Or depuis le 8 octobre, on sait, bien que la rumeur n'en ait guère été propagée par les gros médiats, que l'UNSA-RATP, deuxième principal syndicat de l'entreprise s'est dissociée de la consigne d'arrêt de travail et des mots d'ordre de la CGT.
Elle l'a fait à la fois par lassitude et par réalisme. Cela jette évidemment une ombre sur la perspective du blocage symbolique, tant désiré par l'aile dure de la contestation.
Ce 10 octobre (1) le député socialiste Le Guen, généralement considéré comme très proche de Dominique Strauss-Kahn exprimait pourtant, une étrange inquiétude, peut-être feinte : celle de la radicalisation du mouvement de protestation contre la réforme des retraites. Son propos était comme il se doit enrobé d'un chocolat anti-sarkozyste de circonstance. Car selon lui, si l'exaspération des opposants monte, on le devrait aux postures artificielles du gouvernement. Cela va sans dire et cela fait tellement plaisir à entendre, pourquoi s'en priver ?
Mais à l'écouter aussi il faudrait se préoccuper d'abord des intentions maximalistes d'un Besancenot qu'il cloue au pilori en faisant remarquer son irresponsabilité. Et comme le porte-parole du "Nouveau parti anticapitaliste" appelle, paraît-il, à une [redoutable] "radicalisation" de la mobilisation, l'élu de Paris a estimé que le chef gauchiste "parle, comme toujours, avec beaucoup de légèreté". Sur ce point, personne ne doute du bien fondé de la critique. On peut même se demander si le mot lourdeur ne conviendrait pas plus certainement encore.
En réalité ce que visent les modérés du PS ne concerne pas ce personnage et son mouvement, mais les gens qui s'étaient rassemblés le 5 octobre pour essayer d'intimider le Sénat. (2)
Il s'agissait, certes des syndicalistes les plus virulents, une partie de la CGT, de SUD, les éléments les plus politisés, les plus nostalgiques su stalinisme et du trotskisme, emmenés par la coalition du parti communiste et du "parti de gauche" de Mélenchon. Que Mme Aubry ait commis la faute de goût de s'associer à leur manifestation, si proche des usages révolutionnaires bien connus, souligne la tension qu'attisent les rivalités internes du parti.
L'actuelle dirigeante de la Rue de Solférino joue la carte de l'alliance à gauche sans restriction, en concurrence avec Ségolène Royal. Cette dernière, malgré la surenchère qu'elle fait semblant d'alimenter sur le dossier, malgré ses dérives langagières et son "esbroufe médiatique permanente" (3) pose plus volontiers à l'ouverture vers les centristes.
La perspective de la grève de ce 12 octobre se développe donc en grande partie à coup de bluff et de faux-semblant agités par les réseaux les plus gauchisants des médiats, ceux qui répètent à l'envi l'énorme bobard d'un soutien de 70 % de l'opinion.
De longue date pourtant un Michel Rocard a lancé l'avertissement d'avoir à se résoudre, si l'on veut à tout prix demeurer dans la "répartition", à la mesure essentielle du projet Woerth-Fillon, c'est-à-dire à renoncer à "la retraite à 60 ans" instaurée en 1982 par le gouvernement Mauroy. Il s'est exprimé sur le sujet dès le mois de juin (4).
Or, dans ce texte, une fois de plus l'ancien chef du PSU oppose socialisme et sociale démocratie.
À strictement parler ce dernier parti est cependant apparu en Allemagne en mai 1875 à l'occasion du congrès de Gotha. Marx en critiqua, par avance, la plateforme dans un texte célèbre, mais il rallia en tant que minoritaire le "parti ouvrier social-démocrate d'Allemagne".
Tout en restant "marxiste" le SPD s'opposera aux communistes à partir de 1917. C'est seulement lors du congrès de Bad Godesberg de 1959 que le SDP allemand reniera cet héritage. Dès les années 1920, le mot devint injurieux dans les bouches de socialo-communistes Aujourd'hui on colle cette étiquette sur les idées prêtées à l'actuel gouverneur du Fonds monétaire international. Un même raccourci présente même le brillant personnage comme le "sauveur du capitalisme".
Dans les années 1840 en fait, Marx avait côtoyé les représentants du socialisme à Paris. Ceux-ci dans la même année 1848 monteront à l'assaut de la monarchie louis-philipparde lors de la révolution de février et obtinrent durant les journées du 22 au 25 la proclamation de la république. Ils bénéficiaient alors du soutien de la Garde Nationale. Or, celle-ci était composée de 40 000 hommes issus du peuple de Paris, c'est-à-dire des artisans et des petits boutiquiers privés du droit de vote par le régime orléaniste. Lorsque vinrent en revanche les journées de juin ces forces venues des classes moyennes se désolidariseront des émeutiers.
