimes aux forces locales du maintien de l'ordre. Et à plusieurs reprises les "protecteurs de villages", recrutés officiellement, ont été dénoncés par les gens qui imaginent de réduire cet État aux critères de l'Europe bien-pensante et consommatrice. (9)

Dans un tel contexte, il a été révélé par le colonel Arif Dogan lui-même que, dès 1986 les réseaux du service secret turc ont suscité et armé un mouvement terroriste kurde rival lui-même, le "Hizbullah" dirigé par Husseÿn Velioglu. Ce dernier mourra en définitive, après 15 ans de violences, sous les balles de la police turque en 2000, dans le cadre d'un kidnapping qu'il avait organisé.

L'idée de recruter ainsi des musulmans fanatiques au sein de la population kurde pour servir aux fins de l'ordre turc n'a certes pas été découverte par le colonel Arif Dogan. Elle avait déjà connu une certaine notoriété à l'époque des premières exactions massives commises à l'encore des Arméniens à la fin du XIXe siècle. Fondée en 1890 sous le règne de Abdul-Hamid II l'unité de cavalerie ottomane "Hamidiyé" passe même pour avoir représenté les précurseurs, dans les années 1895-1896, du génocide de 1915. Mais la différence reste considérable entre une unité répressive d'inspiration légale et un groupe terroriste.

Or l'audience des 17 et 18 janvier a permis au colonel de se justifier, et de le faire d'une manière extrêmement violente. Tel un vieil homme usé, aosr qu'il n'est âgé que de 65 ans (10), il accédait difficilement à la barre. Mais il a explosé et rompu avec le système de défense de tout le camp kémaliste. Depuis le début, celui-ci se voulait "serein". Il nie l'existence du complot : "un simple wargame (en français : kriegspiel), une étude d'école, la réplique purement théorique du coup d'État du général Evren en septembre 1980, etc." Toutes les accusations dont nous faisons état relèveraient d'une propagande odieuse, mensongère, et, horresco referens pour les temps qui courent "islamiste". "Ergenekon" ? Une "légende urbaine" !

Patatras, ayant dirigé pendant 8 ans une lutte antiterroriste, le colonel Arif Dogan s'est mis à hurler qu'il avait défendu son pays. Effectivement. Le président lui demanda donc de se calmer. Mais la révélation était faite : oui, le Jitem avait bien orchestré une activité illégale, oui il avait suscité le Hizbullah kurde de Turquie, oui ce Hizbullah était conçu comme un "Hizb-kontra" sur le mode des "contras" latino-américains, oui ces soi-disant parangons de la laïcité et de l'intégrité du territoire avaient embrigadé des islamistes séparatistes. Sympa le colonel. Il ne restera plus à ses compagnons d'hier que la ressource de faire circuler sa photo et de nous persuader que "toute vieillesse est un naufrage".

Et puis le 19 janvier, vint le tour de l'assassin effectif de Hrant Dink. Incarcéré depuis les faits ce jeune idéaliste de 17 ans ne semble pas avoir trop souffert de son incarcération. Il semble même qu'il ait "été fêté [et nourri] comme un héros national". Or ce jour-là, Ogün Samast a reconnu avoir été envoyé vers sa victime, et encouragé dans son intention meurtrière, par des officiers de gendarmerie.

Si l'on devait croire la "fameuse" encyclopédie Wikipedia, qui ne donne guère d'autres détails à son sujet, le jeune activiste aurait eu de bonnes raisons de liquider Hrant Dink. Il prête en effet à sa victime une déclaration un peu surprenante, dont Wikipedia ne donne évidemment pas la référence : "vider un jour ce sang turc empoisonné et de remplir avec le sang neuf de l’Arménie qui après l’indépendance paraît comme l’avenir des Arméniens du monde entier". Que, quatre ans après le meurtre, Wiki demeure encore alimentée par de tels bobards, en dit long sur la source dominante des gens qui fabriquent et amplifient les rumeurs mondiales.

Rappelons aux lecteurs qu'officiellement, en Turquie, tout le monde a condamné moralement ce crime. Si ce courageux journaliste, qui se savait menacé avait prononcé une phrase pareille, aussi provocatrice, très peu de gens, y compris dans les milieux arméniens eussent pris sa défense, et il serait allé directement en prison, en application du code pénal.

La décision de le liquider semble avoir été prise à partir de 2003. Hrant Dink représentait, dans son journal "Agos", un symbole insupportable. Pour la première fois depuis les événements tragiques qui ont purgé en 1915 la Turquie de l'essentiel de sa population arménienne, puis en 1922 de l'essentiel de sa population grecque, un représentant des survivants de ces minorités osait écrire librement, revendiquant son identité sans pour autant renoncer à sa citoyenneté. Dans tous les systèmes autoritaire clos, la dissidence intérieure appuyée sur le droit, est considérée comme pire que l'exil, pire que la trahison.Quatre ans plus tard, le quotidien Zaman, proche du gouvernement, reconnaît que "Hrant Dink a été victime de la fumée".

Nous dirions plus crûment en France : de l'enfumage systématique.

