Elle donnait le 14 octobre une conférence-débat à la Bibliothèque d'Histoire Sociale de Nanterre (4). Le thème partait de son dernier livre "Les yeux grands fermés (5) : l'immigration en France". Malgré diverses petites misères quotidiennes, pas possible de rater cette séance-là. Disons d'ailleurs que ce type de communication reste irremplaçable. Elles permettent d'aller plus loin avec l'auteur d'un livre, souvent au cœur de ses préoccupations.
La lecture des 50 premières pages provoque certes une impression terrible, presque désespérante. On imagine dès lors un processus implacable, irrémédiable, incontrôlable, létal.
La qualité essentielle d'un tel ouvrage ne découle pas seulement de son sérieux scientifique. Il montre, au bout du compte, que l'utilité industrielle du recours à la main-d’œuvre étrangère égale finalement zéro, ou presque. Pas de nécessité, encore moins de fatalité de côté-là.
Au contraire, la date charnière s'est située au cours de la présidence de Valéry Giscard d'Estaing (1974-1980). Cette constatation résulte de toutes les études réalisées sur les populations considérées. Le tournant a été entamé du fait du regroupement familial. Ladite voie d'entrée est devenu la cause majeure d'une arrivée d'entrants d'un type nouveau. La pompe aspirante n'est plus activée par le besoin des usines et des chantiers, mais par les guichets sociaux.
On avait pu parfois se demander donc, jusqu'alors, si une sorte de loi de la pesanteur, une manière de contrainte économique, ne s'était emparée de nos sociétés d'abondance. Certains pensent aussi pouvoir établir une comparaison avec la fin de l'empire romain : pas une seconde, cependant, Mme Tribalat ne se risque à suggérer de telles hypothèses. Pas la moindre remarque déplacée non plus.
Et, de leur côté, ceux qui avaient cessé de réfléchir sur la question de l'immigration et de ses conséquences à long terme se réveilleront certainement de leur torpeur.
Ceux qui croient en l'État, ceux qui imaginent fiables les statistiques des organismes publics, tel que l'INSEE, découvriront sans doute à quel point leurs impôts servent à nourrir beaucoup d'incapables et une foule de malfaisants.
De ces divers points de vue, le rédacteur de ces lignes n'a pas ressenti le sentiment d'une entière révélation. Hélas cependant, l'angle de départ en renforce une sorte d'abattement prospectif : que va donc devenir la France, dans tout cela ?
Et puis aux alentours de la page 80, au détour de quelques formulations élégantes de l'auteur, on se reprend, sinon à espérer, du moins à se proposer de participer au débat civique. Si une scientifique de cette qualité, si une revue telle que "Commentaire", à droite, si même [parfois] "Marianne", à gauche, osent donner la parole à des chercheurs indépendants et prendre la plume pour rompre les consignes du silence et du conformisme ambiants, comment ne pas leur faire écho ?
Une indignation perce donc. On ferme volontairement les yeux. Les pouvoirs publics se révèlent, jour après jour, tétanisés par les médias. On les voit assiégés par des intérêts inavouables, rien moins qu'humanitaires. Nos technocratea et nos maîtres se laissent dicter leurs règles de comportement par des ligues de vertu que l'on décore du sigle d'ONG. Ceci veut dire [en théorie] : "organisations non-gouvernementales". Or, celles qui interviennent dans ce domaine n'existeraient même pas sans les subventions et les soutiens qu'elles rackettent auprès des pouvoirs publics nationaux et des collectivités locales. Et cela semble les dispenser de toute approche objective de la vérité.
Voilà ce qui se passe en France, et, au fond, nous le savons tous.
