Le Monde et quelques autre ont propagé le 15 septembre la nouvelle que le département d’État américain avait cru bon se s’en préoccuper, par une voix anonyme (1) Le lendemain 16 septembre, le bobard était démenti par le porte parole M. Crowley (2). L’affaire des expulsions de campements illégaux de nomades devient ainsi croustillante. L’imbroglio devient objet polémique. La discussion devint conversation. Pendant ce temps les vrais problèmes sont oubliés.
Mais bientôt, l’expérience nous l’a enseigné, l’interrogation-même à propos du recroquevillement de ce malheureux pays deviendra un sujet tabou. Au mieux se contentera-t-on de nous dire, chez les socialistes que la faute en revient au chef de l’État. Au sein de l’UMP, on voudra nous faire convenir, au contraire, que tout cela vient de l’héritage Mitterrand. Et puis l’Europe de Bruxelles peut servir, aux uns comme aux autres, d’excellente tête de Turc.
M. de Villepin par exemple ne cache à personne son admiration pour Bonaparte. Et il voudrait dissimuler cette forme d’extravagance, si répandue dans les asiles, qui le pousse à se prendre pour Napoléon. S’il me consultait je lui suggérerais, conseil gracieux, de ne pas contrarier cette pente naturelle, et semble-t-il inéluctable. Il excelle sur cette voie et ne compte, à ce jour, aucun électeur à perdre. On pourrait même lui révéler, puisqu’il se pique de littérature, que les livres de Nietzsche n’ont vraiment connu de succès qu’à partir de l’année 1889, quand l’Europe l’a cru fou.
Villepin donc, issu lui-même d’une tribu de nomades campant [légalement] dans les contre-allées du quai d’Orsay dit tout haut ce que les couches dirigeantes parisiennes pensent tout bas. Ils ont ouï dire que De Gaulle avait lui-même formé ses opinions en lisant, aussi secrètement que superficiellement, Maurras. Or, les hybrides issu de l’espèce gaullo-maurrassienne et de la racaille jacobine prétendent interpréter la formule de ‘la seule France’ en un plaidoyer pour une France solitaire. Dressée sur d’historiques ergots contre l’Allemagne et, peut-être plus encore, contre l’Angleterre, ils s’acharnent à faire appliquer un tel programme, si contraire pourtant à l’intérêt moral et matériel des Français.
Sous Chirac, on a beaucoup progressé sur cette voie funeste, que l’on eût qualifié d’albanaise à l’époque d’Enver Hodja. Or, depuis 1992, même Tirana s’est affranchie du délire isolationniste et ce pays s’est trouvé de nouveaux amis, partenaires et protecteurs. L’État central parisien a suivi le chemin inverse. Il s’y est embourbé et enfoncé, y compris, de 1997 à 2002, sous le gouvernement de Jospin. Par la suite Villepin, comme ministre des Affaires étrangères puis comme Premier ministre, a beaucoup contribué au processus. Mais la rupture promise en 2006, et pour laquelle 53 % des Français ont voté en 2007, 3 ans après, attend toujours. Les bourdes, les inconvenances, les tartarinades n’ont guère baissé la garde.
Isolement certes, éloignement arrogant vis-à-vis de l’occident et tiers-mondisation rampante, plus encore. On va bientôt cependant nous certifier que la Libye de Khadafi ou le Venezuela de Chavez rejoignent l’immense cohorte des admirateurs du jacobinisme.
On ne peut guère hélas que le constater pour le déplorer.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. Lemonde.Fr avec AFP | 15.09.10 | 21 h 29 • Mis à jour le 16.09.10 | 08 h 37 qui écrit : "Les Etats-Unis ‘invitent la France et d'autres pays à respecter les droits des Roms’, a déclaré à la presse mercredi un haut responsable du département d'État sous le couvert de l'anonymat."
- cf. site du Nouvelobs avec Reuters le 16 septembre à 9 h 34 qui dément : "Le porte-parole du Département d'État, P.J Crowley, a dit pour sa part ne pas avoir connaissance d'une déclaration officielle de Washington concernant la politique mise en place en France."
Vous pouvez écouter l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
La france isolée n'a certes rien à voir avec "La France seule", qui voulait dire : la France seulement. Mais je ne crois pas que qui vous savez ait jamais lu Maurras, même en cachette, aux cabinets. L'hebdomadaire "Aspects de la France" (redevenu "L"Action française"), auquel mon père était abonné, a maintes fois expliqué que De Gaulle n'était pas l'auteur des articles sur l'arme blindée parus dans l'AF avant-guerre, et qu'en revanche, en 1937, il faisait partie des "amis de Temps présent". "Temps présent" était proche de Marc Sangnier. Les relations entre Maurras et Sangnier n'étaient pas précisément chaleureuses.
Rédigé par : Pirée | lundi 20 sep 2010 à 09:33