Autrement dit : les inspirateurs de ses assassins ont bénéficié des puissants instruments de désinformation mis en place et protégés par la complaisance occidentale depuis l'installation en 1946 d'un bipartisme apparent. Jusqu'à l'arrivée au pouvoir de l'AKP en 2003, ce régime avait été limité par divers putschs militaires. Et ceux-ci ont jalonné l'Histoire de ce demi-siècle, y compris le coup d'État dit postmoderne de février 1997.

Comme dans d'autres pays musulmans d'ailleurs, la dictature policière glauque a produit le fumier qui permet à l'islamisme de fleurir.

JG Malliarakis

Apostilles

1. AKP = "Adalet ve Kalkinma Partisi" (en turc : le parti de la justice et du développement, fondé et dirigé par l'actuel premier ministre Erdogan actuellement majoritaire au parlement en attendant les résultats des élections de juin 2011).
2. Ce nom de Bayloz correspond à l'appellation turque. Le nom anglais "Sledgehammer" apparaît couramment dans la presse. En français ce mot se traduit par "masse" [du forgeron] ; nous dirions plutôt : "massue" [avec un "e"…].
3. MGK = "Milli Guvenlik Kurulu" (en turc : le Conseil de sécurité nationale)
4. cf. Une scène bouleversante du très beau film "En attendant les nuages" ("Bulutlari beklerken") de la réalisatrice Yesim Ustaoglu.
5. Voir à ce sujet les images de la manif meurtrière. Pas besoin d'avoir étudié la langue d'Omar Pamuk pour comprendre…
6. Sur ce point, la fable de la défense des Chypriotes-Turcs contre les [très méchants] Grecs est balayée par la réalité même de la zone nord occupée, où les autochtones, devenus minoritaires dans leur propre réduit, souvent émigrés au Royaume-Uni, n'exercent plus qu'un pouvoir de façade.
7. Ne pas confondre avec le général Çetin Dogan, ancien chef de la première armée turque et principal accusé du complot "Bayloz".
8. PKK = "Partiya Karkerên Kurdistan" (en kurde : parti des travailleurs du Kurdistan")
9. On se reportera à à mon petit livre sur "La Question turque et l'Europe".
10. Voir son transport en chaise roulante au moment de ses premiers aveux en octobre 2010.

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Nouveaux oukases fiscalistes en vue

Certains s'étonnent de la myopie du gouvernement de Paris vis-à-vis du problème de la démocratie en Tunisie. Les mêmes feraient bien de s'interroger sur la manière de gouverner telle qu'elle fonctionne en France.

Sur le site de Tf1 voilà, en effet, comment ce 17 janvier, on présente aux Français le soi-disant débat fiscal promis par "Bercy", citadelle anonyme, pour l'année 2011.

Commençons par le titre : "Le gouvernement fera des annonces fin février". En droit constitutionnel strict, la loi fondamentale de 1958 n'avait pas retiré formellement à la représentation nationale, aux députés et aux sénateurs, le pouvoir législatif de voter les lois. Elle l'a simplement encadré de plusieurs bornes qui restreignent, singulièrement, et à leur détriment le champ d'application de ce principe de séparation remontant à Montesquieu.

Tout d'abord, et on ne doit jamais l'oublier, l'article 37 (1) du texte concocté par MM. Debré, Capitant et quelques autres, dès lors qu'il institue le pouvoir réglementaire de l'administration permet à celle-ci d'annuler l'effet de textes de lois susceptibles de déplaire. Le moyen simple et à vrai dire : imparable consiste à ne pas rédiger de décrets d'application. Cette pratique n'a pas cessé de se développer, en grande partie sous le poids de la quantité des réformettes décidées chaque année. D'autre part, la plus banale des négligences a laissé s'empiler la part des projets devenus velléités et effets d'annonces, justement.

Et puis on a habitué les Français à se désintéresser des débats parlementaires, à considérer que les lois s'élaborent le mercredi en conseil des ministres. De la sorte, non seulement les projets d'origine gouvernementale l'emportent en nombre, et de très loin sur les propositions parlementaires dans la quantité des mesures votées, mais encore on a habitué les Français à ne pas tenir compte des débats des assemblées.

Voici donc ce qu'on leur annonce aujourd'hui à propos de la fiscalité du patrimoine :

"Le gouvernement annoncera d'abord quelles pistes il aura choisi d'écarter, puis, un mois plus tard, quelles pistes il aura retenues. Un projet de loi de financra présenté en conseil des ministres "fin avril" pour être discuté au Parlement avant l'été. François Baroin a assuré que le gouvernement conserverait "une idée simple sur l'impôt de solidarité sur la fortune", "une idée simple sur le bouclier fiscal" et "une idée simple sur la constitution de ce nouvel impôt sur le patrimoine qui devra surtout répondre à un objectif : la stabilité fiscale".

