Peut-être s'agit-il d'un effet involontaire, non désiré par l'hyper présidence. Cette rechiraquisation, si elle se révèle spontanée, ne peut conduire qu'à de nouveaux déboires pour son maître d'ouvrage apparent.
Aux côtés du séguiniste Fillon, en effet, on assiste au retour en force, sans contrepartie, du vieux clan chiraquien impénitent. Et ceci intervient alors même que son chef s'apprête à comparaître en correctionnelle et qu'en 2007 les Français avaient voté pour la rupture.
En même temps partent : le centriste Hervé Morin, le radical Jean-Louis Borloo, le libéral Hervé Novelli. Ces gens, semble-t-il, n'avaient pas spécialement démérité, pas plus que les autres en tout cas. À la trappe également tels survivants de l'ouverture à gauche, comme Jean-Marie Bockel ou Bernard Kouchner et les deux dernières représentantes de ce qu'on appelle la diversité.
Superficiellement tout cela fait peut-être plaisir aux admirateurs d'une certaine droite autoritaire.
Celle-ci gagnerait cependant à regarder le générique d'un peu plus près. Les références à la question de l'Immigration et à l'Identité nationale ont disparu. Un Thierry Mariani, supposé l'un des meilleurs connaisseurs de ce dossier, entre, certes, au gouvernement ; mais il sera chargé de l'Industrie. Même la qualité, rare et chère sans doute, de "villepiniste" vaut un portefeuille à ses attributaires. Mme Marie-Anne Montchamp, dont la brillance n'éblouïssait personne jusqu'ici, va chapeauter une administration.
Certains jugeront l'opération dérisoire.
Dès le 10 novembre le Canard enchaîné titrait en première page "tout ça pour ça". Et, depuis, tous les commentateurs agréés haussent les épaules et reprennent cette antienne.
On se demande cependant s'ils ne font pas la part belle aux maîtres et conseillers de la manœuvre.
Bien sûr ceux-ci pensent encore avoir verrouillé à leur profit l'échéance de 2012. Leur hypothèse repose sur la logique d'une bipolarisation qu'ils croient éternelle.
Or, il se pourrait bien qu'ils se soient à nouveau tiré une balle imprévue en direction de leurs petits pieds.
Le racornissement de la droite chiraquienne repliée sur elle-même ouvre en effet diverses béances. On peut les situer au centre ou les qualifier de populisme. Les mots importent peu. Si le clan gouvernemental se contente de représenter 25 % des Français, à peu près autant pour la gauche pure et dure, un vaste espace peut se dessiner ailleurs. Il se compose des innombrables Français qui ne veulent, et n'ont jamais voulu, ni des chiraquiens rebouillis ni des fantômes d'un autre passé, celui que cherche à réveiller Mme Aubry. La défunte Mitterrandie nous a laissé, en héritage putride, une aile gauche du parti socialiste. Ses revenants croient encore légitime et indispensable l'alliance avec les communistes et les mélanchonistes. Ils commettent la même erreur que le pouvoir : croire que le mode scrutin assurera aux deux partis une rente inépuisable.
Certains seront bientôt tentés par un autre raisonnement, et on les verra donc aspirés par un autre projet. Le double refus des deux clans hypersectaires, et leur recroquevillement, encouragera les espoirs de développement de telle ou telle candidature. De préférence étiquetée au centre, une telle opération recevrait l'appoint des humiliés de ce remaniement raté du 14 novembre 2010. Dès lors qu'elle paraîtrait honorable et crédible, elle pourrait réussir à gagner au premier tour les deux points qui ont toujours manqué aux alliés du RPR. Un score de 2 % c'est en gros, par exemple, ce que représente le parti radical de M. Borloo ; c'est aussi ce qui a manqué en 1986 et dans les scrutins suivants aux candidats issus de l'UDF. Présent ou présente au second tour, personne ne pourra battre ce ou cette candidate.
Dès ce 13 novembre, après l'absorption des Verts par Europe Écologie, la palette des choix possibles fait presque apparaître un trop plein provisoire de candidats potentiels, et non plus un vide. La concurrence rendra intelligent. Les états-majors et les officines y travaillent. On ne voit plus quel allié ou quel agent le gouvernement Fillon pourra utiliser pour faire diversion. M. Hulot ne fait plus rire personne.