À l'inverse, Michèle Tribalat fait état de travaux impressionnants réalisés dans d'autres pays occidentaux. Le parlement britannique dispose, avec sa Chambre des lords (6) d'un observatoire de qualité. Une longue enquête, très complète, y a été réalisée en 2008. Elle est commentée dans tout le pays. Cet énorme document, téléchargeable par tout un chacun sur le site des Lords, calcule notamment la contribution de l'immigration à la croissance annuelle du produit intérieur brut. Cela donne approximativement 0,1 % par an, en moyenne, depuis plusieurs décennies. Or, l'Angleterre se trouve en pointe, et depuis quelque 50 ans, du phénomène migratoire en Europe. Aux Pays-Bas, d'autres travaux mettent en lumière une autre question. Celle-ci porte sur les méthodes et sur les préjugés, systématiquement favorables, imposés par le conformisme ambiant. En France, au contraire, on a effectivement confié au Conseil d'analyse économique une recherche analogue. Mais qui a entendu parler de ses conclusions, inscrites dans le rapport de M. Gilles Saint-Paul ? Remis en 2009, il a été "enfoui dans un tiroir" (7). Le grand public n'en a jamais entendu parler. De même, dans les pays nordiques, on dispose de registres prodigieusement instructifs pour les démographes. En France un chercheur de l'Insee utilise-t-il, dans un bureau de Strasbourg, le fichier Saphir de la gendarmerie ? On ne censure pas seulement ses travaux. Ils ne seront publiés en définitive que par la revue "Commentaire", – excellente mais non spécialisée. Bien plus, on fait disparaître la source administrative, devenue politiquement incorrecte.
Il existe manifestement une sorte de consigne tendant à dessaisir les nations européennes de toute faculté de décision restrictive. On tente donc d'y prévenir les mauvaises pensées. Alexandre Zinoviev dans son roman anticipateur "Les hauteurs béantes" voyait dans cette prophylaxie la marque du système soviétique. Or, aujourd'hui, les "machins" internationaux de toutes sortes, l'ONU comme la CNUCED, la CEDH comme l'UNESCO, etc. travaillent à la mise en œuvre effective du cauchemar correspondant. Ils prétendent nous imposer une vision complètement unilatérale. On nous enjoint de croire, sans jamais nous le démontrer, que tout le monde gagnerait, triplement, à ce type de migrations à sens unique et sans entraves : pays vieillissants d'accueil, peuples affamés du tiers-monde, migrants familiaux eux-mêmes. Mais on se refuse à dresser le bilan, en regard, des dommages collatéraux causés aux villes envahies, à leurs municipalités submergées, mais aussi aux nations d'origine, privées de leurs éléments les plus dynamiques, et, enfin, aux déracinés eux-mêmes.
L'objectivité scientifique se trouve donc ainsi bafouée.
Voila le point le plus scandaleux, le péché contre l'esprit, que met en lumière Michèle Tribalat. Les partisans de la gouvernance mondiale n'admettent pas de s'entendre contredire. Ils le seront pourtant, par la force des choses, par l'indestructible musique de la liberté.
JG Malliarakis
Apostilles
- Émission Esprit public par Philippe Meyers. Elle était invitée en compagnie de Max Gallo et Jean-Louis Bourlanges.
- avec Laurent Chabrun le 18 mars 2010
- citons : "Faire France, Une enquête sur les immigrés et leurs enfants" (La Découverte 1995) ; "De l'immigration à l'assimilation. Enquête sur les populations d'origine étrangère en France" (La Découverte 1996) ; [avec Pierre-André Taguieff], "Face au Front national, Arguments pour une contre-offensive"(La Découverte, 1998) ; "Dreux, voyage au coeur du malaise français" (Syros, 1999) ; [avec Jeanne-Hélène Kaltenbach] "La République et l'Islam, Entre crainte et aveuglement" (Gallimard, 2002).
- cf. le site de l'IHS
- Éditeur Denoël, 2010
- Les enregistrements de ces conférences sont disponibles sur le site de l'Institut d'Histoire sociale
- Sur cette vénérable institution, celle des Lords (avec un grand "L" = la chambre haute du parlement britannique) il convient de comprendre qu'elle représente aujourd'hui exactement le contraire de l'image fausse que nous nous faisons des lords (avec un petit "l" = les lords héréditaires)
- cf. "L'Express" du 18 mars 2010
Vient de paraître : L'Histoire du communisme avant Marx les lecteurs de L’Insolent peuvent commander directement "L'Histoire du communisme avant Marx par Alfred Sudre, un livre de 459 pages au prix franco de port de 25 euros.
Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101
Utile. Continue.