"Ce qu'on souhaite, c'est un consensus politique avec notre majorité et que ce soit" une réforme "équitable", a assuré le ministre.
"

Concrètement, ceci se traduira sans doute par un escamotage de la perspective d'une suppression conjointe de l'ISF et du bouclier fiscal, initialement avancée. On peut toujours faire confiance aux hommes de l'État pour reprendre 10 fois de la main gauche ce qu'ils ont fait semblant de concéder de la main droite. Un prochain "arbitrage" aboutira donc, très probablement, à un renforcement de la fiscalité des plus values, à une hausse de la tranche maximale de l'impôt sur le revenu, à un rehaussement de la CSG, à la pérennisation de la CRDS, et enfin, pour faire bonne mesure, à deux ou trois points de TVA supplémentaire qui seront présentés comme autant de mesures, de "TVA sociale", voire d'assainissement. Personne ne protestera et le MEDEF se dira à peine contrarié. Toute objection se trouvera rejetée comme ultralibérale. En contrepartie, on accordera deux ou trois assouplissements inévitables à l'ISF, sur le domicile principal et sur le plancher d'imposition notamment, et là-contre la gauche hurlera, dénonçant les "cadeaux fiscaux" accordés aux riches.

Le point essentiel à considérer porte sur la lente décrue des prérogatives parlementaires et des procédures démocratiques dans notre pays (1). À l'époque féodale, aucun impôt ne pouvait être prélevé sans l'assentiment des contribuables. Il ne faut pas voir ailleurs l'origine de la grande charte anglaise du XIIIe siècle, et pour son homologue française la grande ordonnance du XIVe siècle. De là est sorti le parlement de Westminster. Guillaume Tell, père de la démocratie helvétique ne voulait pas non plus payer l'impôt aux princes de Habsbourg. Le concept des sujets taillables et corvéables à merci a fait, en revanche beaucoup plus d'adeptes dans l'époque moderne, et en France, l'École saint-simonienne y aura beaucoup contribué.

Aujourd'hui personne ou presque n'ose élever la voix, de peur de contrarier nos bons maîtres républicains, laïcs et obligatoires. Et quand il s'agit du fiscalisme, la menace du contrôle fiscal produit son effet terrorisant supplémentaire.

Tout cela explique d'autant plus la décadence de nos libertés et de la prospérité du pays.

JG Malliarakis

Apostilles

1. Article 37 de la constitution du 4 octobre 1958 : "Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d'Etat. Ceux de ces textes qui interviendraient après l'entrée en vigueur de la présente Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa précédent."
2. Pour découvrir au contraire comment, et à quel prix, l'Angleterre est devenue à partir du XVIIe siècle, de haute lutte, une démocratie parlementaire, il faut lire le très agréable petit livre d'Edmond Sayous "Les Deux Révolutions d'Angleterre".

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Affaire Battisti responsabilités parisiennes

Inversions du sens des mots. Tous les jours elles se manifestent, et elles s’aggravent. Les politiciens de la gauche dorée, comme les vaseux communicants, s’y emploient souvent mieux que quiconque. Ainsi Mme Royal, grande vestale autoproclamée du culte mitterrandien, appelle à considérer, depuis 2007 que l’affaire de Cesare Battisti serait devenue une "affaire entre le Brésil et l’Italie".

Ceci pourrait vouloir dire, en accordant au langage sa fonction de vérité, que les jugements prononcés à son encontre par les tribunaux européens, en l’occurrence transalpins, peuvent et doivent être appliqués avec l’appui de la France.

Mais dans la pratique les sophistes et autres énarques qui nous gouvernent alternativement, mais toujours presque identiquement, estiment se défausser à bon compte de leurs propres erreurs passées.

La question de l’extradition de cet ex-terroriste, plus ou moins idéologique (1) a été sabotée, par suite de connivences parisiennes mal élucidées. Le contumax Cesare Battisti, en fuite a été condamné à plusieurs reprises entre 1981 et 1996. Impliqué dans quatre meurtres, commis à partir de 1978, il avait été arrêté le 26 juin 1979. En 1981 ses complices organisent son évasion, après condamnation. Réfugié pendant de longues années à Paris, bénéficiant des indulgences notoires de l’administration jacobine, il a pu s’enfuir, après un décret d’extradition signé par les autorités parisiennes en 2004, vers le Brésil.

Ce dernier pays, de grand avenir, depuis longtemps, et qui le restera longtemps encore, est aujourd’hui considéré comme un client potentiel du Rafale, et il le demeurera non moins longtemps. Cela suffit à ce que son amitié paraisse indiscutable, et de nature à dissuader d’imprimer toute critique irresponsable dans la presse, réputée libre, de notre Hexagone.

Hélas "le grand pays ami" refuse maintenant d’appliquer les conventions qu’il a signées, de longue date, avec le gouvernement de Rome. On remarquera que cette décision a été prise, au dernier jour de son mandat, le 31 décembre 2010, par le délicieux Louis-Ignace da Silva. Lui-même ex-gauchiste on le désigne plus couramment, tel un champion local de podosphère, sous son diminutif câlin de Lula.

