Toutes les fées s'étaient pourtant penchées sur le berceau de cette multitude. Ils viendraient en famille, pas besoin de faire la grève. Même Georges Tron avait annoncé au matin de ce 2 octobre (1) "une participation importante". Voilà qui allait faciliter les modifications que l'on va introduire au gré de la procédure parlementaire. Et de souligner que le projet était "amélioré à chaque étape". Autrement dit, le passage à la Chambre Haute allait permettre le compromis bizarre entre technocrates et bureaucrates, dérision de ce que l'on appelle une réforme.
À ce sujet, je tiens à redire ma stupéfaction fondamentale. Face ce projet de loi en effet, ni les porte-parole des manifestants, ni les partisans du gouvernement, ni encore moins les journalistes ne semblent se préoccuper du libre choix des individus. Ne parlons même pas des professions théoriquement indépendantes.
Peu après le secrétaire d'État, sur une autre antenne, le toujours attachant secrétaire général de la CFDT était harcelé par un journaliste. (2) François Chérèque répondait que si le nombre des manifestants se révélait plus important ce serait "super-gagné".
Hélas, hélas, hélas, l'espérance évoquée par les deux hommes en début de journée, ne se confirmait pas le soir. Le complaisant représentant du pouvoir, lui-même ci-devant villepiniste, devait contredire sa propre prédiction matutinale et décevoir le syndicaliste. On n'avait pas observé "une progression" mais "plutôt une légère inflexion" "on n'a pas les mêmes manifestants, ce qui laisse à penser qu'en réalité les personnes qui ont manifesté jusqu'à présent et auxquelles on a adressé les messages, ont plus ou moins compris ce qu'on voulait leur dire". (3)
Au matin l'agence monopoliste France Presse reprenait à son compte l'énorme bobard habituel du nombre de Français qui "affichent soutien et sympathie pour cette journée" : 71 %. Le lecteur attentif pouvait déceler qu'il s'agissait d'une affirmation de L'Humanité, prétendant s'appuyer sur un sondage CSA commandé par le journal communiste, dont le détail reste obscur :"71 % des Français, dit cependant la dépêche, soutiennent les manifestations sur les retraites, un record. Le mouvement qui se poursuit pourrait se durcir si le gouvernement n’entend pas la rue."
De toute évidence un tel bouteillon allait se trouver complètement démenti par les faits. Mais après diffusion par l'AFP à 7 h 42, il apparaît sans une virgule de modification, sans aucune réserve, sur les sites, en vrac, des "Échos", de "Nice Matin", de "L'Express", "du Courrier Picard", des "Dernières nouvelles d'Alsace" etc. (4)
Autre bobard cégétiste : la prétendue "irruption des manifestants nouveaux". Là aussi, il s'agit d'un titre, d'une simple trouvaille de "L'Huma" (5).
Plus tard le même nuage d'inconnaissance allait porter sur le nombre effectif de manifestants. Et cela commençait samedi à la mi-journée. "Près de 380 000" personnes selon le ministère de l'Intérieur, qui "observe une participation inférieure" à celle du 23 septembre où 410 000 personnes avaient défilé. Évidemment on multiplie par 3, surtout à Tarascon. Ceci pour la matinée. Au total en fin d'après midi les décomptes donnaient en fait le même taux de recul, de l'ordre de 10 %.
Un peu plus tard encore, on nous assurait que les organisateurs "misent aussi sur la présence des familles, un peu moins sur celle de la jeunesse, restée jusqu'ici à l'écart du mouvement. L'Unef, première organisation étudiante, et l'UNL et la Fidl, les deux principales organisations lycéennes, ont redoublé d'efforts ces derniers jours pour mobiliser les jeunes." (6)
Mais tout cela n'a pas empêché que les prétendus "71 % des Français qui soutiennent" n'ont donné lieu, malgré l'afflux des "nouveaux manifestants" ainsi conditionnés, qu'à 900 000 piétons selon les comptages de la police, répartis entre plus de 200 défilés, pour le total de la journée.
Précisons à ce sujet que de nouveaux instruments de mesure, à partir de photos aériennes et de reconnaissance informatique, ont été mis en place dans divers pays, sans doute plus modernes que le nôtre. Or, ils démontrent que les statistiques du type de celles des renseignements généraux tendent plutôt à surévaluer légèrement l'importance des foules rassemblées.
En définitive, peu importe, au fond, le nombre de manifestants, la quantité de cortèges, la somme des querelles à propos de leurs évaluations. On doit surtout redouter le sens de la manœuvre. Passant au Sénat, auquel échoit la fonction de réflexion, la discussion du projet Fillon-Woerth, permet d'abriter un compromis. Si celui-ci intervient entre le pouvoir et la CGT, il se réalisera sur le dos des syndicats réformistes et des classes moyennes. On doit se garder, et dénoncer par avance un tel scénario pervers et destructeur.
Ce n'est plus Billancourt que ce système cherche encore à sauvegarder, c'est bel et bien l'ombre mortifère et liberticide du communisme.
