Ce qui se passe actuellement au sud du Rio Grande devrait compter pour l'Europe au moins autant que l'actualité du Proche Orient, théâtre d'ombres et de faux-semblant.
Au moins, les quelque 20 nations du "continent vert" représentent un enjeu qui devrait passionner l'opinion. En cela oui nous comprenons pourquoi dans un entretien récent (1) le chef du "parti de gauche" critique le peu d'intérêt que manifeste pour cette région du monde l'intellocratie germanopratine.
Dans une lettre à Charles-Quint, François Ier, ne reconnaissait-il pas, dans le même esprit : "Mon cousin et moi sommes d'accord, tous les deux nous voulons Milan".
Bien entendu, par ailleurs, une opposition purement linéaire entre "droite" et "gauche", telle que nous la pensons en France ne s'y transpose qu'artificiellement.
Mais qui oserait dire qu'en France même, ce clivage serait demeuré invariant depuis 1789. À partir de 1902, par exemple, et jusqu'aux années 1980, aucun homme politique ne s'est réclamé de la "droite". On chercherait vainement ce mot dans l'œuvre de Maurras, qui pourtant constitua si longtemps une sorte de référence incontournable de ce camp. Timidement le terme est réapparu, après un siècle de discrédit, pour désigner les opposants à François Mitterrand. Dans les années 1970 le front national avait essayé, sans beaucoup de succès au départ, de le réhabiliter.
Ainsi, s'agissant de l'Amérique latine, certains identitaires européens voudraient faire l'apologue de l'indianité, en saluant d'authentiques gauchistes. Ils commettent d'ailleurs un contresens bien significatif. Ils croient que ce parti chercherait à prendre sa revanche sur la christianisation espagnole et portugaise : au contraire, dans tous les pays où les populations indiennes se sont trouvées en difficulté, au Chili et au Paraguay pour ne citer que les exemples les plus connus, le secours est venu des missionnaires, des jésuites ou de dominicains comme Las Cases. Les adeptes des Lumières se sentaient beaucoup moins réservés sur le commerce des esclaves.
À leur manière, et peut-être sans s'en rendre compte, leurs héritiers philosophiques du microcosme politique hexagonal persistent dans leur propension pro-esclavagiste. Ils affirment en effet leur connivence avec Chavez, leur admiration pour Castro et leur sympathie pour les tous les gouvernements plus ou moins teintés de marxisme et de collectivisme, ces formes contemporaines de l'esclavage d'État.
Les quelques courageux gouvernements, comme ceux du Mexique ou de la Colombie, qui résistent à ces influences, ne sont gratifiés que de sarcasmes, de désinformations, d'amalgames. L'une des tartes à la crème des discours gauchisants se fonde sur la recette bien connue de l'antiaméricanisme, comme si les États-Unis et leur impérialisme portaient la responsabilité des difficultés et de la pauvreté des pays du sud. On se souviendra par exemple que l'Argentine avant 1945, ou Cuba avant 1959, se trouvaient largement plus prospères que la plupart des nations européennes. Le péronisme "de gauche" et le castrisme ont ruiné ces peuples.
Leur continuateur depuis une dizaine d'années tient les rennes du pouvoir à Caracas en la personne de Hugo Chavez. Contrairement à Fidel Castro et Ernesto Guevara, il a pris le contrôle du Venezuela, en 1999, sur la base d'élections démocratiques, recueillant alors 56 % des voix. Ce succès, il est vrai, n'est intervenu qu'après deux tentatives infructueuses de coup d'état en février puis novembre 1992. Créditons-le également d'une autre différence. Malgré diverses mesures répressives odieuses contre les médiats et la liberté d'expression, sa dictature, plus exactement son régime plébiscitaire n'a pas éliminé totalement les oppositions, ni liquidé physiquement tous ses adversaires. On doit également reconnaître qu'en 2002, dans des conditions d'ailleurs compréhensibles, ce fut la droite qui tenta, vainement de le renverser par la force.
