En marge sans doute de cette actualité, et d'autres drames du monde, deux événements ont retenu mon attention les 18 et 19 juin.
Évoquons les ici, l'un après l'autre.
En lui-même, pour commencer, le lancement, expression significative, du parti villepinien ne bouleverse certes pas l'impression générale qu'on peut éprouver, face à ce faux personnage. Croisement hybride et cocasse de l'énarchie et du bonapartisme, il renouvelle à peine la trop longue série des pseudo-dissidents régulièrement apparus, depuis 40 ans, aux franges de l'appareil gaullien. Leur histoire imperturbablement anecdotique a commencé, en effet, dès le départ du fondateur de la Ve république. La tentative a toujours été recrachée depuis lors par le parti lui-même. Qui pense encore à Christian Fouchet candidat à la candidature en 1969 ? En son temps, l'estimable Michel Jobert en avait reçu sa part. Se souvient-on que le Chirac lui-même, que l'UDR avait cherché à exclure en 1974, n'avait pu faire l'objet de cette mesure : il n'avait jamais pris sa carte du mouvement. Il allait cependant en assumer la direction puis le transformer en un Rassemblement pour la république…
Ce qui devrait frapper dans le discours tenu le 19 juin cependant tient à la dérive ridiculement gauchisante du programme. Le bélître des cabinets ministériels se grime en racoleur bellâtre des électrices d'âge mûr, mais il ne veut pas du suffrage de Mme Bettancourt.
Retenons d'abord que l'ancien porte-parole du Chirakistan propose aujourd'hui d'abolir le fameux bouclier fiscal. Son propre et glorieux gouvernement l'avait pourtant institué par la loi de finances de 2006. Ce cautère technique sur une jambe de bois se voit rogné dans sa légitimité. On le conteste de jour en jour. Et, à vrai dire, personne ne manifeste l'envie de mourir pour son maintien symbolique. Il s'agit, d'ailleurs, d'un point de détail dans l'immense fresque destructrice de la propriété dessinée par la fiscalité française. La mise en place de la république collectiviste n'a pas attendu qu'il réinvente à son profit l'étiquette d'une prétendue "solidarité" dévoyée.
Car la mesure la plus absurde qu'il fait mine de préconiser, pour plaire à un peuple qu'il ne connaît guère, tendrait à rehausser encore en France l'impôt sur les successions.
Le mécanisme fondamental de la délocalisation financière et, plus encore, industrielle s'en verrait évidemment renforcé.
Mais je ne voudrais pas m'en tenir à cette seule critique. Conforme à l'air du temps, elle s'inscrirait dans une sorte de platitude matérialiste à courte vue. Elle laisserait alors de côté le vice essentiel de la pensée technocratique française. Or, celle-ci remonte loin dans le temps. La continuité intellectuelle de Saint-Simon a pris racine dès 1825. À partir de cette date, deux nuisances rivales se sont partagé l'influence dominante dans les milieux polytechniciens : l'école proprement dite fondée par Enfantin, d'une part, et le positivisme d'Auguste Comte d'autre part. Les adeptes de l'une comme de l'autre ont tout construit pour nier le rôle de l'individu, la propriété privée et le droit naturel. La fondation de l'ENA en 1945 n'a fait que cristalliser ces tendances. L'abolition de l'héritage se trouve inscrite dès 1848 dans le manifeste de Marx. Mais ce beau programme, auquel les pays hier communistes ont su renoncer, se verrait repris de la sorte, au taux de 75 %, par le villepinisme.
Mme Buffet peut prendre sereinement une retraite bien méritée : sa propre succession se partagera entre le nouveau parti et celui du camarade Melanchon. Gageons, ou au moins souhaitons, que tous ces gens connaissent le même [in]succès. Marie-Joe avait obtenu un bon 10% des voix autrefois communistes; le beau Dominique pourrait bien racler le même pourcentage de l'électorat UMP. Il parviendrait ainsi à se révéler pour le meilleur atout pour la réélection du président sortant, qu'il fait profession d'exécrer.
On passe cependant à côté du vrai sujet, si l'on ne complète pas cette dérision par la considération terrible du procès Messier, c'est-à-dire de l'impunité des vrais prédateurs, des vrais fossoyeurs de l'épargne française.
Les Responsabilités des dynasties bourgeoises dont Beau de Loménie entreprit de dresser le tableau historique au lendemain de l'effondrement de 1940, cela continue de la sorte, sous le règne des énarques. On me permettra donc de l'évoquer dans ma prochaine chronique.
JG Malliarakis
Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de Lumière 101
Effectivement : ne pas savoir que la présidence de la République passe d'abord par la conquête d'un parti, ce n'est pas seulement une erreur de tactique : c'est une faute impardonnable de jugement. Et une méconnaissance totale du peuple qu'on prétend gouverner. Ça mérite une large veste...
Rédigé par : Pierre-Ernest | mardi 22 juin 2010 à 07:36