À plusieurs reprises, nos amis transalpins, et d’abord les hommes politiques représentatifs de la partie non-violente, et elle-même attachée à la démocratie, de la gauche ont protesté contre la désinvolture et l’outrecuidance dont ont fait preuve, dans cette affaire, les dirigeants de Paris, et maintenant, à leur suite, ceux de Brasilia.

Le gouvernement Prodi (2006-2007) avait ré-affirmé la demande d’extradition, officiellement acceptée par un décret signé par Raffarin en octobre 2004. Un socialiste comme Manuel Valls a pu souligner alors que l’intéressé n’appartenait pas à la gauche démocratique et que celle-ci récuse toute forme "de complaisance vis-à-vis d’un terroriste [...] condamné pour crimes de sang" et "d’attachement à un pseudo-romantisme révolutionnaire, ainsi que toute forme de complaisance vis-à-vis d’un terroriste, quel qu’il soit". (2)

En 2011 c’est le président de la République M. Napolitano qui prend solennellement position. Il s’exprime d’ailleurs dans le contexte du 150e anniversaire de la fondation du Royaume d’Italie, unifié en 1861 par la maison de Savoie et grâce à son premier ministre Cavour. (3)

Le chef de l'État transalpin déclare : "je réagis contre ceux qui veulent la division du pays". Son accusation était publiée en première page de l’édition dominicale de "La Repubblica" du 9 janvier 2011. Elle implique, sans nommer ni exclure quiconque, les représentants de la classe politique romaine qui n’ont pas su faire comprendre la protestation profonde de la nation et du peuple italiens bafoués dans cette affaire.

Gardons toujours en mémoire cet apophtegme exprimé par mon vieil ami Hubert Saint-Julien : "quand on se veut un patriote français, on se doit de raisonner aussi, quelque part, en patriote italien". Il ne peut pas y avoir pour nous "d’affaire entre l’Italie et le Brésil" qui, n’en déplaise à Mme Royal, ne nous interpellerait pas.

Si l’Europe des nations doit cesser un jour d’apparaître pour un slogan creux, elle deviendra l’Europe des peuples à laquelle tout Européen sérieux aspire. Certes on comprend sans difficulté qu’au sein de l’Union actuelle, façonnée depuis 20 ans par les traités inter-gouvernementaux de Maastricht, de Nice et de Lisbonne, tel État-Membre peut et doit penser lui-même, par exemple, les besoins et les critères de son rapport à l’unité ou à la régionalisation.

Mais on ne peut pas accepter que soit piétinées les aspirations d’un peuple appartenant, du nord au sud de la Péninsule, à notre famille, à notre maison commune, à notre culture.

Or l’affaire Battisti est présentée de manière tout à fait frivole, sous l’angle du "pardon", du "talent" et de la "promesse du président Mitterrand".

Jusqu’ici ce "pardon" n'a pas été demandé aux représentants des victimes et de la loi italienne auxquels reviendrait éventuellement le privilège, et peut-être le devoir de les accorder, face à la manifestation sincère d'un repentir.

Notons que, lorsqu'on l'interrogeait, l'intéressé affirmait que "politiquement il assume tout".

Reconnaissons également que le "talent", celui d’un auteur de romans noirs, impose au moins autant de devoirs qu’il ne confère de droits.

Quant à la "promesse", attribuée au défunt président, dont toute la gauche dorée, Mme Royal en tête, exprime "l’envie" de reprendre bientôt la succession, constatons qu’elle n’a guère été prononcée devant le peuple français et qu’elle n’engage certainement pas le peuple ami de la "Sorella latina".

JG Malliarakis

Apostilles

1. Il agissait au nom de prétendus "Prolétaires armés pour le communisme", marginaux par rapport à l’extrême gauche, et que même les "Brigades Rouges" considéraient surtout comme des criminels de droit commun.
2. il intervenait sur France Inter le 3 septembre 2007 à 19 h 30, dans l’émission "Le franc-parler"
3. Dois-je rappeler à mes lecteurs français que ce que les libéraux italiens dénonceront 30 ans plus tard, avec Vilfredo Pareto, résultait de la dérive de cette unité "vertueuse" du royaume, par la faute de l’intervention financière des hommes politiques ?

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Qui mieux que Strauss-Kahn peut entretenir votre Strauss-Kahn?

Le feuilleton des primaires du parti socialiste en vue de 2012, nous donne une occasion presque inespérée. Il éclaire, bien au-delà du petit monde de la gauche parisienne, les ressorts profonds et les vrais secrets de notre système qui se prétend démocratique.

Commençons par révéler l’arcane fondamental de la Mitterrandie. Intimement liée au gros argent, dans le fromage duquel la tribu du défunt président s’est employée à se creuser un confortable trou de gruyère, il lui fallait produire de l’illusion sociale.

L’antiracisme fut érigé en dogme, à grand artifice élyséen. On l’appuya progressivement sur une Inquisition, dont le tribunal s'appelle se reconnaît aujourd’hui avec la Halde. Il avait été matraqué par l’artillerie des télévisions, des radios et la grosse presse. On dressa pour cela un immense théâtre de Guignol aux proportions de l’Hexagone. <1nbsp;br />
On y trémoussa le monde de la chanson. <1nbsp;br />
On mit la variété au service de la diversité. Toutes les petites machines à abrutir et toutes les techniques d’ahurissement furent mobilisées.