Reste que l'homme qui fonda en 1983 le "Mouvement révolutionnaire bolivarien", MRB-200 à l'occasion du 200e anniversaire du "libertador" (2) n'a changé d'un iota ni ses conceptions ni même ses lubies folkloriques. Il est allé jusqu'à rebaptiser son pays en "république bolivarienne" du Venezuela, par le referendum de décembre 1999. Il a fait en 2008 du "bolivar fuerte" sa monnaie au cours d'un nouveau bolivar pour 1 000 anciens. Cependant cette monnaie "forte" vaut au marché noir pratiquement la moitié de son cours officiel.
La force de son régime repose que sur les dividendes du pétrole. Celui-ci génère 90 % des exportations du pays, assurées par 2 % de la main-d’œuvre, représentant 50 % des recettes de l'État. Cela constitue une très importante réserve démagogique. Le péronisme argentin avait tiré parti d'une rente analogue, grâce à ses énormes exportations de viande bovine et de blé, de 1945 à 1955, laissant des traces illusoires dans les masses déshéritées de ses "descamisados" qui applaudissaient frénétiquement les discours enflammés d'Evita Peron.
Malgré cela, ou à cause de cela, les économies des deux pays, à un demi-siècle de distance se sont délabrées de la même façon. Une croissance en recul permanent de 2004 à 2009. La socialisation s'est accélérée en 2006 : la nationalisation des télécoms, de l'électricité, du pétrole, de la production de lait, de ciment ou de l'acier. Sur les 6,5 millions d'actifs, 2 millions sont désormais salariés de l'État. L'inflation débridée atteint 22 % en 2007 et dépasse 30 % en 2008. Une criminalité galopante fait de Caracas une des villes les plus dangereuses du monde avec 130 assassinats pour 100 000 habitants en 2007.
La différence avec l'Argentine des années 1950 tient en ceci que Juan Domingo Peron, et plus encore Evita, quoi qu'en pensent aujourd'hui les "péronistes de gauche", passaient généralement, en leur temps, subjectivemnt à juste titre, pour des fascistes. (3)
À l'inverse désormais Hugo Chavez a été adoubé comme son successeur en tant que chef du tiers-monde révolutionnaire par Fidel Castro. Et il dédiait au "dealer maximo" sa victoire électorale de décembre 2006.
Chavez prône désormais ouvertement ce qu'il appelle l'instauration d'un "socialisme du XXIe siècle". Il renforce ses liens internationaux sur une base unique : l'hostilité à Washington. Par ailleurs, il a averti l'opposition qu'elle ne retournerait "plus jamais au pouvoir". Il prévoit tranquillement que son propre pouvoir personnel doit durer jusqu'en 2021, deuxième centenaire de la victoire "bolivarienne" sur l'Espagne.
À plus ou moins juste titre Mélenchon déclare :
"Les dirigeants du PS français et de la social-démocratie européenne, en effet, sont en général des personnages que je considère comme des poulets élevés en batterie. Ils sortent des grandes écoles, sans aucun passé militant dans les luttes populaires, et encore moins dans l’internationalisme politique. Ils montent les marches du pouvoir politique en croyant que leur discours de gestionnaires, c’est du socialisme. Et ils font croire que ça se résume à ça. Ces dirigeants n’ont jamais compris ce qui se passe en Amérique latine parce qu’ils ne se sentent pas concernés."
Voilà malheureusement la conclusion qu'il en tire :
"C’est donc pour cela que j’ai demandé à ces dirigeants qu’ils se taisent, et qu’ils observent avec respect le chemin montré par Chavez, Evo Morales en Bolivie, Rafael Correa en Équateur ou José Mujicaen Uruguay. Non pas pour les imiter, mais pour apprendre d’eux."Riche enseignement en effet que de gaspiller en dépenses stériles et démagogiques les ressources naturelles qu'il pourrait investir en développement.
