Le commun des mortels ne saurait consulter quotidiennement les comptes rendus parlementaires. Les forces des journalistes et commentateurs agréés défaillent encore plus car on les dissuade d'y accorder la moindre importance.
Il faut le regretter. Les débats et les travaux des assemblées se révèlent infiniment plus intéressants que les réductions des médiats. Et, de plus ils offrent une information exceptionnelle. Ils nous permettent de savoir à quelle sauce certains politiciens envisagent de nous laisser avaler par la technocratie. À en juger par les extraits ci-dessous des débats sénatoriaux du 21 octobre, on déplore par conséquent que le gouvernement, pressé d'en finir, nous prive de la connaissance de ce que pensent, en notre nom, les représentants du peuple.
On sait en effet, grâce aux déclarations tant soit peu incompréhensibles, de Mme Aubry le 21 octobre (1) le parti socialiste "unanime" sur la question des retraites. Cette excellente pétition de principe s'est hélas trouvée immédiatement démentie par divers propos contradictoires, les siens d'abord mais aussi ceux de MM. Hamon, d'un côté, et Valls, de l'autre.
On mesure moins ce que l'idée d'augmenter la CSG représente.
Celle-ci, comme on devrait s'en souvenir a pris naissance à gauche, baignée dans le jus de crâne de M. Rocard. Elle fut aggravée par le plan Juppé annoncé en 1995 et les ordonnances signées de M. Barrot en 1996, par basculement de l'assurance-maladie. Cette parafiscalité tend d'abord à combler ce qu'on appelait naguère le "trou de la Sécu". Celui-ci comme chacun sait n'existe plus puisqu'on n'en parle pas. Mais la CSG, contribution sociale généralisée prétend aussi faire contribuer à égalité les salaires et les revenus dits de remplacement des assurés sociaux. Cette usine à gaz financière mobilise donc, sans contrepartie d'assurances, des épargnes qui avaient déjà supporté les prélèvements sociaux et fiscaux.
Changeant continuellement depuis l'origine, les taux font dès maintenant apparaître, une contribution sociale plus lourde pour les revenus des capitaux que pour ceux du travail. Pourtant, le principe initial de la sécurité sociale, l'article 1er de l'ancien code du même nom, visait à mutualiser le risque de perte de gains liés à la maladie et à la vieillesse.
Si en effet, au taux actuel les salaires et les pensions subissent un prélèvement de
- 7,5 % se substituant aux anciennes cotisations maladies (2),
- si les gains au jeu sont soumis eux-mêmes à une pénalité de 6,9 % (3),
- les revenus du patrimoine, qui ne génèrent pourtant aucuns soins hospitaliers ou ambulatoires sont, eux, taxés à 8,2 %. De plus, la définition de ces derniers résulte des articles L-136-6 et L-136-7. Elle a été redéfinie 25 fois depuis 1993.
Pourquoi cette inégalité de traitement d'un dispositif se prétendant lui-même "généralisé" ? voilà un mystère fiscaliste de plus.
Or, trois amendements, parmi tant d'autres, étaient discutés ce 21 octobre. Cela se passait à midi, heure de l'éternité, sous la présidence de Mme Catherine Tasca. Ils tendaient tous à aggraver cette distorsion déjà dommageable. Citons
- 1° Amendement n° 390 rectifié bis, présenté par MM. Fortassin et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard et Plancade, radicaux, membres du groupe dit "du Rassemblement Démocratique et Social Européen."
- 2° Amendement n° 739 rectifié bis, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPR, c'est-à-dire par les communistes et les mélenchonistes.
- 3° Amendement n° 272 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, autrement dit par les écologistes.
Les 3 proposent de modifier les articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire d'augmenter la CSG qui pèse déjà indûment sur les revenus du patrimoine.
Voici les arguments utilisés. M. François Fortassin déclare :
"Dans notre pays, les revenus du travail subissent une fiscalité sensiblement plus lourde que les produits du capital. Le pouvoir d'achat des ménages provient des revenus du travail et des revenus non salariaux d'origine patrimoniale. La logique, la morale, l'équité voudraient que ces revenus d'origine patrimoniale soient mis à contribution."
Au nom des communistes Mme Odette Terrade développe le raisonnement suivant :
"La CSG est devenue la première recette fiscale du pays, avec un rendement supérieur à 90 milliards. Elle est supportée d'abord par les revenus d'activité, puis par ceux de remplacement et les pensions ; les revenus du capital sont moins frappés que ceux du travail."
Mme Marie-Christine Blandin, mettant à profit ses réminiscences de Dickens les renouvelle et théorise :
"La croyance de nos collègues dans la croissance ne repose sur rien de réel. Le taux de croissance est très faible. La richesse de certains s'accroît considérablement. Comment comprendre cela ? Il suffit de se promener de nuit dans Paris pour voir ce qu'il en est. Un grand nombre de gens en sont réduits à dormir dans la rue. Dans certains quartiers, c'est impressionnant. Non seulement les riches sont de plus en plus riches, mais ils multiplient les dépenses improductives : une fois qu'ils ont acheté un jet et qu'ils ont fait le tour du monde - en augmentant l'effet de serre-, il leur reste de l'argent qu'ils placent pour spéculer et faire pression sur les travailleurs, d'où un chômage massif qui s'accroît encore. (Applaudissements sur les bancs CRC).
