Disons d'emblée que l'illégitimité de sa prise de contrôle de la bonne vieille Générale des Eaux en 1994-1996 ne semble préoccuper personne. L'incompétence du bonhomme sorti de la cuisse des cabinets ministériels ne sera pas mise en cause. La récurrence banqueroutière des énarques prédateurs ne sera pas évoquée. Quoi de plus normal, en effet : on les retrouve partout dans l'oligarchie parisienne. Ils président à tous les désastres hexagonaux.
Une première évidence se dégage des débats actuels devant la 11e chambre correctionnelle de Paris : l'endettement du groupe paraissait ingérable à ses dirigeants eux-mêmes et notamment à la Direction financière.
Lors de l'audience du 4 juin (1) un curieux incident a provoqué la mise à l'écart d'une avocate des parties civiles, Mme Anne Brassens. Son intervention dérangeait manifestement le script préfabriqué par les gros intérêts coalisés des prévenus. Ayant elle-même, à l'époque, travaillé dans l'entreprise, elle n'a pratiquement pu développer son point de vue objectivement accusateur que devant la cour de New York.
Chargée d'assurer quotidiennement la liquidité du groupe, emprunteur auprès des banques, elle a voulu "attirer l'attention sur l'absence de liquidités au niveau de la holding. Nous avions une montagne de dettes et aucune position liquide pour y faire face". La trésorerie "tendue à la mi-2001, était dangereuse à fin 2001 et plus que dangereuse tout au long de 2002".
Sa mise en cause de la situation, bien que pertinente, lui valut d'être mise à la porte.
Au moment où elle informait par écrit Guillaume Hannezo, directeur financier, que la dette du groupe violait les engagements pris auprès des banques de ne pas dépasser un certain niveau d'endettement, elle entendait M. Messier, ex-PDG, affirmer en public que Vivendi allait générer 2 milliards d'euros de cash en 2001 : "Quand je regardais les documents internes, notre position financière était proche de zéro. C'était très dérangeant".
Les jurés américains en 2009 avaient estimé un tel témoignage révélateur dans le cadre d'une procédure en nom collectif se déroulant outre-Atlantique.
L'institution judiciaire parisienne a trouvé cette petite souris inconvenante et lui a fermé péremptoirement, quoique discrètement, le museau.
Ceci amène le commentaire suivant de M. Yves Mamou chroniqueur du Monde :
"Le procès Vivendi est alors apparu pour ce qu'il était, une mise en scène vide de sens ou le président annone des phrases et des citations pour partie incompréhensibles, cède la parole à Jean-Marie Messier qui expose longuement et brillamment qu'il a exécuté une stratégie sans faille, pendant que le seul avocat de la partie civile, qui tente de faire son travail n'a visiblement aucune connaissance réelle ni du dossier, ni des mécanismes économiques les plus simples."Peut-on, sans rire, parler encore dès lors de cette "égalité" dont se gargarise la république jacobine. Attachée aux seules abstractions mensongères, elle devrait réfléchir à ce qui se passe devant la loi concrète, devant la justice concrète, c'est-à-dire devant la machine judiciaire.
La direction financière du groupe sous le règne du mégalomane était assumée par M. Hannezo. Celui-ci allait céder le 21 décembre 2001, 149 000 actions Vivendi Universal détenues en stock-options pour un montant supérieur à 7 millions d'euros alors qu'il savait que le groupe allait placer sur le marché 55 millions d'actions d'auto-contrôle. Son président, de son côté allait réaliser une plus value de 9,6 millions d'euros en cédant lui aussi ses fameuses options.
Pauvre Hannezo et pauvre Messier : "les deux hommes vivaient sous la pression et dans la crainte des agences de notation." (2)
On doit, d'autre part rappeler que les actes de fausse information constituent autant de délits. Sur ce point, l'Autorité des marchés financiers en 2004 puis la cour d'appel dans un arrêt de 2009 ont prononcé des sanctions financières.
On se souviendra à cet effet que fin 2000, dans un entretien complaisamment publié le 11 décembre par Les Échos, puis dans un communiqué du 19 décembre on ose parler de "dette zéro". À ce titre l'ordonnance de renvoi considère que "la commission des sanctions de la Commission des opérations de Bourse et la cour d'appel de Paris [ont analysé] que l'interview de M. Messier du 11 décembre 2000 et le communiqué du 19 décembre constituaient une diffusion d'information fausse ou trompeuse".
Vivendi est certes passé, après la honteuse déroute de M. Messier sous le contrôle de gens honorables et sensés sous la direction de M. Jean-René Fourtou. Celui-ci décrit Vivendi lors de sa prise de fonction comme un "groupe comateux, en état de quasi-dépôt de bilan peu après le départ de M. Messier". Or l'entreprise, en tant que telle, demeure civilement responsable de ses anciens salariés et dirigeants.
Me Hervé Pisani, défenseur de Vivendi "a surtout organisé l'innocence présente de Jean-Marie Messier, mais aussi celle de Vivendi en vue d'une demande ultérieure de dommages et intérêts." Selon lui, par exemple la chute des cours "à l'évidence ne résulte pas de faits répréhensibles". (3)
Deux points pourtant tombent sous le coup de sanctions pénales et/ou pécuniaires. Or, quoi qu'on puisse penser des réflexes de Bourse, ils se révèlent toujours très pénalisants en présence des attitudes de dissimulation, que les autorités de notre pays persistent à couvrir ou à minimiser.
Tout ce beau monde ergote par conséquent, fuyant ses responsabilités. Cela explique le malaise dont fait état l'un des avocats des plaignants Me Edgar Vincensini : "Si une majorité de petits porteurs ont choisi de porter leur action aux États-Unis cela pose la question de la crédibilité des normes juridiques françaises". Nous pourrions ajouter, au-delà de la question qu'il soulève, celle des textes, que le justiciable français se pose aussi celle des institutions.
Lorsque l'un des avocats des petits porteurs, Me Pascal Lavisse demande à voir une "délégation", dont Messier fait état pour sa défense, "et la date à laquelle elle a été signée", réponse méprisante de Me Kiejman :"nous ne sommes pas dans un Tribunal de Commerce".
Tous ces gens se préparent donc, bien tranquillement, à passer au travers. L'omertà fonctionne. Le scandale s'étouffe. L'information se verrouille.
Les enceintes de "justice" démontrent ici leurs limites, leur propre médiocrité. Les produits de l'École nationale de la magistrature semblent se refuser à juger ceux de l'École nationale d'administration.
Les citoyens, les contribuables, les épargnants en tireront légitimement les conséquences.
JG Malliarakis
Apostilles
- Le Monde.fr en ligne le 4.6 à 19 h 29
- Le Monde du 19 juin
- Le Monde.fr en ligne le 18 juin.
sur le site de Lumière 101
Jean Marie Messier est non seulement Enarque mais aussi X (promo 1976), tout comme V.Giscard d'Estaing (X+ENA) et H.de Lesquen(X+ENA); 3 personnages prédateurs + partiellement incompétents; il faut se méfier de ces 2x Anciens Elèves de Grandes Ecoles.
Rédigé par : Jacques Besançon | vendredi 25 juin 2010 à 01:15
Les supérieurs infligent l'égalité aux inférieurs. Ils s'en exemptent.
Avant la Révolution, les juges ne faisaient de cadeau à personne.
Rédigé par : Pirée | mardi 10 août 2010 à 07:07