Ce 29 octobre, il annonçait, tel le maître de cette partie, la reprise du travail dans les raffineries bloquées par ses troupes.
"On pressent, déclarait-il dans la matinée, qu'on se dirige vers une reprise, c'est un fait, mais il ne faut pas préjuger de ce qui va se passer dans les assemblées générales". À l'heure où il s'exprimait, en effet trois autres établissements, désormais connus du grand public, ceux de Donges, Grandpuits et Feyzin, dépendaient encore formellement du vote des salariés.
Manifestement, un accord était intervenu avec la direction. Car celle-ci avait pris le pari d'annoncer, un peu plus tôt, que "l'ensemble des sites devraient avoir mis fin au mouvement en milieu de journée".
L'agitateur cégétiste, cependant, n'hésite pas à montrer, à la fois la capacité bien connue des communistes à retourner dialectiquement les faits, et son sens personnel de la mesure. "Nous ne sommes pas passés loin de l'objectif, proclame-t-il. Il a manqué quelques catégories professionnelles en plus dans la grève. Une démonstration de force et d'unité a été faite et les retraites, on a pas fini d'en parler."
Les prochaines élections professionnelles de 2011 détermineront les nouvelles lignes d'un subtil partage des influences. Mais, quoi q'il advienne, le responsable CGT du secteur énergétique semble donc appelé à jouer un rôle central dans la mise en œuvre de la stratégie future de sa centrale. Comme Bernard Thibault en 1995, comme Didier Le Reste son successeur au sein de la SNCF depuis 2000, sa fonction d'imprécateur vedette ne devrait pas se démentir. En même temps, ces charmeurs de serpents cherchent à récupérer les éléments les plus durs, actuellement sollicités par la concurrence de plus en plus forte de SUD. Au sein de cette galaxie rivale de syndicats dits solidaires se retrouvent les continuateurs des divers groupuscules gauchistes. (*) Les trotskistes lambertistes, dirigeant FO, complètent le tableau.
Mais on ne doit pas surestimer la coupure. Encore moins faut-il considérer la vieille centrale communiste comme un élément d'ordre. Une telle erreur d'appréciation séduit trop facilement les gens du MEDEF et les conseillers récurrents du pouvoir. Leur désir d'acheter la paix sociale, comme on l'entend trop souvent dire, les amène à sous-estimer leurs partenaires. Leur lâche raisonnement se voit en effet infirmé par les comportement des cadres cégétistes toujours en pointe sur le terrain pour jeter de l'huile sur le feu.
De quelle "bataille des idées" parle-t-on en effet ?
Il y a bien longtemps que les bureaucrates du PCF ont renoncé à un rêve que ne caressent plus que quelques mélenchonistes. Ils n'imaginent plus inverser le rapport électoral entre eux-mêmes et un PS qu'ils pourraient dès lors satelliser. Dans les années qui ont suivi le congrès de Tours de 1920, ils avaient oscillé entre diverses tactiques. Celles-ci étaient alors conditionnées par les consignes du Komintern. Dans les phases unitaires, le grand objectif consistait à "plumer la volaille" dans les rangs da vieille SFIO, constamment honnie. "Feu sur le Blum" avait écrit une fois pour toutes le si poétique Aragon. Le rôle historique de Mitterrand aura au moins servi à éliminer toute espérance de côté-là.
En revanche et sans reconstituer le moins du monde cette ambition sur le terrain politique, la CGT se veut et se sait matériellement aujourd'hui la principale force au sein de la gauche. Appuyée sur ses camarades idéologiques de la FSU dans l'éducation nationale, son réseau d'apparatchiks demeure tentaculaire.
Personne n'ignore plus, par exemple, leur implantation et leur financement au gré des comités centraux d'entreprises tel celui d'EDF. Son homologue de la SNCF est tombé entre leurs mains par la grâce du passage du ministre communiste Fiterman aux Transports dans le gouvernement Mauroy de 1981 à 1984. Or, on est en train de découvrir en ce moment que la prise de la municipalité parisienne et de ses énormes moyens en 2001 par les équipes unitaires de Delanoë a permis une infiltration analogue et que, sur le seul poste des "correspondants mutualistes" quelque 35 titulaires pourraient bien être requalifiés permanents de la CGT. On comprend mieux l'indulgence du maire de Paris dans l'affaire des emplois fictifs du RPR.
Au prix de la ruine du port de Marseille quelques dizaines de grutiers en ont bloqué l'activité pendant des semaines. Ces gens ont ainsi démontré leur énorme capacité technique et physique de nuisance. Les mêmes gros bras se sont révélés capables de mettre en péril quelque chose qui, pour l'ensemble du pays réel, paraît plus vital encore : le trafic automobile et le camionnage. Imaginons ce que cela aurait donné, si le financement public des centrales syndicales leur avait permis de tenir trois semaines de plus. On a bel et bien entendu certains, auxquels un micro [certes complaisant] était tendu, se féliciter à l'avance des problèmes de ravitaillement qui en résulterait pour leurs compatriotes. Et ceci repose sur 12 raffineries bloquées chacune par 30 ou 40 éléments renforçant le piquet de grève.
"Bataille des idées" : l'expression du camarade Foulard paraît quelque peu osée. S'il s'agit d'un débat philosophique entre lui et le camarade Hamon, on craint pour l'audimat. Si l'on suppose, en revanche, qu'un Strauss-Kahn pourrait venir apporter en 2012 la caution de la finance internationale à une gauche restaurée, on se demande dès lors comment il se dépatouillera avec de tels alliés.
JG Malliarakis
Apostilles
- En 2008, l'Institut supérieur du travail décrivait ainsi sa direction
"Principales figures de proue : Christophe AGUITON, créateur de SUD France Télécom, d’AC ! et des "Marches européennes contre le chômage", responsable des relations internationales d’ATTAC, militant de la LCR depuis 1970 - Annick COUPÉ, SUD-PTT, ancienne militante maoïste puis féministe. CFDT jusqu’en 1988. Participe à la création de SUD PTT. - Thierry RENARD, ancien de l’Organisation Révolutionnaire Anarchiste (ORA) et de la CFDT. Aujourd’hui SUD-PTT. - Henri CELIE, ancien de l’ORA et des luttes du Larzac et de la CFDT. Crée SUD-Rail en 1995. - Michel GIGAND, ex prêtre ouvrier à Caen, dissident de la CFDT, fondateur de SUD Industrie.- Gérard GOURGUECHON, ancien militant PSU, membre du SNUI, fondateur du Groupe des 10, siège au Conseil scientifique d’ATTAC. - Pierre KHALFA, ancien militant de la LCR jusqu’en 1979. Syndiqué à la CGT puis à SUD PTT, délégué national adjoint de l’Union Syndicale Solidaires. Membre du Conseil d’administration d’ATTAC (réélu à la suite de la crise du mouvement altermondialiste en 2006).
Vient de paraître : L'Histoire du communisme avant Marx les lecteurs de L’Insolent peuvent commander directement "L'Histoire du communisme avant Marx par Alfred Sudre, un livre de 459 pages au prix franco de port de 25 euros.
Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101
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