Pour la bourse, péripétie : à 11 h 20 Areva cotait 326 euros en baisse de 0,28 % mais le CAC 40, lui, à 3 744 points marquait un recul de 1,06 %. Quatre fois plus. Et ça change à chaque instant.
Pour Mme Lauvergeon, son plan de carrière devrait continuer sans encombre. Les rumeurs printanières sur sa mise à l'écart, au moment de l'irrésistible ascension de M. Proglio correspondaient probablement à des échecs commerciaux, notamment à Abou Dhabi. Elles ont été démenties. Cette éminente représentante de la Mitterrandie et de la technocratie parisienne, nommée en 2001, sous le gouvernement Jospin, à la tête du monopole historique hexagonal du nucléaire devrait conserver ses fonctions jusqu'à leur terme, prévu en 2011.
Les guides de l'opinion publique semblent suggérer que "la France" va payer pour ses otages. Ceci ne pourra hélas qu'encourager al-Qaïda ou tout autre groupe criminel à imiter cette fructueuse opération comportant pour eux, jusqu'ici, assez peu de risques.
"Le Monde", toujours de mauvaise foi, bien sûr, ose souligner les légèretés de la sécurité autour des expatriés français. Mesquine polémique : au pire, elle n'atteindra que des responsables locaux du grand groupe, presque des subalternes. À eux de s'expliquer.
Certains regrettent cependant que la patronne fasse, dans cette affaire si peu parler d'elle. Modestie de violette.
On pourrait évoquer deux ou trois aspects de cette brillantissime course au pouvoir, où au contraire, elle avait accepté sa propre médiatisation glorieuse.
Paris-Match en date du 28 mai 2009, publiait ainsi une photo triomphale en compagnie de M. Mohamed Abdoulaye, le ministre nigérien des Mines, et Rama Yade à l'arrière-plan. Notre propre mise en page ne permet pas de voir ici la présence du ministre français de l'Économie et des Finances.
Mais comme le dit la devise de l'hebdomadaire gaulliste, le poids des mots donne du sens au "choc des photos". Éclatant Titre de l'article :
[Atomic avec un C : on est gaulliste ou on ne l'est pas]. Voici le texte :
"Anne Lauvergeon, la P-DG d’Areva, a inauguréFaut-il souligner la triste prémonition de ce dernier point ?la plus grande mine d’uranium d’Afrique . Elle garantit ainsi l’approvisionnement de la France et… de son plus important client : la Chine.
Vêtue d’une longue jupe blanche, la présidente du directoire d’Areva ne semble pas affectée par la chaleur. Il fait 40 degrés à l’ombre, mais la Française affiche bonne figure dans la fournaise du plateau d’Imouraren, qui va abriter une mine géante, plaçant le Niger au deuxième rang mondial des pays producteurs d’uranium. Cinq mille tonnes par an pendant trente-cinq ans, un investissement de 1,2 milliard d’euros, 1 400 emplois directs, Anne Lauvergeon égrène les chiffres avec satisfaction.
Il a fallu deux ans de négociations pour obtenir ce permis d’exploitation qui assure une bonne partie de l’approvisionnement énergétique de la France. Le ministre de la Coopération, Alain Joyandet, a fait le déplacement. Tout comme le gouvernement nigérien et le président Mamadou Tandja. Arrivé d’Agadez à bord d’un hélicoptère de combat MI-35 de fabrication russe, protégé par un second appareil du même type, le chef d’État nigérien a fait coïncider cet événement avec une paix des braves avec les rebelles touaregs, en perte de vitesse face aux coups de boutoir de l’armée. Pas d’accord signé, mais un processus de paix qui devrait amener les insurgés à déposer les armes. La contrepartie : le gouvernement s’engage à reverser dans la région 15 % des revenus de l’uranium. Une bonne nouvelle pour le groupe français accusé par un camp de soutenir l’autre, et vice versa.(…)
"Avec Imouraren, Areva renforce un partenariat historique qui lie le groupe au Niger depuis quarante ans", dit-elle devant le parterre d’invités et mille chameaux richement harnachés montés par des Touaregs. Ensuite, méchoui sous les tentes pour tous les invités. Le repas présidentiel, lui, est organisé dans la « base-vie » d’Areva, construite comme un camp militaire et protégée pour l’occasion par les mitrailleuses de l’armée. Anne Lauvergeon écoute le président Tandja lui confier les petits secrets de la négociation avec les Touaregs. Plusieurs réclament l’amnistie qu’il ne peut pas donner, selon lui, tant qu’ils n’auront pas été traduits devant la justice. Restent les trafiquants de drogue et les bandits qui écument le désert. Plusles groupes d’Al-Qaïda pour le Maghreb qui capturent ou achètent des otages pour les libérer contre rançon. "
Madame Lauvergeon a cependant d'autres chats à fouetter. Par exemple elle se prononce sans périphrases en faveur de la discrimination positive. Ceci lui a valu des commentaires acerbes de la part de ceux qui se sentent visés par cette nouvelle forme de racisme. Ils représenteraient dit-on 80 % de l'effectif de son groupe, dont elle ne voudrait plus. Triste polémique, mais ne l'avait-elle pas déclenchée elle-même ? Participant au Women’s Forum en octobre 2009 à Deauville, elle aurait déclaré : "A compétences égales, eh bien désolée, on choisira la femme ou on choisira la personne venant de... Autre chose que le mâle blanc, pour être clair". Madame Lauvergeon aurait ainsi voulu démontrer que sa qualité de normalienne restait compatible avec la bêtise et la vulgarité, elle ne s'y serait pas prise autrement.
