Pour l'anniversaire de l'événement, dans la nuit du 22 au 23 octobre 2010, "France 5" rediffusait une fort instructive édition de son émission "Raison d'État" (1). Celle-ci était consacrée à l'attentat commis, près de 30 ans plus tôt, le 23 octobre 1983 à Beyrouth contre le "Drakkar".
Installation improbable, cet endroit ne correspondait pas à un établissement opérationnel, ni un campement, ni une caserne, ni un quartier. Son nom avait été adopté parmi ceux d'autres navires, y compris Kayak ou Gondole, choisis par le corps expéditionnaire, répartis dans la ville martyre. On avait ainsi installé nos soldats dans un immeuble pourri, très probablement piégé, au milieu d'un immense terrain vague. La guerre civile libanaise en avait ravagé les contours. L'occupant syrien en avait complété la désolation.
Ce matin-là, 58 parachutistes français ont trouvé la mort. 15 blessés, plus 2 victimes civiles achèvent le bilan physique de cet attentat terroriste d'une ampleur nouvelle. Ajoutons par ailleurs que, précédées par les Américains, frappés eux aussi, les forces françaises allaient rapidement quitter le pays, pour ne plus jamais y retourner.
De ce jour le royaume de saint Louis a cessé de compter dans cette région du monde.
Amère supériorité des récits événementiels, par rapport aux tentatives des pollueurs de l'Histoire (2) : partant d'un fait ou d'un individu, on les replace dans leur contexte. Le lecteur peut même en tirer des enseignements pour le présent.
Le chef constitutionnel des armées participera, peu de temps après, le 16 novembre, à une émission de télévision. Son titre convenait à merveille à un tel roi du mensonge : "l'Heure de vérité". Répondant aux questions, plus ou moins convenues de MM. de Virieu, Duhamel, etc., Mitterrand déclara solennellement sur les plateaux d'Antenne 2 : "Ce crime ne restera pas impuni".
L'ordre de la riposte était alors donné dans la nuit. Le lendemain, 17 novembre à 16 heures, une escadrille de 8 chasseurs "Super-Étendard" quittait le porte-avions "Clemenceau". Ils allaient bombarder Baalbek. Avec pour objectif une caserne de milices chiites. Après quoi le gouvernement français refusera à l’amiral Klotz l'envoi d'une mission d’évaluation des résultats.
En réalité, ces bombardements n’ont fait aucune victime. Les miliciens pro-iraniens du Hezbollah avaient été informés par téléphone depuis Paris, dans le court laps de temps séparant la décision présidentielle de la frappe effective. Ils avaient pu évacuer les lieux sans encombre.
Auteur de plusieurs ouvrages de référence sur le Proche Orient, Frédéric Pons avait cité le nom d'un personnage qu'il désignait pour ce glorieux téléphoniste. Or, ce journaliste n'avait pas été traîné, au moment où nous écrivions cette chronique en octobre 2010, devant les tribunaux par l'intéressé, qui depuis bientôt 30 ans est monté en grade dans la hiérarchie diplomatique. Lié à la famille du fondateur de la Ve république on le retrouvera plus tard dans une institution bien connue du pouvoir pétrolier. En septembre 2011 il nous fit transmettre un document autrefois "confidentiel défense", aujourd'hui déclassifié, le mettant hors de cause et indiquant que ma "bonne foi a été abusée par un ouvrage de M. Frédéric Pons", je ne puis, un an plus tard [ce 3 octobre 2011] que rayer toute référence à ce grand serviteur de république. Dont acte. Par conséquent "que son nom ne soit plus".
Ce mystère collatéral reste donc à éclaircir : j'en déduis d'autant plus, dès lors, que le régime, plus encore que les individus, porte la responsabilité de ces trahisons, de ces imprécisions fatales et de ces engagements funestes.