Cela ne suffisait pas. Il fallait distribuer aussi de l’argent.

Et les usines à gaz de la finance étatique tournèrent dès lors à pleines turbines. Je reviens donc ainsi sur le propos des conséquences de ces gaspillages générateurs de déficits. Il a été évoqué de façon trop brève dans ma chronique d’avant-hier (1). Le dispositif général de subventions, de création de besoins de la société, d’invocations parfaitement creuses de prétextes misérabilistes, a engendré la dérive actuelle de l’État Providence. Il faudra bientôt hélas, au gré d'une inévitable actualité, revenir sur ce que signifie véritablement cette situation de quasi-faillite.

Si la dette nominale de l’État français est passée de 92 à 11nbsp;550 milliards d’euros, si elle s’est multipliée par 17 en 30 ans, c’est-à-dire depuis l’ère Mitterrand, si toute tentative pour enrayer ce système décadentiel a fait l’objet des plus ardentes, et des plus hypocrites, dénonciations, la raison fondamentale n’en relève pas du mystère. La gauche caviar n’a jamais disposé d’aucune autre ressource de survie, d’adossement sur un électorat populaire et sur l’industrie du spectacle, que le recours à l’endettement.

Précisons au besoin que la rage actuelle de ce qu’on appelle les associations, elles-mêmes subventionnaires, pour venir à la rescousse de l’immigration illégale et mafieuse, ne fait que prolonger, et aggraver la fabrication de cette démagogie de la misère régnicole. Que tout cela se soit progressivement nourri de l’assèchement de la substance française, de l’artisanat français, des petites entreprises, du travail acharné et séculaire d’un peuple, de la richesse d’une terre, des ressources d’un patrimoine historique, voilà qui certes interpelle tous ceux qui aiment sincèrement ce pays. Mais, au fond, que pèsent électoralement de tels attachements, si profondément puissent-ils agir sur les âmes, face aux rouleaux compresseurs de la finance.

Voici donc tout le charme et le mirage du concept Strauss-Kahn. Ne tombons pas dans le piège de nous enfermer dans son labyrinthe biographique. Depuis 1999, depuis sa démission pressée par une certaine affaire, encore glauque mais dont il fut blanchi, on ne lui connaît aucune réalisation d’ampleur nationale. Il se targuait alors d’avoir réformé la taxe professionnelle. Galéjade. Air connu. Refrain lassant1nbsp;: plus on modifie cet impôt, plus il coûte aux entrepreneurs. Depuis lors on a oublié l’œuvre et le personnage, et disons-le, de Dunkerque à Perpignan, de Brest à Strasbourg, on s’en préoccupe comme d’une guigne. Seules s’en soucient sa bonne, et belle, ville de Sarcelles et le périmètre Auteuil-Neuilly-Passy où siègent respectivement son cœur, immense, et son portefeuille, accueillant.

Et à vrai dire le pronostic le plus vraisemblable en fait, peut-être, l’arbitre du scrutin présidentiel futur, mais plus difficilement un candidat. La présidence de l’Union européenne lui reviendrait plus aisément que celle de la république jacobine. Il excellera mieux à convaincre 27 personnes, dont quelques dames, composant le Conseil européen, qu'à séduire 40 millions d’électeurs français.

Ce qui compte en Strauss-Kahn ne tient donc pas à sa personne mais avant tout à une abstraction. Certaines revues économiques ont pu voir en lui, et le présenter pour le sauveur du capitalisme, et l’extrême gauche le dénonce comme un fossoyeur du socialisme. Voilà qui paraît doublement excessif. L’étatisme peut parfaitement se passer d’un tel équarrisseur, il croule déjà sous le poids de ses dettes. Son habileté proverbiale à jongler avec les chiffres et à parler mieux l’anglais que la moyenne des politiciens français le fait passer pour fort intelligent. La presse belge1nbsp;(2) en fait l’homme le plus médiatique du monde.

Pas sûr que son ambition se résumerait donc à nettoyer lui-même et directement la crasse produite par la Mitterrandie, précieusement conservée par la Chiraquie. Il franchisera le garagiste, mais ne mettra pas ses mains dans le cambouis. Trop salissant, trop fatigant, trop compromettant. Le sale boulot, il vaut toujours mieux le confier à la droite locale.

Son projet, il l’affirme assez clairement (3) : il consiste à faire accepter à l’Europe, grâce aux interventions du FMI, que le G20 devienne l’embryon de la gouvernance mondiale.

JG Malliarakis

Apostilles

1. cf. L’Insolent du 10 janvier 2011.
2. cf. "La Libre Belgique" du 27 décembre.
3. cf. par exemple, assez brillamment d’ailleurs, le 15 novembre 2010 son intervention au micro de "France Inter".