Ces amendements sont modestes au regard de ce scandale !" (Applaudissements à gauche)
Moyennant quoi l'amendement des radicaux-socialistes intervient pour justifier le principe. Philosophiquement, et dans ce secteur un peu artificiel de l'opinion la philosophie ne doit jamais être négligée, l'important réside dans cette ouverture discrète. Il propose donc, à titre évidemment provisoire, un relèvement, modeste, de 0,3 % jusqu'à 300 000 euros et de 1,8 % au-delà ; le parti communiste, lui, suggère que l'on élève cette fiscalité d'exception jusqu'à 15,2 %. Mais les écologistes eux, vont jusqu'au bout de la logique proposant de passer directement à 16,4 %, c'est-à-dire le double.
On doit considérer que cette idée sera imposée à la gauche plurielle de demain, tenant compte du rôle central attribué à l'électorat d'Europe Écologie, sans doute inconscient lui-même, accordant ses suffrages aux Verts de cautionner leur délire.
Voilà comment ils se commentent eux-mêmes par la voix de M. Jacques Muller :
"Voici une proposition concrète pour améliorer le financement des retraites. Je regrette que le Gouvernement reporte au Projet de loi de financement de la sécurité sociale la nécessaire question du financement.
Les Verts ont élaboré un projet alternatif. Votre réforme, qui ne porte que sur les limites d'âge, est incomplète et bancale ! Si la société change, l'économie change aussi : il faut agir rapidement sur le déséquilibre des caisses de retraite. Ce que nous faisons avec cet amendement, susceptible de rapporter 8,2 milliards, en élargissant l'assiette de la CSG et en en doublant le taux sur le capital.
L'article 40 nous a empêchés de défendre une diminution des allégements de cotisations sociales patronales."
N'entrons pas aujourd'hui dans le détail, ou le dédale, des petits déchirements internes à la gauche.
Pour l'instant, le parti socialiste se contente de présider la commission des finances de l'Assemblée, et la cour des Comptes. Didier Migaud cet excellent fiscaliste y révise ses tables de multiplication. Son successeur, en mal d'impôts nouveaux, soutient l'idée incroyable de taxer les Français de l'étranger, ce qui supposerait la révision de 118 conventions de non-double imposition et violerait le principe de la territorialité de l'impôt.
On doit remarquer que la veille, ou plutôt le même jour à 2 heures du matin, un important amendement à l'article 33 du projet venait des sénateurs centristes. Il a été adopté par la Haute Assemblée. Il a ouvert la voie à une évolution vers plus de libre choix dans le cadre de ce qu'on appelle une retraite "par points", ce qui ne sort pas des mécanismes de répartition mais permet plus de souplesse. En gros il s'agit des propositions du MODEM et des revendications de la CFDT. Pour l'adoption : 198 Contre : 140.
Cette importante "réforme dans la réforme", voilà comment la critique la gauche :
D'abord M. Martial Bourquin :
"Avec cette réforme, vous faites plaisir aux agences de notation, comme le voulait Nicolas Sarkozy. Mais le coup porté aux salariés est tellement dur qu'il faudra un autre artifice que celui-ci pour le faire oublier !" (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Et enfin Mme Mireille Schurch :
"Nous sommes ce soir floués. Vous avez dit votre attachement au système par répartition. Et maintenant, vous dites vouloir réfléchir à d'autres régimes. Avec cet amendement, on ira à une individualisation des retraites. Le système voulu par M. Arthuis prendrait en compte l'intégralité des carrières, et non les vingt-cinq meilleures années, ce qui pénaliserait encore plus les femmes.
En Suède, en Italie, le basculement au régime par point a entraîné une réduction des pensions, surtout pour les réversions."
Apparaît donc assez nettement une voie envisagée, en cas de victoire de la gauche. Elle ne reviendra peut-être même pas sur le décalage à deux ans des bornes d'âge. Mais elle se ralliera à cette doctrine du doublement de la CSG, théorisée par Mme Blandin. Seule la faillite financière subséquente obligerait alors, ou bout de quelques mois, le gouvernement socialo-écolo-communiste à faire machine arrière.
Mme Aubry essuiera dès lors une grosse larme, et les Français de toutes conditions payeront l'addition. Et comme d'habitude sous le règne des socialistes les plus pauvres souffriront le plus.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. Le Monde en ligne avec AFP le 21.10.10 à 11 h 02 : "Aubry rappelle que le PS est "unanime" sur les retraites"
- article L-136-8 du Code de la sécurité sociale créé par la Loi n° 93-936 du 22 juillet 1993
- article L-136-7-1
Vient de paraître : L'Histoire du communisme avant Marx les lecteurs de L’Insolent peuvent commander directement "L'Histoire du communisme nt Marx par Alfred Sudre, un livre de 459 pages au prix franco de port de 25 euros.
Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101
Il faut arrêter la propagation du mythe des "pauvres de plus en plus pauvres" régulièrement ressorti par les uns et les autres.
D'après l'INSEE, le taux de pauvreté en France est passé de 17,9 % en 1970 à 13 % en 2008 en subissant une baisse très régulière. Tout le monde peut le vérifier en consultant le site de l'INSEE
(http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATSOS04402).
Mais, les mythes ont la vie très dure.
Rédigé par : Account Deleted | vendredi 22 oct 2010 à 16:39
87% des sondages sont faux!
Petite réponse : Etes-vous certain de l'exactitude de ce pourcentage? Amicalement JGM
Rédigé par : minvielle | samedi 23 oct 2010 à 12:12