Supposé venger la mort de 58 parachutistes français, attribuée au Hezbollah, le remède se révéla pire que le mal. Il porta un coup plus terrible encore que la première frappe. Le dommage en a pu paraître irrémédiable pour le prestige de l'ancienne puissance mandataire, protectrice traditionnelle des chrétiens en orient.
Ici la trahison me semble être venue, plus encore que du diplomate qui passa le coup de téléphone, de celui qui, selon toute vraisemblance lui en a donné l'ordre. Selon son habitude, on se le représente sans difficulté : d'abord le Florentin ordonne la frappe, pour l'apparence ; dans l'instant suivant, il fait prévenir la cible. Plus tard, il qualifiera l'exécution de ses ordres "d'initiative personnelle d'un diplomate". Enfin il récompense le zélé fonctionnaire.
On peut donc trahir par diplomatie, on peut le faire sur ordre reçu d'en-haut, au nom de la raison d'État ou des intérêts pétroliers, ou enfin par sottise perverse, maquillée en intelligence supérieure.
On appelle cela du nom merveilleux de realpolitik, excessivement utile puisqu'il ne veut rien dire.
Emprunté à Bismarck ce terme a été introduit frauduleusement en français. Il désigne originellement une volonté de réalisme, au service de l'unité allemande. L'usage anglo-américain, sous la guerre froide, le fera tendre vers l'idée d'une recherche de l'intérêt national au-delà des clivages idéologiques. On cite comme exemple l'accord de 1971 avec la Chine, inspiré par Kissinger et destiné à lutter contre l'URSS. Celle-ci était désignée pour l'ennemi commun, aussi bien par le maoïsme que pour l'occident d'alors. On n'a pas voulu y voir la perversion et l'iniquité que l'expression "raison d'État" peut véritablement recouvrir en français. Depuis Richelieu, tenu pour un disciple de Machiavel, du moins pour ses adversaires, celle-ci a surtout justifié beaucoup de sottises contre-productives que "nos maîtres" ont prétendu nous faire admirer.
À l'époque contemporaine, elle a conduit les mêmes à présenter comme le plus pur des patriotisme ce qui relevait, au bout du compte, de la quintessence de la trahison.
Voici par exemple une "importante déclaration de Maurice Thorez" (2) en date du 23 février 1949 :
" Si l'armée soviétique défendant la cause des peuples, la cause du socialisme, était amenée à pourchasser les agresseurs jusque sur notre sol, les travailleurs, le peuple de France pourrait-il se comporter envers l'armée soviétique autrement que les travailleurs, que les peuples de Pologne, de Roumanie, de Yougoslavie, etc. ?". Quelle meilleure illustration peut-on citer d'une forme délibérée de l'intelligence avec l'ennemi, explicitement théorisée par un homme qui l'avait déjà mise en pratique, ayant déserté en 1939 ?
À cet égard le fait pour nos institutions de tolérer que son nom déshonore, comme celui de son compère Jacques Duclos, un nombre non négligeable d'avenues, de rues, de places, de squares ou de boulevards de nos villes, relève lui aussi d'une connivence assez symptomatique.
De telles tendances permettraient, à elles seules, de mieux nous éclairer sur des déroutes que certains attribuent à toutes sortes de causes fantaisistes.
Certes, le sentiment d'avoir été trahi n'appartient en propre à aucun soldat du monde, dès lors que le vent de la victoire a soufflé en faveur du camp adverse.
Sur le sujet des combats de 1940 (3), on ne lira pas sans une amère ironie "L'Étrange défaite" de Marc Bloch. La confluence des mythes gaullistes et des mensonges staliniens veut nous présenter l'auteur pour un grand historien. L'arithmétique en l'occurrence, l'impréparation et la défaillance des Alliés expliquent sans aucun mystère une faiblesse matérielle aggravée par la frivolité des dirigeants politiques et d'un généralissime, tous appuyés sur la chambre du Front populaire. Totalement inversé par rapport à 1914, le rapport des forces ne pouvait jouer alors qu'en faveur d'une Allemagne, alliée à l'Union soviétique, contre une France, deux fois moins peuplée, et que ni la Grande Bretagne, ni les États-Unis ne pouvaient encore épauler sur le continent.