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La SNCF et ses connivences monopolistes

Ce 9 janvier, M. Guillaume Pépy président de la SNCF était l’invité de l’émission Grand Jury. Celle-ci est dirigée par Jean-Michel Apathie, journaliste attaché à RTL qui la réalise en compagnie d’Étienne Mougeotte. Ce dernier, ancien journaliste, rescapé d’une cruelle maladie, reconverti en 2007 comme consultant en communication, représente néanmoins lors de ce rendez-vous dominical le quotidien "Le Figaro", que ses lecteurs classent aujourd’hui encore à droite.

Ce soir-là tout transpirait la connivence. Vieille connaissance de ses interlocuteurs, le grand maître du chemin de fer hexagonal, était déjà venu le 18 décembre sur la même antenne. Or, ce jour-là, à la veille des grands départs, et face à l’offensive de la neige, il avait exprimé sa certitude que tout allait très bien se passer pour les fêtes.

Le public a pu mesurer combien cet optimisme s’est vu démenti pour ne pas dire ridiculisé. Et pourtant personne n’a manifesté, 3 semaines plus tard dans le même studio la moindre velléité d’interpellation, ni même la plus légère ironie à l’endroit de ce Docteur Tant Mieux. À vrai dire, on n’en finirait pas d’énumérer aujourd’hui les contradictions manifestes de ses propos ferroviaires et directoriaux : ainsi affirmait-il "assumer personnellement" les faits que, par ailleurs il reprochait aux autres puisqu’il accusait un syndicat. Mais cette phrase creuse et mécanique ne se concluait par aucune sanction pour les coupables ni aucune mise à pied pour le soi-disant haut responsable, auto flagellant certes, mais toujours virtuel, sensuel et sans férocité comme les radicaux-socialistes, et pour tout dire : sans douleur. Ça marche comme ça, la haute fonction publique. On n’y change d’emploi que vers le haut. On ne démissionne jamais et on meurt rarement.

Car la grosse contrariété des derniers jours portait, avant tout, sur l’équipée du train Strasbourg-Port-Bou-Nice. Dans la nuit du 26 au 27 décembre, ce train N° 4295 devait relier la capitale alsacienne au chef-lieu des Alpes-Maritimes, d’une part, et à la charmante ville frontière catalane, d’autre part. Il comptait à son bord une malheureuse population de 600 passagers, confiante le soir du départ, dans le message publicitaire traditionnel de la sécurité inhérente à ce bon vieux mode de transport. "On peut dormir tranquillement jusqu’à bon port : il roule." Supposé atteindre sa destination le matin, ce voyage de nuit fantôme allait pourtant subir un retard de 15 heures. Dès Belfort la relève prévue ne fonctionne pas. Celle-ci ne s’est mise en route qu’au bout de 7 heures. Au total 26 heures de trajet. Un record.

Chose caractéristique du ballet d’ombres dans lequel ce pays patauge, l’UMP prétendit rapidement réclamer, exiger, obtenir des explications. Mais elle allait demander seulement un "audit". Hélas celui-ci allait demeurer interne, selon les excellentes habitudes de l’administration hexagonale qui se juge elle-même. Et le parti gouvernemental, anticipant sur les résultats de cette enquête, affirmait, d’emblée, que l’énarque Guillaume Pépy n’avait commis "aucune faute".

L’intéressé le confirmera à son bénéfice lors de l’émission de RTL. Il ira même plus loin. Le temps où une tête de linotte socialiste se déclarait "responsable mais pas coupable" est révolu : aujourd’hui, personne ne saurait être blâmé, encore moins châtié. Enfoncés les romantiques. Pépy convenait certes qu’il fallait déplorer "des erreurs humaines" mais certainement pas de "faute individuelle méritant une sanction".

Une Association des usagers des chemins de fer de la région Ouest peut bien avoir lancé ce 27 décembre une pétition nationale "SNCF ras-le-bol". Ses signataires "n’acceptent pas d’être traités comme des vaches à lait, juste bons à être entassés dans des trains qui arrivent en retard et à payer toujours plus pour un moindre service". Ce texte a bien pu recueillir en une semaine plus de 1 400 signatures l’usager demeure un "cochon de payant".

On interrogea le patron fort poliment, sur la question sémantique essentielle : le voyageur qui supporte le prix de son billet (1) doit-il être considéré comme un "client" ? Il répondit de côté, comme sur plusieurs autres points. Plusieurs chroniques de ce qu’on appelle la blogosphère répètent à ce sujet ce qu'elles ont lu dans une dépêche AFP, qu’il aurait "fustigé" une grève de Noël à Dijon ayant contribué "en partie" au retard.

Le mot employé par Mougeotte dont la voix cassée n’en finit plus d’émouvoir l’auditeur, on le croirait gisant sur son lit de mort, baptisait, non sans pugnacité, ce type de "mouvement social" de "grève réveillon". Et de demander si on allait empêcher désormais ce scandale.