De la sorte, Marx, en 1850, théorisera le fait dans les "Luttes sociales en France". De toute évidence, il y admire ce moment historique où
"Raspail se rendit à l'Hôtel de ville. Au nom du prolétariat parisien, il ordonna au Gouvernement provisoire de proclamer la République, déclarant que si cet ordre du peuple n'était pas exécuté dans les deux heures, il reviendrait à la tête de 200 000 hommes. Les cadavres des combattants étaient encore à peine refroidis, les barricades n'étaient pas enlevées, les ouvriers n'étaient pas désarmés et la seule force qu'on pût leur opposer était la Garde Nationale. Dans ces circonstances, les considérations politiques et les scrupules juridiques du Gouvernement provisoire s'évanouirent brusquement. Le délai de deux heures n'était pas encore écoulé que déjà sur tous les murs de Paris s'étalaient en caractères gigantesques : République française ! Liberté, Égalité, Fraternité !"Marx s'était fixé pour programme dès 1843 "la critique radicale de tout l'ordre existant". Un projet philosophique avant tout.
En 1845, son ami Engels révolté par l'extrême misère des ouvriers de son temps, la décrira dans son premier livre : "La Situation de la Classe ouvrière en Angleterre".
Dans le pays occidental alors le plus avancé, il semble aux deux théoriciens que les faits démentent l'optimisme de ceux qu'ils tiennent pour les fondateurs de l'économie politique, ceux qu'on appelle les classiques, Adam Smith et David Ricardo. Par rapport à ces économistes, l'originalité de la doctrine communiste va consister en l'affirmation du rôle révolutionnaire du prolétariat, auquel ni l'un ni l'autre n'appartiennent, mais dont ils comptent se servir.
Leur prédécesseur Münzer, prédicateur religieux de l'anabaptisme (5), avait lui-même voulu se servir de ce qu'on appelait la "révolte des rustauds" de Souabe et d'ailleurs. Eux, chercheront à soulever le prolétariat industriel. Leurs successeurs imagineront d'utiliser les paysans chinois ou les peuples du tiers-Monde.
Il faut donc comprendre que dans l'esprit des adeptes incurables et passéistes du marxisme, aujourd'hui encore l'éventuelle violence supposée prolétarienne, comme celle des éléments tiers-mondistes, demeure un instrument.
Les protestations sociales fonctionnent comme prétexte. Ainsi va-t-on jusqu'à imaginer de recourir à des organisations étudiantes comme l'UNEF ou même lycéennes pour intervenir dans la question des retraites.
C'est sans doute à cette incroyable imposture que pense M. Le Guen, qui connaît si bien son sujet, lorsqu'il récuse désormais"la supercherie que la gauche de la gauche se mette à défendre les intérêts des salariés (...) Je ne crois pas du tout à l'impératif et à l'autorité morale de l'extrême gauche sur le mouvement social". Comment donner tort sur ce point à ce vieil adversaire ?
JG Malliarakis
Apostilles
- sur Radio J
- cf. L'Insolent du 7 octobre
- M. Vincent Peillon, qui la connaît bien, parlait aussi à son sujet, sur BFM-TV le 17 novembre 2009, de "psychiatrie lourde".
- cf. France Soir du 24 juin
- cf. Alfred Sudre "Histoire du communisme" pp. 101 à 156.
Jusqu'au 15 octobre les lecteurs de L’Insolent peuvent commander directement "L'Histoire du communisme" par Alfred Sudre, un livre de 459 pages proposé en souscription au prix franco de port de 18 euros. Il sera ultérieurement commercialisé au prix de 25 euros.
Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de Lumière 101
Cher monsieur, vous semblez occulter cependant le manque de réalisme économique des agitateurs de banderoles, et la fuite des vraies causes du déclin; Il restent des marionnettes marxistes, en révolution permanente, trichant et ramenant tout à eux... ils incarnent aussi malgré tout l'absence de débat (grignotant le consensus), et l'indécence du matérialisme; Un droit devient privilège, un franc devient un euro, un président devient un roi... pour qui un pari vaut bien une messe; Même notre espérance est revue à la baisse...
Et puis cette façon de traiter la clientèle!
Nous attendons la voix qui s'élèvera au dessus de ce tintouin débile, mais elle semble être aphone, la voix qui nous rendra la chère compassion, la logique, et la défiance vis à vis de nos seigneurs insipides et mal instruits de la volonté du peuple de vivre simplement, en sécurité et en respect, et surtout chez lui.
Amitiés.
Rédigé par : minvielle | lundi 11 oct 2010 à 23:53