Or, elles font aussi l'objet de critiques dans le camp des étatistes.
Elles plombent, en effet, aux yeux de certains, les recettes de l'État.
M. François Baroin ministre du Budget estimait ainsi le 27 juin que la baisse de la TVA dans la restauration était une "très, très grosse niche fiscale". Et, sans aucune pudeur, il déclarait (1) à ce sujet : "si on me laissait faire, je la mettrais dans le coup de rabot". S'il nous fallait encore chercher des arguments pour qualifier l'ineptie de ce petit personnage, pur produit du républicanisme héréditaire et de la Chiraquie, nous trouverions matière suffisante dans ce raccourci.
Hervé Novelli, secrétaire d'État au Commerce lui a rappelé à juste titre combien il se fourvoie. La TVA à 5,5 % dans la restauration traditionnelle est entrée en vigueur il y a un an. La profession y est parvenue après des années de luttes et de promesses électorales. "Ce n'est pas une niche fiscale". "La Tribune" chiffre ainsi les effets de cette mesure : "La baisse de la TVA aurait permis la création nette de 21 700 emplois, hors intérim, dans le secteur de la restauration entre juillet 2009 et mars 2010 pour atteindre 933 000 emplois. Il avait perdu 7 000 emplois en 2008, puis 7 000 autres au premier semestre 2009." (2)
En fait, ce taux réduit bénéficie, depuis des années, aux usines à [mal]bouffe appelées "fast-food". Et pour une fois on me pardonnera, j'espère, d'utiliser le terme anglo-américain qui convient en l'occurrence, comme se révèle approprié à une autre réalité particulière le mot "gangster". La concurrence loyale imposait que la fiscalité cesse de favoriser de la sorte un protectionnisme à l'envers.
Nous nous trouvons bien en présence d'une manipulation du vocabulaire autour de la question fiscale.
On entend évoquer globalement des chiffres stupéfiants : 75 milliards de "manque à gagner" (pour l'État) résultant de 486 dispositifs.
L'utilisation par la CGT de cette évaluation devrait déjà la rendre suspecte. Elle l'amène à mettre en avant ce qu'elle appelle des "propositions". (3) Avec ces 75 milliards elle se propose en effet de financer "les retraites".
L'expression "manque à gagner" mérite d'ailleurs le détour. Elle doit toujours susciter le scepticisme. Par définition il s'agit de sommes qui n'existent pas. Mais, nous dit-on, elles "auraient été perçues si…", et avec cette restriction qui change tout : "toutes choses égales".
Précisément quand il s'agit de la plupart des hypothèses auxquelles renvoient les fameuses cédules, on sait très bien que les choses ne restent jamais "égales" c'est-à-dire "inertes".
Expliquons-nous en donnant deux exemples :
- la TVA au taux réduit de 5,5 % sur les travaux dans les immeubles d'habitation
- ou la réduction d'impôts pour les charges payées au titre du personnel de maison.
Dans un cas comme dans l'autre, on a pu parfaitement mesurer les conséquences prévisibles, qui avaient motivé la mise en place de ces mesures. Rapidement l'assiette de calcul s'est développée, car elle a substitué des opérations déclarées à des transactions qui, jusqu'alors, ou bien se trouvaient freinées par le niveau des charges ou des taxes, ou bien se déroulaient hors la vue du fisc ou des caisses sociales.
Le retour à la non-déductibilité ou, plus encore, à une TVA au taux dit normal de 19,6 %, inciterait puissamment au chemin inverse.
Avec des variantes, il en va de même pour toutes les formes d'exonérations. Voilà l'une de ces règles universelles de l'action humaine qui fondent la légitimité de ce que Von Mises appelait la praxéologie (4).
Nos technocrates eux-mêmes ont inventé d'appeler les exceptions apparentes des "effets d'aubaine". Cette expression, elle aussi fausse et exaspérante, désigne par exemple les embauches qui se seraient réalisées de toutes manières indépendamment des aides de l'État.