JG Malliarakis
Apostilles
- "Invité de la rédaction" durant l'émission de Bernard Poirette RTL Week-end sur RTL à 8 h 20. M. Tron, bien que lié au clan Villepin, a été nommé en mars 2010 secrétaire d'État à la Fonction publique du gouvernement Fillon. Sous la tutelle d'Éric Woerth, Ministre du Travail, sa tâche essentielle aura été jusqu'ici de préparer la réforme des retraites dans la fonction publique. à 9 h 02 Il était l'invité de Dominique Souchier émission "C'est arrivé cette semaine" sur Europe 1. cf. "Le Monde" en ligne "suivez la journée de mobilisation" 02.10.10 | 18 h 34Il suffit pour le vérifier de taper le début du texte "Plus de sept Français sur dix (71 %), selon un sondage CSA" dans Google.cf. "L'Humanité" 1er octobre : "Soutenus par l’opinion, les syndicats appellent à manifester demain."AFP du 2 octobre 2010 à 14 h 45
Jusqu'au 15 octobre les lecteurs de L’Insolent peuvent commander directement "L'Histoire du communisme" par Alfred Sudre, un livre de 459 pages proposé en souscription au prix franco de port de 18 euros. Il sera ultérieurement commercialisé au prix de 25 euros.
Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de Lumière 101
incroyable que les Français ne soient pas informés du nombre exact de manifestants.
Pour ma part, je fais confiance au ministère de l'intérieur jusqu'à preuve du contraire. Si le Ministère trafique les chiffres, le Ministre doit démissionner. Si les syndicats n'attaquent pas le Ministre en faux, c'est qu'ils trafiquent leurs chiffres. CQFD.
Nous pouvons aussi nous poser la question pourquoi les médiats ne prennent pas position...
Rédigé par : jjw1 | lundi 04 oct 2010 à 11:02
Retraite à 60 ans, à 65 ans, à 67 ans ! Mais pour les retraites à 30 ans, à 40 ans, à 50 et à 55 ans, personne n'en parle. Les militaires les conducteurs de trains et tous les privilégiés. Personne n'en parle. La pénibilité, quand j'étais jeune, le poids d'un sac de blé c'était 100 kg, le poids d'un sac de ciment 50 kg. Non seulement plus personne ne porte de sac, mais la norme semble être 30 kg. Pour le moindre petit trou c'est une pelleteuse qui est déplacée. Pour les mouvements répétitifs donnant des tendinites les ingénieurs se creusent la tête pour les éviter. Par contre on a inventé la pénibilité devant l'ordinateur. Tout cela manque totalement de sérieux ! C'est les palabres africains sous un arbre, et encore eux ils arrivent à une conclusion, nous non !
Rédigé par : Jean-Marie BRUTY | lundi 04 oct 2010 à 11:21
Si vous avez bien suivi les infos du soir vous avez du entendre, comme moi, un responsable syndical avouer que dans le décompte des manifestants ils incluaient également les spectateurs.
Je me marre !
Et tout ça pour une réforme qui n'en est même pas une !!
Rédigé par : guy | lundi 04 oct 2010 à 13:10
Entre la place de la République et celle de la Bastille, il est habituel que les "manifestants" ("permanents", salariés par le PCF) prennent 3 ou 4 fois le métro pour re-défiler sur le parcours le même nombre de fois.
Rédigé par : Rostolan | mardi 05 oct 2010 à 11:29
un exemple de chiffres trafiqués: dans ma ville de province (sous-préfecture) : 300 manifestants le matin. Ces mêmes manifestants sont transportés à midi par bus jusqu'à la ville préfecture du département. Ces 300 manifestants sont comptés deux fois...Les petits ruisseaux font des torrents de commentaires dans les médiats...
Rédigé par : jjw1 | mardi 05 oct 2010 à 14:56
en démocratie, personne ne peut s'opposer par la force à la volonté du peuple qui s'exprime par la voix de ses représentants elus au suffrage universel à vote secret. Il est inadmissible
qu'on invite les syndicats
quin'ont aucune légitimité
pour discuter des lois voulues parle peuple.
La seule façon de s'oposer au gouvernement c'est par la voie des urnes.
Au Canada, où les syndicats sont riches et puissant (ils payent le salaire des grevistes)ne penseraient même pas à s'opposr aux lois. Leur domaine est la défense des intérets des travailleurs et pour ça, ils peuvent soutenir une grève pendant des mois si c'est nécessaire ou jusqu'a ce que tout le monde soit fatigué et demande au gouvernement de nommer un médiateur.
Bonne soirée
Paul Tarjon.
P.S. Je vais en France 2 fois par ans. Les deux dernières fois j'ai eu la grève de la SNCF. Je rentre début novembre quelles sont mes chances?
Petite réponse
J'essaye de les évaluer dans ma chronique qui sera datée de ce 7 octobre...
Rédigé par : Paul Tarjon | jeudi 07 oct 2010 à 04:11
Les manisfestants du 12/10 étaient sans doute inférieur à ceux annoncés par les syndicats.
mais à Marseille ils étaient largement supérieur à ceux de la police. Il suffit d'assister au semi Marathon de Marseille Cassis pour se rendre à l'évidence. Organisons la manifestation au stade Vélodrome on aura une meilleure idée. A paris organisons là au Stade de France.
Rédigé par : Richard | dimanche 17 oct 2010 à 16:28