Rédigé par : Martin Peltier | vendredi 29 oct 2010 à 00:07
Sur le blog de PM Couteaux, la 2e video, datant de 1970, montre Bouygues parlant du regroupement familial, qu'il veut imposer..
http://for-interieur.over-blog.fr/article-la-politique-de-la-france-ne-se-fait-pas-a-la-corbeille-46618116.html
"Si l'on veut que ces gens-là puissent s'intégrer socialement, il faut qu'ils puissent fonder une famille.."
Rédigé par : souricette | vendredi 29 oct 2010 à 05:37
Une année où Giscard était président, je parlais du regroupement familial avec un de mes collègues, ingénieur en électronique, originaire d'Algérie, en lui disant "C'est bien : avec le regroupement familial, tu auras des Algériens avec qui parler !"
Il m'a regardé, et il a lâché, méprisant : "Ce sont des gens de la montagne !"
Rédigé par : briand | vendredi 29 oct 2010 à 05:40
Bonjour à tous, à mon humble avis, chaque totalitarisme tend à imposer un modèle de pensée, et crée des déplacements massifs de population... y'a qu'à voir...
Rédigé par : minvielle | vendredi 29 oct 2010 à 16:26
à quand la levée de l'interdiction de publier des chiffres afin d'avoir une analyse réelle...
Rédigé par : jjw1 | samedi 30 oct 2010 à 22:37
Autrement dit si l'auteur lit un commentaire qui ne lui plait pas, clic, il l'efface.
Bon, je vais essayer quand même.
Il y a une étude extraordinaire sur les raisons de l'immigration: on le trouve dans le livre de Bat ye'or "Eurabia", l'axe euro-arabe. Ce livre décrit la transformation de l'Europe en "Eurabia", une extension culturelle et politique au service du monde arabo-musulman.
Eurabia est fondamentalement antichrétienne, antioccidentale, antiaméricaine et surtout antisémite.
L'institution responsable de cette transformation s'appelle le "Dialogue euro-arabe, souvent déguisé sous le vocable "Dialogue euro-méditerranée.
Ce livre est édité par les éditions Jean-Cyrille Godefroy.
C'est la Ligue Arabe qui dicte ses lois sous menace d'embargo pétrolier ainsi que l'appât de contrats de ventes d'armes,et toutes sortes de produits finis achetés sous la condition de main mise arabo-musulmanne de notre identité judéo-chrétienne.
Vous voyez, c'est aussi simple que ça.
Rédigé par : Peretti | mardi 02 nov 2010 à 16:35
Petite et double réponse à Peretti.
1. sur le livre de Bat Yeor, il est en effet passionnant et je compte lui consacrer une prochaine recension
2. vous avez l'air de contester le principe de la "modération" (au sens administratif de l'internet). Dans la pratique le responsable légal du site est juridiquement obligé de supprimer les messages tombant sous le coup de la loi [provocateurs ou diffamatoires] sauf à avoir lui-même à en répondre. Ce sont les seuls que je censure. Depuis 4 ans ils représentent à peine 2%, incluant les injures personnelles et quelques "trolls" égarés.
Rédigé par : JG Malliarakis | mardi 02 nov 2010 à 23:18
Quel dommage que ce texte passionnant soit pollué par tant de fautes d'orthographe et de coquilles ....
Rédigé par : Jean-Claude Ganeau | vendredi 12 nov 2010 à 22:35
À propos des coquilles
@ Jean-Claude Ganeau notamment
Merci en règle générale à tous ceux qui me les signalent, si possible par un courriel privé. Je les corrige le plus rapidement possible. Ce matin il est 5 heures le samedi 13 novembre et, en relisant ma chronique consacrée au livre de Mme Tribalat, j'en ai supprimé deux ou trois [je n'en ai pas trouvé beaucoup plus, peut-être suis-je mal réveillé, sachez que la relecture typographique est très difficile sur son propre texte]. J'ai même fini par craquer et j'ai réécrit "médias" sans t, usage que je juge absurde. Les média(t)s médiatisent et relaient le pouvoir social en abrutissant l'opinion. Mais comme l'Académie française trahit accepte cet américanisme dommageable, on fouettera d'autres chats.
Rédigé par : JG Malliarakis | samedi 13 nov 2010 à 05:24
Très bon article.
Rédigé par : h16 | lundi 15 nov 2010 à 13:44