Gilles Ménage touchait de près, lui aussi, aux pratiques les plus obliques de ce règne funeste. Rigolard et cynique, à la limite de l'arrogance du début à la fin de l'émission, il donne la mesure de notre écœurement. La Mitterrandie décidément n'a pas reçu les sanctions qu'elle mérite au regard de l'Histoire, dernier stade de l'abaissement d'une nation qui n'a cessé d'être humiliée par la faute de ses dirigeants, roulés dans leur veulerie, depuis 1815.
Dans l'affaire du Drakkar, on doit se représenter d'abord que le Liban, pays ami comme on aime à le qualifier, demandait aux Occidentaux 70 000 hommes pour restaurer sa souveraineté, et pour revenir à la situation de son Pacte national de 1943. Généreusement, il lui fut accordé le soutien de 5 000 soldats, répartis en quatre contingents. Le principal était fourni par l'armée française à concurrence de 2 000 parachutistes.
Le drame découle aussi du fait que ces hommes, en nombre insuffisant, ont été disposés comme s'ils ne devaient faire la guerre à personne. En réalité, ils se sont trouvés, comme le Liban lui-même qu'on imaginait sauver, au carrefour de plusieurs conflits. Vendant des armes, des avions à l'Irak, Paris était dénoncé à Téhéran comme un "Petit Satan". Mais on se refusait à considérer cette hostilité. On a semblé, aussi, pendant toute la guerre Irak-Iran ne pas vouloir tenir compte des soutiens dont bénéficiaient alors les divers protagonistes adversaires de nos soldats.
Un pays qui se refuse à l'existence de ses ennemis ne peut punir ses propres traîtres.
Le legs pourri de la Mitterrandie n'en constitue sans doute pas le seul facteur. On pourrait au moins commencer par là pour entreprendre cette rupture promise en 2006, et jamais ébauchée.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. "L'Attentat du Drakkar" première diffusion le 3 octobre 2010.
- cf. leur dénonciation par Beau de Loménie
Vient de paraître : L'Histoire du communisme avant Marx les lecteurs de L’Insolent peuvent commander directement "L'Histoire du communisme avant Marx par Alfred Sudre, un livre de 459 pages au prix franco de port de 25 euros.
Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101
Il semble que les Américains se soient désistés à la dernière minute, en ce qui concerne les représailles. Mitterrand ne l'a jamais avoué publiquement pour ne pas mettre à mal la crédibilité de la relation transatlantique. Certes, cette information vient d'un "fossile" de la Mittérandie, à savoir son conseiller Jacques Attali. Les Américains du si "moraliste" Reagan, eux, sont partis sans avoir accompli aucune représaille, sauf erreur.
Mitterrand est souvent jugé bien sévérement et injustement sur sa politique étrangère par divers milieux atlantistes et autres "nouveaux philosophes".
Rédigé par : I. K. | lundi 25 oct 2010 à 19:53
On parle souvent de ce qu'a fait ou pas fait Mitterrand, mais on ne parle que rarement de ce qu'ont fait des Pompidou, Giscard d'Estaing, Chirac, ou De Gaule, certes Mitterrand n'est pas une référence mais les autres ne valent pas mieux
Rédigé par : rafale | mardi 26 oct 2010 à 09:03
J'ai eu l'occasion d'entendre des pilotes de l'Aéro à ce sujet.Ils parlaient d'dune mission "bidon". Trop heureux qu'ils ne furent pas attendus par une volée de missiles SA pour ajouter à la trahison!
Rédigé par : un vieux | mardi 26 oct 2010 à 10:29
On appréciera au passage la légèreté qui préside à exposer mortellement nos soldats, dans un pays qui a aboli la "peine de mort" (pour les criminels!) et se préoccupe essentiellement du bien-être des assassins et autres délinquants nuisibles.
Rédigé par : Tonton Cristobal | mardi 26 oct 2010 à 14:24
j'etais sur place a l 'epoque , j'ai vu mes camarades dechiquetés! que doit on penser de tout ca ? du miterrantisme de cette politique dite socialiste , 27 ans apres j'en fais encore des cauchemards
un ex para
Rédigé par : paratdm | dimanche 12 déc 2010 à 10:53