Allait-on combattre le syndicat Sud-Rail explicitement nommé par le président comme responsable ? Non, surtout pas : ces arrêts de travail sont considérés comme "légaux", comme "constitutionnels" tout juste un peu "choquants". Les mots perdent de leur saveur au fil des siècles. Oublions le latin, dérivé de "fustis" qui veut dire bâton, verge, rondin, fléau pour battre le blé. Le sens originel du mot "fustiger" en français correspond à "fouetter, battre." Synonymes : "blâmer, châtier, flageller, frapper, houspiller, stigmatiser, tancer, vitupérer." On imagine la scène dans une boîte de nuit de Hambourg : Pépy en cuir noir et luisant, brutalisant et insultant, les successeurs des camarades Didier Le Reste ou Bernard Thibault.

Eh bien pas du tout. La SNCF prétend faire son "mea culpa", nous dit-on, mais elle bat sa coulpe sur la poitrine du voisin et se refuse à toute pénitence.

Pas un mot non plus à propos de la CGT. Majoritaire au comité d’entreprise, elle bloque l’évolution du fret qui perd chaque année plusieurs centaines de millions d’euros s’acharnant à défendre la circulation de wagons isolés, et même à faire intervenir dans ce sens les parlementaires de gauche. (2) En 2011 on ne reculera pas d’un pouce sur ce terrain.

D’ailleurs le président de cette grande entreprise nationale ne manque pas de présenter ses comptes comme affublés d’une couleur "verte". Avec les subventions qu’il reçoit de partout, et notamment des régions qu’il rackette, certaines peuvent bien protestent en Basse-Normandie ou en Rhône-Alpes, pas grave : le monopole historique prétend afficher des bénéfices. Il affirme avoir fait progresser son chiffre d’affaires de 4 % en 2010. Pourtant il ne parvient même pas à supporter le coût de l’entretien des voies qu’il effectue en régie et qu’il facture au Réseau Ferré de France propriétaire des 50 000 km constituant l’ensemble de l’existant. (3) Pourquoi dans, de telles conditions, parler de bénéfices ? Réponse : il s'agit de les "partager" entre l’État actionnaire qui n’en peut mais, et les salariés.

Parmi les folies déversées sans complexe pendant les 59 minutes d’enregistrement, l’une au moins mérite l’attention. Notons en effet que le président du monopole historique a reconnu que 12 lignes devaient être considérées comme malades, notamment Paris Chartres Le Mans et même Paris Lyon Marseille. En revanche, le TGV demeure la grande priorité car la SNCF possède, avec ses 530 TGV, le parc le plus important du monde. Or cette flotte est fournie à 100 % par Alsthom et le restera, à en croire M. Pépy.

Sur ce point entente profonde avec M. Mougeotte. Une partie non négligeable de la carrière de ce journaliste s’est effectuée dans les entreprises de presse liées au complexe militaro-industriel. Hier Matra-Lagardère, aujourd'hui Dassault, on appelle cela des champions nationaux. Il regrette qu’Eurostar, où le transporteur français se trouve associé à des partenaires belges et britanniques, ait éventuellement opté pour Siemens. "Je suis Européen" dit-il, "mais je veux rouler dans des trains Alsthom". Ah mais ! Screugneugneu ! Et il regrette que demain d’odieux trains de la Deutschebahn osent prétendre utiliser notre beau tunnel Transmanche.

Personne ne paraît broncher dans le studio. Ambiance excellente. La messe monopoliste était dite. La soupe semblait assez bonne.

JG Malliarakis

Apostilles

1. Ce cas ne représente évidemment qu’une minorité des transportés. La grande et sympathique famille des cheminots se transporte elle-même à moindres frais, en gros elle voyage pour le prix d’un billet de métro.
2. cf Question écrite n° 09925 de M. Michel Teston, socialiste de l’Ardèche le 6 août 2009…: "si le trafic ferroviaire de wagons isolés semble en effet être structurellement déficitaire, il s’agit d’une activité essentielle pour le développement du fret ferroviaire dans une optique d’aménagement du territoire et de développement durable."
3. … mais dont 25 000 restent sous-utilisés car mises en place par les politiques sans aucune étude de rentabilité à la grande époque du plan Freycinet de 1878 destiné à rallier les campagnes à la [Troisième] république.

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La dette héritée de la Mitterrandie et ses troublants secrets

Dans son petit livre fort instructif et documenté, "La France en faillite" (1), avec un point d’interrogation, Philippe Herlin spécialiste de la dette française livre au lecteur attentif un certain nombre de clefs. Celles-ci ne permettent peut-être pas d’ouvrir complètement la boîte des secrets bien gardés de la république. Au moins devraient-elles inciter les citoyens, les journalistes, et, à défaut les chroniqueurs conscients, à mieux en explorer les arcanes.

Ne jetons pas indistinctement, à ce sujet, l’opprobre sur les élus du peuple souverain. Ainsi Gilles Carrez, député UMP du Val-de-Marne, a été nommé en 2002 rapporteur général de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale. Et à ce titre il publie chaque année, sous sa signature, une étude fort complète de la situation budgétaire. Personne ne semble se préoccuper de ses rapports. Et, pourtant, de façon régulière, il souligne, y compris en présence du projet 2011, l’inquiétante opacité des pratiques du Trésor.