S'agissant des deux guerres d'Indochine et d'Algérie, et quoique les deux affaires aient connu des développements fort différents, la connivence entre "ceux qui nous dirigent et ceux qui nous combattent" ne relève pas de l'impression vague, mais de la certitude.
Celle-ci ne peut faire aucun doute. Bien plus elle marqua toute une génération de combattants et de patriotes, au sens authentique du terme. Elle fonda, dans leur esprit, la conviction que le pays ne pourrait se relever qu'au prix de changements radicaux. Quel que soit le nom que l'on a pu donner à cette analyse, et aux doctrines qui pouvaient en résulter, elle imposait, à l'évidence, de prendre ses distances vis-à-vis d'un certain monde conservateur. Et au fond, après quelque 50 ans de vigilance, d'engagements et d'écrits au service de la liberté et du redressement de l'Europe, et de ce pays, l'auteur de ces lignes n'éprouve qu'un regret : celui de n'avoir pas rompu plus rapidement avec certaines illusions, de n'avoir compris que beaucoup plus tard la nuisance des intérêts monopolistes badigeonnés de tricolore.
L'examen en détail des événements ne déçoit d'ailleurs jamais. On ne peut qu'inviter ainsi à mieux explorer, ou à revisiter, par exemple, les responsabilités du désastre qui amena en 1954 aux accords de Genève liquidant la présence française au Vietnam, au Cambodge et au Laos.
On doit souligner cette affaire car, de 1956 à 1962, les militants du nationalisme français se virent particulièrement sensibilisés au fier mot d'ordre imaginant que nous pourrions un jour "effacer Dien Bien Phu de l'Histoire".
Il me semble aujourd'hui que le passé ne se réécrit pas.
Son exploration, même douloureuse, nous enjoint au moins de ne pas recommencer les mêmes erreurs. On doit alors cerner les causes.
Pour Dien Bien Phu on n'envisagera pas seulement le choix technocratique du site. On se préoccupera aussi de la légèreté avec laquelle "on" avait programmé un appui aérien, lequel très rapidement fit défaut.
Peut-être, les historiens du futur, consentiront-ils à ne plus confondre patriotisme et conformisme, intérêt national et profits des marchands de canons ou des avionneurs, contre-modèle hexagonal et présence des partisans de la destruction de la société à tous les échelons de la prise de décision.
Ils pourront aussi être amenés à se demander si cette frivolité ne s'explique pas, en 1952-1953 par la présence d'agents précis dans l'entourage de Pleven, décideur politique et militaire, autant que par la pression des campagnes du parti communiste, de ses compagnons de route et de la CGT contre ce qu'ils appelaient "la sale guerre".
On n'est jamais trahi que par les siens. On est d'abord liquidé par sa propre décadence.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. L'Insolent du 25 octobre Le legs humiliant de la Mitterrandie
- cité par "L'Humanité" comme résultant des travaux du comité central du parti au sein duquel a toujours siégé le secrétaire général de la CGT/li>
- cf. à ce sujet "L'Honneur des vaincus"; mais aussi, dans le Tome 1er du Procès du Maréchal Pétain, les délires de l'accusation et, dans le Tome 5 des Responsabilités des dynasties bourgeoises, les conditions politiques et militaires qui ont marqué la fin de la Troisième république, en profitant de notre offres spéciale, en profitant de notre offre exceptionnelle pour ce tome 5 "De Hitler à Pétain".
Vient de paraître : L'Histoire du communisme avant Marx les lecteurs de L’Insolent peuvent commander directement "L'Histoire du communisme avant Marx par Alfred Sudre, un livre de 459 pages au prix franco de port de 25 euros.
Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101
Dans cette affaire de l'Indochine je relevais des choses étranges:une photo de Paris Match montrant un combattant Viet Minh portant sur sac 1 pm MAT 49,alors que cette arme arrivait à peine dans l'armée française viroté trucage?
Rédigé par : un vieux | jeudi 28 oct 2010 à 12:49