Les méchants employeurs sont alors supposés empocher les subventions et poursuivre leur exploitation éhontée des jeunes, des quinquagénaires, des handicapés, des membres des minorités visibles, des séquanodionysiens (5), et autres litotes politiquement correctes pour désigner tous ceux qui peuvent l'objet de discriminations positives.
Le concept de niches fiscales aurait pu rendre un grand service, et peut encore contribuer à une vraie réforme des finances publiques. Supprimer de telles aberrations discriminatoires suppose en effet que l'on réajuste les taux d'imposition proportionnellement à l'augmentation arithmétique qui résulterait de la fin des niches.
Cette seule considération rend problématique leur évaluation globale et sommaire à hauteur de 75 milliards. Rappelons ainsi quelques chiffrages officiels de la loi de finances pour 2010. On prévoit 59 milliards de recettes de l'impôt sur le revenu, soit un rendement net pour l'ensemble de la fiscalité de 252 milliards après déduction de 94 milliards de "remboursements et dégrèvements". Ce dernier agrégat ne peut pas être considéré comme exclusivement représentatif de "niches".
À supposer que l'on désire éliminer un montant de 75 milliards, sans augmenter la pression fiscale nette sur les citoyens et contribuables. Cela impliquerait alors, dans un premier temps, que l'on diminue de 25 % environ en moyenne les impôts nets infligés finalement aux Français. Ceci ramènerait le taux ordinaire de TVA à 14,7 % au lieu de 19,6 le taux dit normal de la TVA et à 30 % au lieu de 40 la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu (6). Une telle opération aurait pour avantage salutaire de ramener le taux des entrepreneurs individuels presque à égalité avec celui de l'impôt sur les sociétés.
Au total hélas on doit craindre l'effet contraire, l'effet antiréformateur, des déclarations de gens qui entendent supprimer ce qu'ils appellent des niches, et progressivement, à seule fin d'augmenter les prélèvements en donnant l'impression d'une fiscalité stable.
Cela va paradoxalement contribuer à fausser entièrement le débat. Et cela risque de prolonger pendant quelque temps encore l'occultation de la prédation étatique à l'encontre des capacités productives et créatives de notre pays.
JG Malliarakis
Apostilles
- Sur "Europe N° 1" Émission "Le Grand rendez-vous" dirigée par Jean-Pierre Elkabbach le dimanche matin de 10 h à 11 h.
- Cf. la Tribune du 30 juin.
- notre article du 24 juin "la CGT se moque du monde".
- cf. émission de Georges Lane et François Guillaumat du 15 juin sur Lumière 101 "Ludwig von Mises (1) : La praxéologie"
- Le recours au terme "jeune" pour désigner un personnage de 50 ans devenu chauve et député comme Jean-Philippe "Harlem" Désir cela perd un peu de sa verdeur sémantique. Sans doute le politiquement correct imposera une expression telle que "visible séquanodionysien" pour désigner les ex-"jeunes" toutes générations confondues. Je préfère devancer l'usage.
- Au contraire notons que M. de Villepin dans son discours délirant du 19 juin imagine de porter ce taux à 60 .
Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de Lumière 101
Bercy utilise d'ailleurs la notion absurde de « dépense fiscale » pour qualifier le « coût » des niches fiscales, comme si, en définitive, l'argent appartenait à l'État et était concédé aux individus sous forme d'exonérations.
C'est cette notion absurde qui permet à François « Harry Potter » Baroin de présenter le « coup de rabot » des niches fiscales comme une baisse des dépenses de l'État. Et, bien sûr, les médias reprennent fidèlement...
Vous êtes, avec nous, le seul à dénoncer ce renversement des réalités.
Autant dire que la tendance va être dure à inverser...
Rédigé par : Contact | mercredi 07 juil 2010 à 17:03