Certes nous pouvons mesurer, de façon approximative d’ailleurs, le niveau des dettes publiques imputables à l’État central parisien. Une évaluation établie par l’INSEE nous indique que le passif des administrations centrales est passé d’un total équivalent à 92 milliards d’euros en 1980 à une masse de 1 535 milliards (2) au printemps 2010. Une multiplication par 17 à 30 ans. Nous devons essentiellement cet exploit à la continuation des pratiques instituées par le double septennat socialiste des années 1980 et 1990, suivi pendant 12 ans de l’immobilisme peureux de l’ère chiraquienne.

Les gazettes nous l’assurent : les représentants de la gauche caviar ont manifesté une fois de plus, la semaine écoulée, avec une réconfortante unanimité, leur désir de reprendre la succession du regretté, et du non moins regrettable, Mitterrand. Mme Royal parle même d’une "envie" (3). À défaut de recommncer le scrutin de 2007, elle se prépare sans doute à reconstituer celui de 1995, gagné sur le slogan de "trop d’impôt tue l’impôt". On s’éloigne ainsi de la revendication du "droit d’inventaire". De même que celui de la révolution fut érigé en "un bloc" vers la fin du XIXe siècle, l’héritage putride de la Mitterrandie se transmet en famille.

Face à un actif du règne qui semble bien se limiter à l'aménagement heureux du Grand Louvre, le passif s’en compose notoirement d’une pyramide de dettes.

Chacun a en plus ou moins pris conscience. Lors de la campagne présidentielle de 2007, un seul candidat fit de cette situation un argument central, en la personne du candidat François Bayrou. Il frôla à l'époque le second tour. Quelque temps après, François Fillon premier ministre, déclara même, fugacement, se trouver à la tête du gouvernement d’un pays "en faillite". Quatre ans plus tard, on ne doit plus dire ouvertement ces choses, mais chacun les pense tout bas et croit agir en conséquence.

Car on ne connaît que la globalité des faits.

En revanche personne ne contrôle ni ne peut faire état des pratiques de l’Agence française du Trésor, compagnie créée par Bercy pour géré les émissions de titres de l’État. On sait que les créanciers de celui-ci, au sens strict, peuvent se prévaloir de quelque 1 200 milliards de créances. On évalue également à 36 % de ce montant la valeur de ce qu’il va falloir rembourser au cours des deux prochains exercices. Cette maturité de la dette devient même un instrument de gestion, tenant compte de taux d’intérêts actuellement fort bas, sauf dégradation de la note attribuée par les agences de notation. En dehors de Fitch, rachetée en 1997 par M. Marc Ladreit de Lacharrière, résolument optimiste (4) les deux autres sociétés, les plus importantes, auxquelles se fient les marchés financiers, Moody’s et Standards & Poors peuvent d’ailleurs être tentées de tirer la sonnette d’alarme à propos de la place de Paris en lui retirant sa cotation actuellement excellente. Dès 2005, Standard & Poors intitulait en effet l’une de ses études : "la France est en train de glisser en bas de la catégorie AAA". (5)

Mais on retire aux Français le droit de savoir d’abord quels sont les titulaires de ces créances, qu'il vont devoir rembourser sur leurs impôts.

On ne leur parle guère non plus du comité qui coiffe la gestion de cet endettement. Présidé par l’énarque Larosière, ancien gouverneur de la Banque de France considéré comme "une personnalité incontestable" le comité de gestion comprend, par exemple, le gérant du fond international BlackRock, un représentant de la banque nationale suisse, celui de la banque de Singapour ou encore celui de l’ICMA organisation professionnelle des banques opérant sur le marché des valeurs obligataires. "N’y a-t-il pas là un conflit d’intérêt" se demande notre auteur ? (6)

Par ailleurs il note que parmi les SVT "spécialistes en valeurs du trésor" une vingtaine de banques étrangères prodiguent leurs précieux conseils. Or, s’interroge-t-il encore, "les SVT pourraient-ils jouer contre la dette française ? Vraisemblablement pas pour le moment puisque tout va bien. Mais en cas de crise, ils penseraient d’abord à leurs intérêts c’est évident". (7)

Ce petit livre tonique et équilibré laisse entrevoir, outre les lignes de conduite, raisonnables et civiques, pour sortir de cette inquiétante situation le double langage de nos pouvoirs publics. À la fois, ils dénoncent dans leurs discours les financiers internationaux et ils sollicitent leurs conseils pour mieux endetter les générations à venir.

Certes la schizophrénie de l’État peut faire sourire le mémorialiste et enchanter le pamphlétaire. Elle devrait en revanche interpeller le citoyen, l’épargnant et le contribuable.<

JG Malliarakis

Apostilles

1. Éditeur Eyrolles. cf notre entretien en ligne le 29 décembre sur Lumière 101
2. cf Philippe Herlin page 24.
3. titre en première page du Monde
4. cf. "Paris Match" du 16 décembre 2010.
5. note du 17 novembre 2005 citée Philippe Herlin p 81.
6. Ibid. p. 72
7. Ibid. p. 73.

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