Quand les ringards et les prétentieux se rassemblent, droits dans leurs bottes, certes, ils plastronnent ; mais ils nous ont habitués, au cours de l'Histoire de France, à nous faire supporter lourdement les conséquences de toutes leurs défaites. Leur frivolité tourne vite au désastre et il revient toujours au pauvre peuple le triste honneur de payer leur rançon.
Plus que jamais les leçons de cette Histoire, hélas de plus en plus mal enseignée, corrigent les mythes auxquels les hommes de l'État voudraient nous enchaîner.
Sous prétexte de se souvenir de ce qu'ils n'ont jamais vécu, les gens du bunker chiraquien nous abrutissent d'une référence gaulliste, faussement historique.
Ils ignorent les mensonges qu'elle implique.
Ils prétendent gommer à leur profit les divisions tragiques qu'elle a entraînées.
Ils voudraient nous faire oublier la complaisance coupable qu'elle a manifestée vis-à-vis du bloc soviétique.
Et ils ne veulent pas tenir compte non plus de la profonde impopularité dont elle a toujours bénéficié, en son temps, auprès de la majorité des Français.
De la sorte, ils croient que l'étiquette "gaulliste", qu'en fait les chiraquiens ont toujours usurpée, peut rassembler autre chose que d'émouvants octogénaires.
Et ils ne se trouvent pas seuls sur ce marché. Car il existe même, pour leur disputer ce triste fond de commerce quelques hurluberlus à croire en M. Galouzeau de Villepin. Ce lugubre mégalomane ne se montre animé lui-même que par la seule haine qu'il porte à son ministre de l'Intérieur d'avant-hier. On se dit, parfois, en l'écoutant : "au fou". L'entendant encore pérorer sur les ondes ce 13 novembre, généreusement médiatisé (1), on pouvait penser qu'au mieux, ou au pire, ce personnage pourrait rassembler quelque 4 % des électeurs si d'aventure il allait jusqu'au scrutin présidentiel en 2012.
On doit cependant se rendre à une autre évidence. Toute sa fatuité et toute sa fausseté sont partagées par une certaine engeance technocratique nuisible, excusez-moi du pléonasme. Ne doutons pas qu'une certaine gauche aime à penser se servir d'un tel instrument. Et n'oublions pas non plus qu'il partage ses lubies avec le reste de la Chiraquie dont il est issu.
Raison de plus pour souhaiter balayer toute cette nuisance de tristes gâteux précoces.
Les Français lucides ont pu souhaiter le faire en 2007 avec tel candidat, qui se réclamait de la rupture. Ils tenteront de le faire en 2012 en cherchant ailleurs. Une force réellement réparatrice et réconciliatrice est appelée par la nécessité. Elle ne peut pas demeurer éternellement dans les limbes. Le sectarisme du vieil appareil chiraquien lui offre, sans le vouloir, l'occasion de concrétiser cet espoir.
JG Malliarakis
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Hervé Morin, Jean-Louis Borloo, Hervé Novelli, combien de divisions?.. Le double-sens est approprié.
N. Sarkozy divise pour régner. Ajoutons au centre François Bayrou et Galouzeau de Villepin, et on a une idée de la fragmentation (dans le sens d'un pétard mouillé, pas d'une grenade) qui attend l'électeur en quête d'alternative réelle en 2012.
La droite nationalise est infréquentable, l'extrême gauche pléthorique, le centre morcelé. Restent le PS et l'UMP, avec 20-25% chacun, des nains certes, mais des nains incontournables au pays des gnomes.
M. Sarkozy a refermé l'ouverture, parce qu'il n'en a plus besoin. Kouchner est un paria, Strauss-Kahn dans un fauteuil doré, Juppé apprivoisé... On a beau être ambitieux et viser la présidence, un confortable fauteuil de ministre est finalement une cible acceptable.
Le drame des élites françaises est qu'elles sont infiniment plus douées pour s'accaparer le pouvoir que d'en faire quelque chose d'utile au pays.
En ce qui concerne ses ambitions politiques, je n'ai aucun doute sur les compétences de M. Sarkozy. Mais pour le reste...
Rédigé par : Stéphane Montabert | jeudi 18 nov 2010 à 13:50