En 2002, elle donna lieu à une mesquine controverse. En septembre en effet, Les Échos dévoilait un rapport de la Cour des comptes, passant au crible sa rémunération. À l'époque on parlait de 305 000 euros de salaire fixe et 122 000 euros de part variable. Ces sommes étaient jugées bien supérieures à celle des dirigeants d’autres entreprises publiques. Elle bénéficierait aussi d'un "parachute doré" égal à deux ans de salaire.
Est-ce pour cette raison qu'Anne Lauvergeon conserve ses fonctions ?
JG Malliarakis
Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de Lumière 101
Salaire d'Anne Lauvergeon :
"on parlait de 305 000 euros de salaire fixe et 122 000 euros de part variable".
Faute de préciser s'il s'agit de chiffres annuels (à la mode anglo-saxonne) ou mensuels (à la mode française), ceci ne veut rien dire...
Rédigé par : Dominique Perignon | mercredi 22 sep 2010 à 16:55
@ Dominique Pérignon
Merci de poser la question.
Je pense que vous ne réalisez pas les rémunérations que s'octroient les prédateurs...
S'il s'était agi d'un salaire annuel la cour des comptes n'aurait rien dit.
Pour votre documentation, voici l'article de Libé du 4 septembre 2002:
Anne Lauvergeon, patronne dans la ligne de mire
La PDG d'Areva placée «sous surveillance» par Bercy.
Anne Lauvergeon a été la sherpa de François Mitterrand au début des années 90 ; elle préparait les sommets internationaux du président de la République. Autant dire que la pédégère d'Areva, le géant français du nucléaire, est plutôt cataloguée à gauche. Est-ce un obstacle pour continuer à diriger un groupe contrôlé par l'Etat, alors que la droite a pris le pouvoir ? Comme pour beaucoup d'autres patrons d'entreprises publiques nommés par la gauche ou ayant exercé sous le gouvernement socialiste, la chasse semble ouverte. Ainsi, malgré un démenti du gouvernement, le départ de Martin Vial, patron de la Poste, semble acquis (Libération d'hier). Le compagnon de l'ex-secrétaire d'Etat au Budget du gouvernement Jospin, Florence Parly, se voit reprocher des pertes en 2001. Michel Bon pourrait connaître un avenir équivalent (lire ci-dessous) : le sort du PDG de France Télécom semble suspendu au règlement du dossier MobilCom, filiale allemande de l'opérateur, en grandes difficultés financières.
«Très coûteux». Selon les Echos d'hier, l'avenir d'Anne Lauvergeon est donc lui aussi en suspens. Le quotidien économique révèle que la Cour des comptes a adressé plusieurs reproches à la direction d'Areva et que Bercy a placé la patronne du groupe nucléaire «sous surveillance». En cause, le salaire d'Anne Lauvergeon, de 427 000 euros (305 000 fixes et 122 000 variables). La Cour des comptes estime, dans un rapport encore confidentiel, qu'il représente «17 % de plus que le mieux payé des présidents d'entreprises publiques, France Télécom, société du CAC 40, réalisant un chiffre d'affaires plus de cinq fois supérieur à celui d'Areva». De plus, Anne Lauvergeon aurait obtenu de recevoir une indemnité de deux ans en cas de rupture anticipée de son contrat, ce qui pourrait être «très coûteux pour l'entreprise».
Dans le même temps, la direction d'Areva a subi aussi des critiques de la part du Trésor et de la Direction générale de l'énergie et des matières premières, à propos d'une prise de participation dans le groupe Sagem. Dans une lettre envoyée au président du conseil de surveillance d'Areva, avec copie à Anne Lauvergeon, l'administration de Bercy s'étonnait que la décision ait été prise sans les prévenir. Devant tous ces reproches, certains en sont déjà à évoquer un successeur à Anne Lauvergeon. On cite notamment François Bujon de l'Estang, ambassadeur de France à Washington. Ce proche de Jacques Chirac a pour lui d'avoir fait une partie de sa carrière à la Cogema (aujourd'hui filiale d'Areva).
«Petites choses». Du côté d'Areva, on minimise les critiques en expliquant avoir respecté les règles. Concernant la rémunération d'Anne Lauvergeon : «Cette dernière est proposée par le comité de rémunération du groupe et décidée par l'Etat. Elle est peut-être plus importante que d'autres présidents de groupes publics, mais bien en deçà de postes équivalents dans le privé», explique Jacques-Emmanuel Saulnier, porte-parole d'Areva. Idem pour les indemnités de départ, décidées par l'Etat. Quant à la prise de participation dans la Sagem, Areva n'était pas obligé de prévenir l'Etat, puisque l'opération a été pratiquée via une filiale. «Ce que je retiens de tout cela, fait remarquer Jacques-Emmanuel Saulnier, c'est qu'on pointe des choses sans importance et que les choix stratégiques et industriels ne sont pas contestés.»
Anne Lauvergeon a déjà été reçue deux fois par Francis Mer, le ministre de l'Economie. Après l'article des Echos, le locataire de Bercy s'est fendu d'un coup de fil à la patronne d'Areva. «Il lui a expliqué qu'elle n'avait pas à se soucier de ce qu'il y avait dans les journaux», faisait-on savoir du côté du groupe. Fausse alerte, alors ? Pas si sûr. Hier, Bercy n'était pas prêt à lever les ambiguïtés sur le sort de la pédégère d'Areva. Aucun porte-parole ne souhaitait s'exprimer sur le sujet.
Rédigé par : Jean-Gilles Malliarakis | mercredi 22 sep 2010 à 17:08