Mais qu'importe le vin pourvu que Mélenchon ait l'ivresse. Pour lui :
"L’Amérique du Sud est une source d’inspiration, de lutte et d’optimisme."Et de s'exprimer dans ce sens sur le site des "Mémoires de luttes" où on le retrouve aux côtés des Cassen, fondateur d'Attac, des Ramonet, du Monde diplomatique, ou des Sapir, qu'on ne présente plus, et tutti quanti.
La phrase clef de Melenchon :
"Le président Hugo Chavez note, comme moi : Les gens ne veulent pas comprendre que pour redistribuer les richesses auprès des pauvres, il faut changer les institutions."Pour toutes ces raisons, on mesure à la fois ce que signifie l'admiration que lui voue Mélenchon et ce que son influence implique comme perspective politique pour notre pays.
Soulignons à cet égard les réserves de la base au 35e congrès du parti communiste réuni à La Défense du 18 au 20 juin pour les adieux de la camarade Buffet. Les délégués ont applaudi Gerin, député-maire stalinien de Vénissieux, réclamant "un candidat communiste à la présidentielle". Déplorant "l'effacement du PCF", il considère que cette opération "fait partie du boulot de Mélenchon". Jugé par les médiats seul candidat crédible à gauche du parti socialiste, celui-ci représente une aventure qu'ils exècrent.
Selon une étude par sondage, réalisée par l'IFOP, 3,2 % des Français se diraient "proches du parti de gauche" aux 6 000 adhérents, contre seulement 2,1 % au PCF qui en revendique 130 000. Voilà bien de la concurrence déloyale.
Le vieil appareil n'a pas oublié son éternel ennemi : le gauchisme.
JG Malliarakis
Apostilles
- publié le 21 juin 2010 sur le site "Mémoire des luttes".
- Bolivar est né à Caracas le 24 juillet 1783.
- Pour comprendre l'apparent paradoxe [Peron, lui-même admirateur de Mussolini, confia le ministère de l'Industrie à un admirateur de la planification soviétique]. On se reportera au petit livre "La Décade péroniste" par Georges Béarn, 253 pages coll. Archives Julliard-Gallimard réédité en 2002.
sur le site de Lumière 101
En visite officielle en Arabie séoudite, le commandant Chavez s'est signé deux fois devant le roi. Tout juste s'il n'a pas crié "vade retro satanas !". Ce n'est pas la seule fois qu'il a eu un comportement peu diplomatique. Disons qu'il est, comme le colonel Khadafi, bizarre. Cela leur réussit, ce qui me pousse à penser qu'ils sursimulent, car les fous font peur. Quant à Mélenchon..."La bêtise au front de bœuf".
Rédigé par : Pirée | samedi 26 juin 2010 à 12:04
J'ai entendu une amusante interview de Mélanchon il y a quelque temps sur une radio croupion.
Il y expliquait qu'il était impératif que l'Europe vienne en aide à la Grèce en lui prêtant de l'argent. Mais il ajoutait qu'il trouvait scandaleux qu'on puisse conditionner cette aide à une réforme économique.
Je cite de mémoire : "Qui sommes-nous pour donner des leçons à un État indépendant et pour lui imposer de changer de politique ? C'est anti-démocratique !".
Il aurait été plus honnête qu'il dise que nous devions DONNER de l'argent à la Grèce et pas lui en PRÊTER.
En effet, le prêt suppose par principe le remboursement. Et la politique actuelle de la Grèce, c'est de s'endetter au delà de ses capacités à régler ses dettes.
Prêter sans demander un changement de politique, c'est accepter de ne jamais être remboursé et c'est donc un don.
Mais le camarade Mélanchon est-il accessible à ces subtilités ?
Joyeuse bonne journée !
Rédigé par : Inspecteur Juve | samedi 26 juin 2010 à 12:58